Avant le combat de Georges St-Pierre samedi, j'ai retrouvé mes complices habituels à la Cage aux Sports du Centre Bell pour écouter le combat de Carl Froch, qui a passé le K.-O. à Yusaf Mack en moins de trois rounds.

Je pense qu'on a vu l'effet du changement de catégorie de poids de Mack, qui passait de 175 livres à 168 livres pour affronter Froch. À mon avis, ça a saboté sa préparation. Il avait l'air d'un gars très faible physiquement, incapable de prendre un coup de poing dès les premiers instants du combat.

Mais même en temps normal, Mack est ce que j'appelle un boxeur de quatre rounds. Au tiers du combat, généralement, il casse. Mais là, il n'a même pas connu un bon départ.

Mais il faut aussi donné à Froch le crédit qui lui revient : le Britannique est au sommet de son art présentement. Il se prépare bien, il est organisé et avec ce qui est arrivé contre Lucian, on peut comprendre qu'il est extrêmement confiant. Je pense qu'il est encore meilleur présentement qu'il ne l'était l'année dernière, alors que j'avais dit qu'il était le boxeur le plus amélioré de tous ceux qui ont participé au Super Six.

Je me trouve présentement en Floride avec Lucian. On va y passer deux semaines pour s'entraîner. Je veux que Lucian reste actif, je ne veux pas qu'il arrête.

Est-ce que la récente performance de Froch change nos plans d'avenir? Pour ce genre de dossier, vous devriez peut-être poser la question à Jean Bédard. Mais si vous me demandez mon avis, je pense toujours que la carrière de Lucian doit nécessairement passer par Carl Froch.

GSP : presque au-delà des normes

J'ai beau chercher, faire le tour de mes connaissances sportives, et je ne trouve rien. Je ne trouve aucune performance qui peut égaler ce que St-Pierre a fait samedi soir.

Ce n'est pas la première fois que je suis impressionné par une performance de Georges. En 2008, quand il avait battu Jon Fitch, j'avais dit qu'il était peut-être l'athlète le mieux entraîné au Québec. Mais j'étais aux abords de la cage pour assister à sa victoire contre Carlos Condit en fin de semaine et je me demande s'il y a un autre athlète, dans n'importe quel autre sport, qui a déjà réussi quelque chose de semblable.

Peut-être pouvez-vous m'aider? Jacques Villeneuve a gagné le championnat des pilotes en Formule 1, mais vous savez, il a eu l'aide de sa voiture. Lucian a fait plusieurs combats, mais n'a jamais été confronté à de tels défis. Jean Pascal contre Bernard Hopkins, c'était une belle bataille de boxe, mais ce n'était pas de la fatigue ultime. En boxe en tout cas, le seul athlète à qui je peux penser dont les exploits se rapprochent du plus récent de Georges, c'est Arturo Gatti.

Ça prend des qualités presque surhumaines pour accomplir ce que Georges a accompli. D'abord, il y avait sa blessure au genou et sa longue absence de l'arène qui soulevaient des questions dont on ignorait les réponses. Dans des circonstances semblables, il y a toujours des doutes dans la tête de l'athlète. Et il faisait face à un jeune qui était supposé prendre sa place. Devant ses partisans, il n'avait pas le droit de perdre, pas le droit à l'erreur. Il n'y a pas à dire, il avait énormément de pression.

Georges a été courageux, déterminé. Malgré toute la fatigue qu'il a pu ressentir, je crois qu'il aurait préféré mourir que perdre ce soir-là. Je sais que c'est une drôle de phrase, mais c'est pour vous dire à quel point la défaite n'était pas une option dans sa tête. Pour arriver à surmonter cet obstacle, il a dû faire preuve d'une concentration absolument impressionnante et d'une condition physique irréprochables. Ce qu'il a fait, c'est presque au-delà des normes.

Je pense qu'on a vécu samedi soir un grand moment de l'histoire sportive. Ceux qui ont eu la chance d'y assister peuvent se considérer privilégiés.

Très content pour Firas et son équipe

Croyez-moi, je dis tout ça sans aucune prétention. Mes compliments n'ont rien, mais alors là rien à voir avec le fait que j'aie été impliqué dans le camp d'entraînement de Georges. J'ai peut-être participé au dixième de ce que vous avez vu dans l'octogone samedi. Mon apport est très minime, croyez-moi.

J'ai débuté mon association avec l'équipe de GSP au mois de juin et depuis ce temps, mon mentor a été Firas Zahabi, son entraîneur principal de MMA. J'ai été extrêmement impressionné par cet individu, une personne très discrète mais d'une compétence phénoménale.

Firas connaît son sport de façon impressionnante. Avant le combat, il m'avait expliqué les détails de son plan de match pour vaincre Condit et dès que le combat a commencé, j'ai vu la mise en application de leur stratégie. Quelle brillante démonstration!

Au troisième round, quand Georges a été envoyé au sol par un coup de pied à la tête, la stratégie a momentanément pris le bord et on vu son instinct de survie à l'état pur. Il s'est dit qu'il n'était pas question que ça se termine de cette façon. Il fallait qu'il trouve une solution et il en a trouvé une.

C'est drôle, mais depuis le temps que j'entraîne des boxeurs, j'ai un chronomètre soudé dans la tête, un chronomètre qui sonne toujours après environ trois minutes. Pendant le combat de Georges, je regardais instinctivement le cadran et chaque fois, il restait 2:12, 1:57... J'ai trouvé ça très long, des rounds de cinq minutes!

C'est long et c'est impressionnant quand on sait qu'il y a différents systèmes d'énergie qui sont sollicités à différents moments du combat. Tantôt en puissance maximale, tantôt en travail d'endurance. Des mouvements légers, réactifs, explosifs... Wow!

Pour moi, ça a été extrêmement enrichissant d'apprendre à découvrir les subtilités de ce sport. Je suis encore loin d'être un expert, mais je peux voir des choses que je ne comprenais pas avant.

J'ai vu Firas travailler avec tous ceux qui ont participé à la préparation de Georges. C'était beau à voir, ils forment vraiment une belle équipe. On les regarde aller et on se dit que c'est normal qu'ils connaissent autant de succès. Aujourd'hui, je suis très content pour eux.

*Propos recueillis par Nicolas Landry.