Tout semble indiquer que les partisans du Canadien devront une fois pour toute faire leur deuil de talentueux mais controversé Sergei Kostitsyn.

(N.D.L.R. Depuis la publication de cette chronique, RDS a appris que le Canadien avait levé la suspension imposée à Kostitsyn, qui a accepté de retourner avec les Bulldogs.)

Je peux comprendre les agissements du cadet des frères K. Mettez-vous à sa place. Pendant qu'il attend son tour dans la Ligue américaine, il voit l'équipe qui l'a retranché avoir besoin de tout son petit change pour maintenir une moyenne de deux buts par match depuis le début de la saison.

Quand ça ne va pas à leur goût, quand il leur arrive des petits malheurs, les athlètes se comparent toujours. Kostitsyn regarde ce qui se passe à Montréal, commence à regarder ce qu'il est capable de faire comparativement à Max Pacioretty, Matt D'Agostini, Maxim Lapierre ou encore Glen Metropolit et se demande pourquoi c'est lui qui est laissé en plan.

Même chose avec Marc-André Bergeron. Kostitsyn voit ce gars-là arriver et repartir en l'espace d'une semaine et se demande : "pourquoi lui et pas moi?"

Et peut-on vraiment le blâmer?

Disons les vraies choses : si Kostitsyn avait un contrat à sens unique d'une valeur de, disons, 600 000$, le Canadien ne l'aurait pas envoyé sécher chez les Bulldogs. Mais parce qu'il ne coûte pas cher, on a décidé de le laisser là pour lui faire comprendre quelques leçons. Kostitsyn, lui, regarde son chèque de paie - il doit gagner environ 60 000$ par année dans la Ligue américaine - et se dit : "Bof... Si un jour je joue dans la LNH, ou si encore je signe un lucratif contrat avec une équipe russe, je vais récupérer cet argent dans le temps de le dire. Le Canadien ne veut pas me faire confiance? Alors c'est terminé."

Bob Gainey, lui, a un peu les mains liées. La valeur de Kostitsyn n'est pas très élevée présentement, mais le directeur général ne veut pas le donner pour des peanuts. S'il fallait qu'il devienne un autre Ribeiro, un Robidas ou un Beauchemin! Il y a tellement de joueurs que le Canadien a laissé aller, pour différentes raisons, et qui ont connu une éclosion formidable sous d'autres cieux.

Toute cette histoire revient encore une fois à une question de discipline. Kostitsyn a raté un autobus, a été distrait dans un entraînement, et on le renvoie. Mais il existe des règlements pour ça, des amendes! Quand j'étais entraîneur, je faisais entrer un jeune dans mon bureau et je peux vous dire qu'il tremblait jusqu'à ce qu'il soit sorti!

Mais à Montréal, ça ne fonctionne pas comme ça. Aussitôt qu'un joueur a des petits problèmes de discipline, on le sort. Michael Ryder, par exemple. On était prêt à l'envoyer aux poubelles! Mais regardez-le aller à Boston : il est parmi les meilleurs attaquants de l'équipe et contre le Canadien, il est encore meilleur.

Je crois qu'on est un peu trop puritains à Montréal. Les bons petits gars qui restent assis à manger des biscuits secs et à boire leur verre de lait, ce n'est pas toujours ceux qui te font gagner!

Si j'étais l'entraîneur du Canadien, j'aurais demandé à Bob Gainey de rappeler Kostitsyn. Je me serais assis avec lui, je lui aurais dit exactement ce que j'attends de lui et je lui aurais donné une dernière chance. Comme on a fait avec Kyle Chipchura, dans le fond.

C'est sûr que Kostitsyn ne restera pas longtemps sur les tablettes. Un gars de son âge, avec son talent... J'espère que le Canadien a pris la bonne décision.

Encore et toujours la même question

Pouvez-vous croire que la saison n'est vieille que de huit matchs et qu'on se pose déjà la sempiternelle question : qui sera le gardien du Canadien lors du prochain match?

Si vous me demandez mon avis, je reviendrais avec Price jeudi contre les Islanders, la pire équipe de la LNH. Parfois, il faut que tu donnes des petites récompenses à tes meilleurs joueurs et à mon avis, Price est l'homme de confiance de l'organisation du Canadien.

Imaginez le scénario : Halak revient dans les buts jeudi et blanchit les Islanders. Qu'est-ce qu'on fait? On envoie Price dans la cage aux lions samedi contre les Rangers? Imaginez alors le débat s'il se fait battre...

Discrimination : une triste réalité

Je suis d'accord avec les conclusions tirées par Bob Sirois dans son livre Le Québec mis en échec : la discrimination des Québécois dans la LNH. Les nombreuses statistiques compilées dans cet ouvrage sont intéressantes et très inquiétantes. Et je suis bien placé pour vous le dire, elles sont un reflet fidèle de la réalité.

Si les Nordiques n'avaient pas existé, je n'aurais jamais dirigé dans la Ligue nationale. Ça, c'est clair et net dans ma tête. Et c'est la même chose pour tous ceux qui sont passés après moi, les Demers, Vigneault, Therrien et les autres.

Le dernier entraîneur issu de la LHJMQ à avoir percé dans la LNH ailleurs qu'à Montréal ou Québec, c'est Pierre Cramer en 1987! Ça fait 22 ans!!! Et on l'a gagné, la coupe Memorial, depuis!

Depuis la publication de ce livre, on m'a demandé comment je choisissais mes joueurs, à talent égal, à l'époque des Nordiques. Ma réponse : je favorisais les Québécois, et je ne m'en cache pas. Mais à l'époque, il n'y avait pas d'Européens! Aujourd'hui, on préfère presque systématiquement un Européen à un Québécois pour jouer sur une quatrième ligne.

Et l'autre joke, c'est le repêchage. À partir de la quatrième ronde, le directeur général se lève, va faire un peu de social et lègue ses responsabilités à son dépisteur en chef, qui se paie la traite. On fait plaisir aux gens qu'on connaît, et comme il n'y a que quatre dépisteurs en chef québécois dans la LNH, à qui fait-on plaisir? Aux gars de Kingston, de Cornwall et de Sault Ste. Marie.

J'ai vu ça de mes propres yeux! À Québec, on faisait notre devoir en protégeant les Québécois laissés de côté par les autres équipes, mais maintenant que les Nordiques sont partis, à qui revient cette responsabilité? Si c'est au Canadien de Montréal, peut-être qu'on devrait avertir quelqu'un de l'organisation!

Quand je suis passé aux Rangers de New York, voici les Québécois que j'ai eu sous mes ordres : Guy Lafleur, Marcel Dionne, Normand Rochefort, Lucien Deblois, Michel Petit et Dave Pichette. J'en avais trois fois plus qu'il y en a aujourd'hui avec le Canadien!

Ce n'était pas un hasard et c'est triste, mais c'est comme ça que ça fonctionne. Pourquoi croyez-vous que Steve Bégin est de retour dans la LNH. C'est à cause de Claude Julien. C'est aussi simple que ça.

Il y a douze équipes qui ne comptent aucun Québécois dans leurs rangs. Douze équipes n'ont pas de dépisteur au Québec. Ça, personne ne l'invente.

*Propos recueillis par Nicolas Landry.