MONTRÉAL – Marc Dos Santos a vécu sa part d’absurdités dans sa longue carrière d’entraîneur.

À San Francisco, il a dirigé une équipe qu’il savait destinée à l’extinction. Au Brésil, il a parfois travaillé dans des conditions dignes d’une ligue de garage. À Montréal, il a vécu difficilement la pression inhérente à la transition du club vers la MLS.  

L’accumulation de tant d’expériences endurcit son homme. Elle aide aussi à développer un certain sens de l’humour, apparemment.  

Dos Santos l’a sans doute ri jaune sur le coup, mais il décrit comme « l’un des exemples les plus drôles » de sa deuxième saison à la barre des Whitecaps de Vancouver le moment précis où il a réalisé l’ampleur de la galère dans laquelle ses hommes et lui étaient coincés fin septembre, après la série de six matchs qu’ils venaient de disputer contre l’Impact et le Toronto FC.  

« Notre premier match qui était considéré à la maison, c’était contre Portland... à Portland. Dans leur stade », se remémore-t-il, déposant sur chaque syllabe le poids de sa résignation tranquille.

Les Whitecaps étaient fraîchement éliminés de la course aux séries dans l’Association Ouest lorsque Dos Santos a pris une dizaine de minutes dans sa journée pour répondre aux questions de RDS, vendredi. Deux jours plus tôt, la victoire des Earthquakes de San Jose avait rendu mathématiquement impossible l’improbable remontée au classement de son équipe.

Au milieu de sa préparation pour le dernier match de la saison contre le Galaxy de Los Angeles, le coach s’est donc gracieusement prêté à un exercice qu’il aurait souhaité repousser et a fait le bilan d’une campagne éprouvante, mais de laquelle il soutire une grande fierté.    

« On a doucement retrouvé notre identité »

« On a travaillé fort pour se rendre si proche. On était arrivé à un moment où on pensait vraiment que le match de dimanche allait compter pour beaucoup, a-t-il déploré. On avait grandi beaucoup au fil de la saison. On avait connu une série de victoires qui nous avait mis dans une position pour avoir du succès. Mais les défaites contre Portland et Seattle nous ont fait mal et on n’a pas réussi à avoir les points qu’il nous fallait pour être dans un match décisif. C’est dommage parce qu’on a sacrifié beaucoup pour être dans le groupe des huit équipes qualifiées. »

Une solide présaison et un convaincant jeu blanc à l’étranger avait laissé Dos Santos avec un bon pressentiment avant que la pandémie de COVID-19 ne force la MLS à mettre ses équipes sur les blocs en mars. Mais à la relance des activités, son optimisme a été renvoyé en confinement. Huit de ses joueurs, dont ses deux attaquants vedettes, ont décidé de faire l’impasse sur le tournoi de reprise à Orlando. Son gardien numéro un, Maxime Crépeau, est tombé au combat en cours de route.     

Contre toute attente, les Whitecaps se sont faufilés en huitièmes de finale. Le puissant Sporting Kansas City a eu besoin des tirs de barrage pour s’en débarrasser.

« On s’est battu. Mais quand on est revenu à Vancouver, on avait un groupe divisé, confie Dos Santos. Pas divisé à cause du vestiaire, mais parce qu’une partie arrivait d’une aventure que les autres n’avaient pas vécue. On a dû faire deux semaines de quarantaine et remettre ce groupe-là ensemble. Ça nous a pris un peu de temps. Je pense qu’on a perdu à peu près deux mois avec ce processus. »

« L’attitude a été excellente »

À leur retour au pays, les Caps se sont fait brasser dans une portion de calendrier qui les a opposés six fois à leurs rivaux canadiens. Ils ont ensuite subi quatre défaites consécutives peu après leur arrivée dans leur domicile improvisé au sud de la frontière. Mais ils ont suivi avec une séquence de trois victoires en quatre matchs et ont vendu chèrement leur peau contre des adversaires mieux nantis dans le dernier droit.

« Dans les deux derniers mois, on a doucement retrouvé l’identité qu’on voulait et ça a amené des résultats positifs. Même dans les défaites, à part [celle de 6-0 à Los Angeles], on était très proche à tous les matchs. Et on a réussi à gagner des matchs importants sans jamais jouer à la maison. »

« Il y a une force mentale dans le groupe »

L’éloignement a laissé chez les hommes de Dos Santos les mêmes traces que Thierry Henry a vu miner les siens à l’autre bout du continent.

« J’ai appris à connaître mes joueurs encore plus. Je me suis rapproché d’eux et j’ai adoré leur mentalité. Personne ici n’a pleuré, personne n’a boudé. J’ai toujours vu un niveau de travail top à l’entraînement. Dans tous les moments, l’attitude ici a été excellente », s’enorgueillit le pilote de 43 ans.

« Et on est à Portland, poursuit-il. On ne peut même pas sortir dehors en ce moment à cause des manifestations. Hier soir, il y avait la guerre civile ici, ils parlaient presque de faire venir l’armée. On est dans une ville des États-Unis où c’est chaotique. Alors on ne sort pas de l’hôtel. Mais ça nous a rapprochés. Je trouve qu’il y a une force mentale très élevée dans le groupe. On ne veut pas être négatif par rapport à rien. Oui c’est difficile mentalement, mais pour moi ça serait plus difficile si quelqu’un dans ma famille était en train de mourir du cancer ou si quelque chose arrivait à mes enfants ou à mon épouse. Ça, c’est tough. Maintenant, on joue au soccer, on est dans un hôtel, faut pas venir fou avec ça. Mais maintenant que ça achève, qu’on s’apprête à retourner chez nous, c’est sûr qu’on va aussi aimer cette partie-là. »

2021 : la fin des injustices?

Sportivement, Dos Santos est confiant de pouvoir soulever son club au niveau supérieur la saison prochaine. Le groupe a subi quelques soustractions qui n’ont pas été comblés lors de la dernière fenêtre de transferts. L’entraîneur estime que pour assurer une progression, il faudra greffer quatre ou cinq joueurs à la fondation sur laquelle il travaille depuis deux ans.

« On veut amener un joueur désigné important »

« Mais ces quatre ou cinq joueurs devront être des joueurs importants, précise-t-il. On a une place pour deux joueurs désignés et on veut amener un joueur désigné qui peut faire une grosse différence dans notre équipe. On est déjà en train de travailler là-dessus. On veut vraiment ajouter à une base qu’on a vu grandir cette saison. »

Dos Santos devra toutefois être indulgent envers son directeur sportif Axel Schuster. L’incertitude dans laquelle demeure plongée la saison 2021 risque de compliquer grandement la tâche des clubs canadiens dans leur quête de renforts.

Le sujet est d’ailleurs délicat lorsqu’il est proposé en guise de conclusion. Que devra faire la MLS pour ses équipes canadiennes la saison prochaine? Sous son masque, Dos Santos se mord les lèvres.

« J’aimerais tellement être honnête avec ma réponse, mais je comprends aussi la plateforme que j’ai. RDS aimerait beaucoup que je puisse dire comment je me sens vraiment. Ça serait dans les nouvelles partout. Cependant, je ne pourrai pas faire ça »

« Je ne sais pas moi si les Red Bulls de New York seraient allés vivre à Montréal pendant deux mois, ose-t-il ensuite demander. Ou si LAFC serait venu passer deux mois à Vancouver de la façon qu’on l’a fait. Je trouve que les avantages et les désavantages pour jouer un match et gagner trois points, c’est tellement différent pour chaque équipe. De juger les résultats de l’Impact de Montréal, juger les résultats de Toronto ou Vancouver, c’est très, très injuste. »

« Mais je ne sais pas comment la MLS va faire dans le futur. Je trouve que c’est très difficile d’organiser le tout, mais j’espère que les choses peuvent changer pour 2021. Est-ce que je crois qu’elles vont changer beaucoup ? Non. Est-ce qu’on se prépare mentalement pour une autre saison semblable à celle-ci ? Je pense que oui. Mais on va voir ce qui va arriver. »