« J’ai l’impression qu’elles ne pensent pas qu’on est si bonnes que ça… » C’est candide de la part de Daniëlle Van de Donk, la capitaine néerlandaise et l’une des meilleures joueuses du tournoi. Mais elle dit clairement ce que beaucoup pensent. À savoir qu’après avoir écarté les deux principales prétendantes, France puis Angleterre, les Américaines n’ont qu’une formalité à remplir pour ramasser une nouvelle Coupe du monde.

Dans le discours de « VDD » perce évidemment une petite pique à l’endroit de cet air de supériorité, parfois d’arrogance, qui semble accompagner l’équipe américaine dans ce tournoi. Et si cet air peut agacer, il fait complètement partie de la panoplie, du bagage et de l’expérience qu’elle promène avec elle. En fait, d’une certaine façon, elle s’en nourrit. Elle va y chercher sa motivation et son unité, ce « nous contre le monde entier » qui demeure un bon vieux cliché des sports d’équipes.

Ça commence avec un bon gros 13-0 contre la Thaïlande. Ça se poursuit avec des célébrations qui ont eu le don d’énerver tout le monde. Et si ça énerve, dites-vous bien que c’est fait pour. Et ça continuera jusqu’au dernier moment, cote à cote dans le tunnel. Avec un regard lourd. Ou bien, au contraire, l’absence dédaigneuse de toute reconnaissance.

De là à dire que les Américaines peuvent sous-estimer les Néerlandaises avant cette finale, c’est sans doute exagéré. Jusqu’à présent, elles ont au contraire montré une assez bonne connaissance de leurs adversaires et même su évoluer à l’intérieur d’un match pour répondre à diverses situations de jeu. C’est en grande partie le travail de Tony Gustavsson, que l’on voit régulièrement aux côtés de Jill Ellis, avec ses notes et sa tablette. Il a rejoint la sélection américaine un peu avant les J.O. de Londres, à l’époque où elle était dirigée par sa compatriote suédoise Pia Sundhage. Il est resté par la suite et apporte un autre regard tactique aux Américaines, tant sur l’adversaire que sur la façon dont elles doivent aborder certains moments en cours de partie. Passer à cinq en défense. Ajouter une présence physique au milieu. Pousser une latérale plus loin dans son couloir ou, à l’opposé, lui demander de tenir une adversaire en quasi individuel.

Il est par exemple certain que la façon dont les Suédoises ont gêné les Pays-Bas sur phases arrêtées aura été étudiée. Présence très haute autour de Van Veenendaal pour empêcher un dégagement propre et efficace. Les Américaines pourraient placer une ou deux joueuses à 18-20 mètres pour reprendre ces ballons.

Sous-estimer les Néerlandaises? Certainement pas. Au contraire, elles ont dû faire l’objet d’une analyse minutieuse, tant elles ont su évoluer au cours du tournoi. Les principes de base, « l’identité de jeu », demeurent bien là, mais la mise en place a tout de même bougé. D’abord, les deux doublons - Van der Gragt et Bloodworth en défense centrale, Spitse et Groenen au milieu - ont gagné en assurance et en responsabilités dans le jeu. Leur positionnement les unes par rapport aux autres en particulier (dans les phases sans ballon) est beaucoup plus efficace. Meilleures dans la récupération, elles apportent alors plus de variations en attaque.

Vers l’avant, les Néerlandaises possèdent un trio qui dans un bon jour est l’un des meilleurs au monde, avec Martens - Miedema - Van de Sanden. Et l’on pourrait dire que jusqu’à présent, elles n’ont pas encore connu un match où elles ont été vraiment irrésistibles toutes les trois en même temps. À deux jours de la finale, le doute demeure quant à la participation de Lieke Martens, sortie très tôt face à la Suède (blessure à un pied). Son absence serait bien sûr un sévère handicap offensif. Deux options pourraient alors s’offrir: avec Beerensteyn, les Pays-Bas possèdent l’option d’une attaquante qui n’est pas purement ailier (et certainement pas ailier gauche) mais peut évoluer sur toute la largeur, offrir une présence dans la surface et permettre à Miedema de bouger beaucoup plus (ce qu’elle fait d’ailleurs depuis la fin de la phase de groupes). Beerensteyn est entrée plusieurs fois pour Van de Sanden (et a même débuté la demi-finale), mais ne se cantonne pas à droite et crée une attaque asymétrique qui demande aux défenses de s’ajuster rapidement.

L’autre option serait de titulariser Roord en faux ailier. Clairement moins décisive pour déséquilibrer une défense, elle offre une autre présence sur balles arrêtées, frappes de loin et courses en pénétration comme Spitse et Groenen font maintenant. Elle a aussi l’avantage d’offrir une couverture supplémentaire dans la zone de Rose Lavelle qui a été excellente face aux Anglaises en apportant (enfin) la touche technique efficace qui manquait aux Américaines.

Un mot sur Van Veenendaal, tout de même: elle est très certainement la meilleure gardienne du tournoi.  Elle a été formidable sur sa ligne et impressionnante dans ses sorties, avec des arrêts décisifs dans chacun des matchs à élimination directe de son équipe. Avec trois buts encaissés en six matchs (autant que les Américaines), son assurance est une des raisons du mieux-être défensif des Pays-Bas.

Sa contribution est forcément essentielle, vu la tendance des Américaines à forcer chaque match d’entrée, parvenant à chaque fois à prendre un avantage rapide qui leur permet de prendre le contrôle de la partie. On a pu voir la variété de leurs attaques ainsi que leur diversité (attaques placées, contre, balles arrêtées, centres) et l’éventail de joueuses capables d’alimenter ces attaques: avec Heath, Morgan, Rapinoe, Press, Pugh, Lloyd et Lavelle, il y en a au moins trois qui seront sur le banc, en tenant compte de l’état de santé de Lavelle et Rapinoe ou d’une éventuelle « boîte à surprise » dans le onze de départ (Carli Lloyd et la finale 2015?).

La capacité des Néerlandaises à résister à cet assaut initial demeure une clé du match. Les Américaines, malgré l’étendue de leurs qualités physiques, ne peuvent maintenir ce pressing trop longtemps. Elles savent par contre très bien gérer leurs temps forts. Mais elles ont été vraiment gênées par périodes, tant par l’Espagne, la France ou l’Angleterre, qui ont toutes su profiter de moments délicats dans la défense. Et à moins que les Néerlandaises ne cherchent le coup-surprise et sortent elles-mêmes en force dès le début, c’est clairement sur leur capacité derrière qu’elles devront construire cette finale.