Je vous avoue n'avoir en mains aucune statistique précise pour la quantifier, mais il est facile de palper toute la ferveur qu'engendre la Coupe du Monde de soccer 1998, chez nous, au Québec. Il suffit, notamment, d'être à l'écoute des gens qui spontanément me parlent de l'événement, avec la plupart du temps une connaissance et un engouement étonnants, pour saisir l'ampleur du mouvement. Et ce n'est pas étonnant. Le sport, c'est clair, connaît présentement un renouveau dramatique et ce renouveau nous entraîne vers de toutes nouvelles bases. Le Mondial '98 en est un symbole éloquent.

Vers les grands événements

On a beaucoup parlé depuis quelque temps de "mondialisation", à quelques poussières du nouveau siècle. A observer les grands courants qui nous bousculent présentement, sur tous les fronts à la fois, il est assez clair que les prochaines années seront celles de l'ouverture sur le monde. La deuxième moitié du présent siècle a servi à developper des moyens d'observer ce qui se passe chez le voisin. Le première moitié du prochain nous poussera vraisemblablement vers le contact direct avec ce même voisin!

Et le sport est assurément à l'avant-scène de ce phénomème, au même titre que l'économie et la politique. Le Mondial, par exemple, c'est beaucoup plus qu'une simple compétition sportive. C'est un formidable prétexte pour s'arrêter et tenter de saisir l'état du monde, présentement. Le match Iran-Etats-Unis n'a-t-il pas été l'occasion pour tous les médias de faire un point important sur les relations entre les deux nations, près de 20 ans après les événements violents dont on se rappelle encore aujourd'hui?

Sur le plan sportif et au point de vue spectacle, il est clair que les grands événements internationaux à rayonnement universel prennent de plus en plus de place dans nos vies. Sans rien enlever au mérite des Expos, surtout dans cette année de reconstruction, les principaux sujets de discussion en fin de semaine ne portaient pas sur leur défaite de 2-1 dimanche, ou sur leur fiche à la pause du match d'étoiles.

Ils portaient surtout sur le cinquième titre de Pete Sampras à Wimbledon ou sur cette renversante victoire de la Croatie sur l'Allemagne, à la Coupe du Monde. Les golfeuses québécoises ont probablement suivi avec intérêt l'Omnium féminin des Etats-Unis où deux remarquables jeunes femmes de 20 ans, dont une amateure, se sont livrées un duel formidable les poussant jusqu'à une ronde de prolongation, hier. Il y a même eu un grand moment de fierté nationale quand Bruny Surin a remporté le 200 mètres de Linz, en Autriche, dimanche. Remarquable, n'est-ce pas?

Comme pour la F1

Cette réalité n'est pas sans rappeler le tournant spectaculaire des amateurs de sport québécois vers la Formule 1. Evidemment, Jacques Villeneuve a été le principal artisan de ce raz-de-marée, mais peu importe la raison, il existe maintenant au Québec une toute nouvelle tradition bien implantée. Dorénavant, les dimanches matins sont consacrés au suivi du Grand Prix de F1. Les deux sont devenus indissociables, comme le samedi soir l'était jadis (et l'est encore, dans une moindre mesure) pour le hockey.

Jusqu'ici, cette saison, les cotes d'écoute de RDS et de Radio-Canada ne semblent aucunement indiquer une baisse de l'intérêt pour la F1. Pourtant, Jacques Villeneuve connaît une saison de misère. C'est donc dire qu'une grande quantité des nouveaux amateurs qui ont commencé à s'intéresser à la F1, à cause des succès de Jacques, sont tout simplement devenus de vrais amateurs de F1 tout court! Ils se sont découverts une nouvelle passion qui se renouvelle à chaque deux semaines, pendant huit mois.

Avertissement sérieux

Ce phénomène devrait sérieusement commencer à inquiéter les dirigeants des grands sports traditionnels nord-américains. Déjà, la NFL (qui est toujours à l'avant-garde) a compris que son développement passait par une ouverture sur le monde. La création de la Ligue Mondiale et l'accessibilité des matchs de la NFL, à la télévision, à travers le monde entier, sont des gestes concrets qui ont aidé le circuit à se gagner de nouveaux adeptes essentiels.

La NBA, avec ses étoiles format géant comme Micheal Jordan, obtient une notoriété instantannée au niveau mondial. Et puis le basketball se joue dans pratiquement tous les pays, ce qui contribue grandement à la popularité du sport et de la ligue.

Mais le baseball et le hockey, eux, tardent encore à se doter d'une véritable politique de mondialisation. Et il serait grandement temps de se mettre à la tâche. Inutile de s'étendre sur le baseball; il n'y a pas une institution sportive plus rétrograde que les Ligues Majeures. Au hockey, avec l'invasion des joueurs européens, on pourra toujours invoquer que la LNH a pris la bonne direction et qu'avec la participation des professionnels aux Jeux olympipiques, on a posé des gestes concrets en vue d'augmenter le rayonnement de la ligue.

D'accord, mais soyons honnêtes: la Coupe du Monde d'il y a deux ans et les JO de Nagano n'ont pas donné la moitié des retombées escomptées. Tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas une forme continue de rencontres régulières entre des formations européennes et nord-américaines, tant qu'il n'y aura pas un regroupement véritable entre la LNH et les différentes ligues d'élite d'Europe, on ne pourra parler de mondialisation véritable pour le hockey. Et sa survie chez nous, à moyen terme, pourrait en être sérieusement affectée.