MONTRÉAL - Elle a participé à deux Jeux olympiques et est détentrice de trois couronnes mondiales. Au terme d’une carrière échelonnée sur plus de 15 ans, la lutteuse Martine Dugrenier a jeté un dernier regard à sa carrière d’athlète jeudi avant de se lancer pleinement dans d’autres projets qui la tiendront non loin des tapis.

« J’aurais préféré le scénario de Walt Disney et être capable de compétitionner une dernière année pour participer aux Jeux panaméricains et aux Championnats du monde », souligne celle qui s’est entraînée sous la gouverne de Victor Zilbeman depuis ses débuts en lutte, en 1996.

Son corps lui dicte les choses autrement. Après avoir participé aux Jeux olympiques de Londres malgré une blessure à l’épaule gauche, Martine Dugrenier est passée sous le bistouri à deux occasions sans retrouver la pleine amplitude de son bras. « J’ai espéré jusqu’à la dernière minute, mais physiquement c’est impossible de poursuivre », se résigne-t-elle.

« C’est une décision que j’apprivoise chaque jour. D’autres occasions se présentent et d’autres portes s’ouvrent. J’apprends à avoir une vie normale », ajoute-t-elle en riant.

Son dernier combat aura été celui pour l’obtention de la médaille de bronze aux JO de 2012, où elle a été défaite par la Mongole Battsetseg Sotonzonbold. Ennuyée par sa blessure, Martine Dugrenier savait ses capacités limitées. « Je ne savais pas si j’allais y arriver aux Jeux de Londres et encore maintenant, je me demande comment j’ai pu faire pour lutter à un bras. Je pourrai toujours me dire que je n’ai jamais abandonné. Je n’ai pas de regrets. »

Si Martine sent qu’elle a pu aller jusqu’au bout, c’est grâce à l’équipe qui l’a entourée toutes ces années. « J’aurais aimé donner une petite partie de mes médailles à tous ceux qui m’ont aidée. Sans ces gens, c’est impossible d’aller au plus haut niveau et de performer. »

Trois titres mondiaux consécutifs

Tout au long de sa carrière, Martine Dugrenier a été dominante chez les moins de 67 kg. Sacrée championne du monde en 2008, 2009 et 2010, la native de Laval chérit surtout son titre déroché en 2008, quelques semaines à peine après avoir échappé le bronze aux Jeux olympiques de Pékin chez les moins de 63 kg.

Celle qui avait remporté trois médailles d’argent aux précédents Championnats du monde réalisait l’objectif ultime. « Ça faisait trois ans que je regardais cette fameuse ceinture et que je voulais la gagner. Mentalement, ça n’a pas été facile. Il y a eu des hauts et des bas, mais je l’ai finalement eue. »

Ce fut également le début d’une série de victoires sur la scène internationale qui s’est achevée trois ans plus tard, en février 2011. « Ça démontrait que je n’avais pas gagné mon titre par chance, mais bien que j’étais la lutteuse à battre dans cette catégorie. »

De la gymnastique à la lutte

Bien qu’elle pratique la lutte depuis près de 20 ans, c’est en gymnastique que la carrière de Martine Dugrenier a débuté. La Montréalaise avait reçu une bourse pour poursuivre ses études postsecondaires aux États-Unis. Blessée à un genou alors qu’elle était en cinquième secondaire, elle s’est finalement retrouvée momentanément sans bourse et à l’écart de la gymnastique.

« Mon entraîneur, dont le fils pratiquait la lutte, m’a suggéré d’aller au Collège Vanier pour apprendre mon anglais avant d’aller aux États-Unis l’année suivante », se rappelle-t-elle.

La lutte, enseignée par Victor Zilberman, était le seul cours d’éducation physique qui entrait dans son horaire de sa première session. « Mon entraîneur m’avait dit de prendre le cours, que c’était sûr que j’allais apprendre quelque chose avec Victor. De là à m’imaginer où ça allait me mener… »

Cet heureux hasard aura permis à l’athlète d’avoir une deuxième carrière. «  Ma carrière aurait pu se terminer à l’âge de 19 ou 20 ans, alors je le savoure pleinement. J’ai pu voyager à travers le monde, représenter mon pays et remporter des médailles au niveau international. »

« Ce parcours n’aurait pas été possible sans ma famille, mes entraîneurs, mais aussi tous mes partenaires d’entraînement. Des fois, c’était même des jeunes du secondaire qui m’aidaient pour mon échauffement », raconte celle qui souligne également le travail de ses physiothérapeutes, médecins, massothérapeutes et psychologues sportifs qui l’ont suivie tout au long de sa carrière.  « Ils ont tous donné un ingrédient à la saveur de ma carrière d’athlète, de même que mon commanditaire Saputo, qui m’a soutenue tout au long de ma carrière internationale, ou la famille Reintniz, qui a fait avancer la lutte au Québec, entre autres en nous dotant d’un lieu d’entraînement. »

Sa carrière d’athlète maintenant terminée, malgré son bras hypothéqué, Martine est prête à poursuivre ses nombreux projets. « C’était difficile au début de penser que je vivrai le reste de ma vie de cette façon-là, mais il y a des choses bien pires que ça. Ça ne m’empêchera pas d’enseigner, explique la prof d’éducation physique au Collège Vanier. Je ne pense plus à ce que je ne peux pas faire, mais à ce que je peux faire et ce à quoi j’ai du plaisir à faire. 

En plus d’enseigner, de ses tâches d’entraineur et de ses fonctions à la Fédération de lutte du Québec, Martine veut contribuer à changer l’image de la lutte dans la province. « Ce n’est pas que de la WWE, lance-t-elle en riant. C’est un sport que tout le monde peut pratiquer. Tout le monde se tiraille déjà à la maison! »

« Je voudrais que la lutte soit encore plus pratiquée au Québec en participant à l’implantation de clubs de lutte dans toutes les régions du Québec. Je sais que les jeunes aiment ce sport, j’ai vu leur intérêt, sinon je n’aurais pas les mêmes aspirations. Ils ne deviendront pas tous des athlètes olympiques, mais c’est l’occasion pour eux d’avoir la passion pour un sport et de montrer qu’on peut tirer de belles leçons. »