San Juan, Porto Rico - J'ai écrit dans ma dernière chronique que la journée du 5 mars avait été la plus belle expérience de ma carrière d'arbitre. Ce jour-là, j'ai officié un match des Braves d'Atlanta dans la ligue des pamplemousses en compagnie de Joe West et de Hunter Wendelstedt. Mais, depuis, j'ai ajouté quelques autres extraordinaires chapitres à ma liste de moments précieux.

En effet, j'étais de service pour le premier match du groupe D de la Classique mondiale de baseball 2009, le 7 mars dernier. Une rencontre mettant aux prises la formation des Pays-Bas et la puissante équipe de la République dominicaine. Tout près de 10 000 spectateurs avaient envahi les gradins et ils ont assisté à un match historique, du moins pour la formation néerlandaise, elle qui a réussi à vaincre l'une des équipes favorites pour les grands honneurs de cette Classique 2009. Les Néerlandais n'ont pourtant frappé que trois coups surs, mais ils ont profité au maximum des largesses de la défensive dominicaine qui a gaffé trois fois. De plus, les hommes du gérant Felipe Alou ont manqué d'opportunisme laissant pas moins de onze coureurs sur les sentiers durant ce match.

Du troisième but où j'officiais, j'ai pu observer attentivement Larry Vanover, un arbitre des ligues majeures, derrière le marbre. Au deuxième but prenait place Eric Cooper qui a su bien gérer le trafic aérien entre moi et Corrie Davis au premier but.

Tôt dans le match, deux balles ont été frappées solidement dans ma direction. Un avertissement pour me rappeler que travailler au troisième but n'est jamais de tout repos. Il faut être constamment sur ses gardes pour éviter d'être atteint, pour rendre des décisions justes quant aux balles en jeu ou pas, quant aux demi-élans et évidemment quant aux jeux serrés au deuxième but et au troisième but où les joueurs en défensive doivent toucher les coureurs. Une petite erreur de notre part peut facilement faire la différence entre un gain et un revers pour une nation.

Et j'ai bien fait d'être sur mes gardes, car en fin de neuvième manche, après un retrait, le Dominicain Willy Taveras s'est retrouvé au deuxième but représentant ainsi le point égalisateur dans le match. Avec un coureur aussi rapide, évidemment je suis sur mes gardes et prêt à toute éventualité. Je garde un œil sur lui à chaque tir de l'artilleur des Pays-Bas.

Avec un compte de deux balles et deux prises, l'imprévu se produit! Taveras est en course. Sans aucune hésitation, je me précipite vers le troisième sac pour maximiser mon angle de vision. Relais parfait du receveur Kenley Jansen. Je vois très bien le joueur de troisième but néerlandais, Yurendell De Caster, toucher à Taveras. Je patiente tout de même un instant pour m'assurer qu'il conserve bien la possession de la balle et je cris à plein poumon : « Got him! » J'ai vraiment mis beaucoup de passion dans mon cri. Probablement la décision la plus importante de ma carrière.

En soirée, de retour à l'hôtel, on pouvait voir et revoir en boucle ce retrait important lors de la présentation du bulletin d'informations sportives à l'écran de ESPN. Dans le décompte des dix meilleurs jeux sportifs de la journée, me voilà au troisième rang grâce au relais parfait du receveur néerlandais. Très amusant.

Mais ce n'est pas le seul frisson que j'ai ressenti ce jour-là. Je dois vous avouer que j'ai eu plusieurs moments très impressionnants lors de cette partie. Tout d'abord, serrer la main de Felipe Alou lors de la remise des alignements au marbre avant le début du match, puis des joueurs comme Miguel Tejada, Willy Taveras, Nelson Cruz et Henley Ramirez qui m'adressent leurs salutations, le premier tir de la rencontre, ma première décision sur une balle frappée à deux centimètres de la ligne de démarcation, la première présence au bâton du frappeur désigné de la formation de la République dominicaine, David Ortiz, et surtout, surtout l'accueil réservé par les amateurs portoricains à Pedro Martinez lorsqu'il s'est amené au monticule à la cinquième manche. Wow! Je voyais embrouiller sous mes verres fumés…

Puis en soirée, déjà un autre match. Celui-ci opposait le Panama à l'équipe hôte, Porto Rico. Je travaille au premier but pour cette rencontre. Le joueur de premier sac des locaux, Carlos Delgado, me regarde et s'adresse à moi en espagnol. Je lui réponds que je parle très peu cette langue. Il me demande alors en anglais dans quelle langue je m'exprime. Je lui réponds que je parle français et anglais. « French! What's that? » On a ri à pleines dents tous les deux. Puis, il m'a demandé gentiment mon nom. Stéphane lui aie-je dit! Ce à quoi il m'a répondu “Stephane, nice to meet you. I am Carlos. » Yeah, I know… n'aie-je pu m'empêcher de lui dire en souriant et en hochant la tête.

Ce fut un bon match. Une rencontre où l'équipe favorite de la foule a vaincu le Panama au compte de 5 à 0. Carlos Lee du Panama n'a pas réussi à mettre la balle en lieu sûr en quatre présences à la plaque. Par contre, du côté de la formation portoricaine, Ivan Rodriguez et Carlos Delgado ont produit cinq points avec sept coups sûrs combinés. Javier Vazquez a très bien fait au monticule. Il faut dire que Porto Rico possède une équipe toute étoile des ligues majeures.

Puis, autre petit moment émouvant pour moi est survenu en troisième manche quand mon superviseur des ligues majeures de baseball, monsieur Larry Young a requis ma présence près des gradins. Il m'a alors demandé d'aviser l'entraîneur-chef de l'équipe portoricaine, José Oquendo, que son lanceur venait de dépasser la moitié des 70 lancers permis en première ronde. Je me suis donc dirigé à l'abri des joueurs de Porto Rico croisant Beltran, Rios et Molina sur mon chemin.

Dans mon prochain texte, je vous parlerai des deux autres matchs, mes deux derniers de cette première ronde.

À bientôt!

Stéphane Dupont


Collaborateur au texte : Jacques Lanciault