Maintenant qu’elle est la joueuse canadienne la mieux classée au pays, Françoise Abanda recevra-t-elle autant d’attention médiatique et de soutien qu’Eugenie Bouchard?

Abanda en doute fortement et elle a confirmé qu'elle se sent victime de racisme durant une conférence téléphonique pour expliquer son point de vue.

Tout a débuté mercredi matin, quand elle a parlé d'une situation inégale en raison de la couleur de sa peau. Elle s'est exprimée ainsi sur son compte Twitter, lorsqu’elle a répondu à cette question posée par un abonné.

« Je ne recevrai jamais le même traitement parce que je suis Noire. C'est la vérité! », a-t-elle écrit sur Twitter.

Tweet de Françoise Abanda

Un fléau profondément enraciné

Des incidents discriminatoires liés à couleur de sa peau ont jonché « par centaines » le parcours de Françoise Abanda, raconte la principale intéressée, maintenant âgée de 21 ans.

« J'ai laissé passer, et laissé passer, mais là, aujourd'hui, j'avais envie de m'exprimer. Il y a une réalité raciale qui existe, et je veux m'exprimer pour changer les mentalités, pour encourager l'égalité. Je sais que c'est un problème profond, qui prendra plusieurs années à être réglé, mais je veux raconter ce que j'ai vécu », a évoqué Abanda.

« Il y a des choses que j’ai vécues dans ma carrière en étant plus jeune, chez les 12 ans et moins, et les 14 ans et moins, des choses atroces que je n’ai pas envie de discuter ici, qu’aucun autre joueur canadien ne doit traverser (...) J'aimerais que les prochains joueurs dont les parents sont immigrés seront traités de la même façon que tout le monde », a-t-elle souhaité.

Elle aurait souvent reçu le message de « retourner dans son pays » durant son adolescence, alors qu'elle cherchait à gravir les échelons.

La Montréalaise a aussi expliqué ressentir depuis bon nombre d'années un puissant sentiment d'exclusion, notamment par rapport à la place médiatique qui lui est accordée en tant que joueuse d'élite.

« Quand tu es Noire, je ne crois pas que tu reçoives la couverture médiatique que tu mérites lorsque tu es la 120e joueuse mondiale. Je ne demande pas d’être suivie autant qu’une no 1 mondiale ou qu’une joueuse ayant accompli plus, mais il y a un minimum dont, souvent, je ne bénéficie même pas », a-t-elle déploré.

« Lorsque j’ai subi une commotion cérébrale avant la Coupe Fed, aucun média n’en a parlé. Personne n’a demandé à savoir quand je revenais au jeu. Je suis complètement dans l’ombre. Ce n’est pas normal (...) C’est pourquoi j’ai écrit ce tweet. J’ai répondu honnêtement ce que je pensais. Tout le monde doit être traité également, et ce n'est pas le cas présentement. J'espère que ça va changer car c’est injuste. »

Une vidéo promotionnelle de Tennis Canada de laquelle elle estime avoir été délibérément exclue l'an dernier fait aussi partie des incidents irritants accumulés par Abanda.

Appelée à commenter cette situation, la responsable des communications de Tennis Canada Valérie Tétreault a expliqué que l'omission d'Abanda s'expliquait par un cafouillage organisationnel, et non par un quelconque traitement de faveur à l'endroit des autres membres de l'équipe.

En bons termes avec Bouchard

Abanda a aussi tenu à préciser que ses commentaires ne visaient pas Eugenie Bouchard. « Je ne crache pas sur elle et je ne l'ai jamais fait », a lancé Abanda pour s'assurer que le débat porte sur le vrai sujet.

« Mon problème n’est pas avec Eugenie Bouchard. Elle n’a rien à voir avec ça. J’ai de l’admiration pour Eugenie. Elle a déjà été cinquième joueuse au monde, elle a un meilleur palmarès que moi. J'ai joué à ses côtés au sein de la Coupe Fed et nous avons une très bonne entente », a-t-elle assuré.

Abanda lance un cri du coeur

Lundi, dans la plus récente mise à jour du classement mondial de la WTA, Bouchard a chuté de 51 places, s’arrêtant au 169e échelon. Un recul qui a propulsé Abanda, 128e, au rang de meilleure joueuse au pays devant Carol Zhao (136e) et Bouchard, qui a déjà atteint le top-5 mondial et pris part à la finale de Wimbledon en 2014.

Abanda, dont le meilleur classement en carrière reste une 111e place l'automne dernier, a toutefois été ralentie par de nombreuses blessures au cours des derniers mois.

Elle a notamment dû se retirer de la rencontre de Fed Cup entre le Canada et l'Ukraine il y a quelques semaines au stade IGA, après s'être blessée à la tête dans une chute survenue quelques minutes avant son premier match.

Les propos d’Abanda risquent pour l’instant de porter ombrage à la victoire qu’elle a signée mercredi aux dépens de la Belge Yanina Wickmayer en deux manches de 6-2 et 6-4, en Slovaquie.

Affligée par un mal de gorge et par des résidus de symptômes post-commotion, Abanda considère « miraculeuse » cette victoire obtenue en début de tournoi ITF disputé à Trnava..

« Je suis encore en convalescence. Les médecins me déconseillent de jouer, donc je ne suis pas en pleine forme. J’essaie de me rétablir le plus rapidement possible », a conclu celle qui fait tout en son possible pour être physiquement prête à participer aux qualifications des Internationaux de France, dont le coup d'envoi sera donné le 21 mai.

Abanda se dit victime de discrimination