Qui n’a jamais rêvé d’avoir une deuxième chance après un échec? Dans le sport, les occasions d’obtenir une seconde chance dépendent de la fréquence de la possibilité du défi. Au baseball, une contre-performance peut être rachetée le lendemain. Dans les sports olympiques, l’opportunité de remporter une médaille ne peut passer qu’une seule fois dans une vie. À la boxe, une mauvaise soirée au travail peut avoir des conséquences sur le reste d’une carrière, voire d’une vie.

Après une défaite, le boxeur doit recommencer son ascension, qui est directement proportionnelle à la sévérité du revers. Lucian Bute aura une autre chance de devenir champion du monde et reprendre la ceinture rouge de la IBF que détient actuellement le Britannique James DeGale. Même si Bute a perdu des fans depuis ses défaites contre Carl Froch et Jean Pascal, tous les yeux seront tournés vers Québec pour la finale du grand gala du 28 novembre. Déjà, le champion est donné favori pour l’emporter contre le Québécois, qui déclare que la pression ne sera pas sur ses épaules. N’empêche, Bute souhaite tellement ce moment qu’on peut croire que lui aussi ressentira une sorte de pression sur ses épaules devant la possibilité de réécrire son histoire.

Bute, comme Lucas

L’ancien champion du monde Éric Lucas continue de suivre la carrière de Lucian Bute. Il constate un parallèle entre sa carrière et celle de son ancien partenaire d’entraînement chez Interbox sous la gouverne de Stéphan Larouche. En janvier 2006, 34 mois après avoir perdu son titre en Allemagne, Lucas arrivait au bout de son processus de retour et affrontait Mikkel Kessler en combat de championnat du monde, au Danemark. Dans le cas de Bute, c’est 42 mois qui se seront écoulés entre le moment de sa défaite contre Carl Froch en mai 2012 et sa présence devant le nouveau champion IBF. Entre ces deux combats de championnat, tant Bute que Lucas ont disputé trois combats : ils ont encaissé un autre dur revers (contre Danny Green pour Lucas et contre Jean Pascal pour Bute), puis ils ont enregistré deux victoires.

Bute aura 35 ans et Lucas avait 34 ans. Seule différence : Lucas se battait en territoire très hostile alors que Bute se battra devant ses partisans.

Un dur combat

Éric Lucas comprend très bien la motivation de Lucian Bute. « À ce niveau, on rêve de prendre notre revanche ou d’obtenir une autre chance. Dans mon cas, je savais que ce serait dur, mais j’y croyais. Pour Lucian, c’est la même chose. »

Il a été impossible pour Lucas de prendre le titre mondial. Il s’est incliné par K.-O. technique au 10e round. Au moment de l’arrêt du combat, il était nettement en retard sur les cartes de pointage des juges. Si Mikkel Kessler a confirmé par la suite qu’il était un grand champion, Éric Lucas est reparti du Danemark avec son p’tit bonheur, avec la satisfaction d’avoir au moins essayé.

« Ce sera une guerre pour Bute »

Retraité de la boxe depuis cinq ans, Lucas estime que Bute aura de la difficulté à reprendre le titre. « Je suis sceptique. Lucian n’est plus le même depuis son combat contre Carl Froch. Il a réussi une prestation minimale contre Denis Grachev, ses coups ne sont pas sortis contre Jean Pascal, puis à son dernier combat contre Andrea Di Luisa, il n’avait pas une véritable opposition devant lui. Cette fois, ce sera très difficile pour Bute. »

DeGale est devenu champion en obtenant une décision face à Andre Dirrell. Au 2e round, l’Américain a subi deux chutes au tapis. Malgré tout, le combat s’est rendu à la limite. N’eût été ces deux chutes, nous aurions peut-être assisté à un verdict nul majoritaire. Les arbitres ont remis des cartes de 114-112, 114-112 et 117-109 en faveur du boxeur anglais.

DeGale est le champion légitime de la IBF. Il est gaucher, il est âgé de 29 ans et représente un très grand défi pour Bute, selon Lucas. « DeGale bouge bien le haut de son corps. Il est capable de répliquer. Il a de la vitesse et aussi beaucoup d’expérience, puisque c’est un ancien champion olympique. Lucian est un bon boxeur. Il n’a pas la même vitesse qu’avant, mais il a encore une bonne vitesse. Le 28 novembre, nous aurons nos premières réponses quand Lucian se fera frapper la première fois. C’est là que j’ai un doute. Est-ce qu’il va bien réagir? Il s’était aussi fait toucher contre Di Luisa, mais cette fois, on a affaire à un tout autre boxeur. S’il réagit bien, on pourrait avoir un combat. »

Si la marche est haute entre Di Luisa et DeGale, Lucas ne croit pas que Bute aurait dû disputer un autre combat préparatoire. « Lucian n’a pas de temps à perdre. Il ne peut pas disputer un autre combat de remise en forme contre un boxeur de la trempe de Di Luisa, et il ne peut pas risquer de perdre sa chance advenant une défaite contre un meilleur adversaire. Il sait que s’il perd, ce sera probablement la fin de sa carrière. »

Un excès de confiance?

Je n’étais pas à Québec lors de la conférence de presse, mais ce que j’en ai vu et lu me laisse croire que ce DeGale a énormément confiance en ces moyens. Il me rappelle son compatriote britannique Tony Bellew, qui s’était présenté à Québec pour y affronter Adonis Stevenson. Un Bellew disponible et poli avec les membres des médias, et aussi frondeur, arrogant envers son adversaire et très confiant. Un Stevenson enragé l’avait ramené sur terre rapidement (avec une force de frappe supérieure à Bute, je vous le concède).

DeGale répète qu’il ne voit pas comment quelqu’un peut le vaincre. Il parle de Bute au passé. Mais si lui aussi connaissait une mauvaise soirée? Si Bute était soulevé par un Centre Vidéotron rempli a capacité? « Ce serait le fun », souhaite Lucas. « J’espère qu’il va gagner et que les gens vont le supporter et que l’amphithéâtre sera plein. Il mérite l’appui des fans. »