LAVAL, QC – Lorsque la cloche annonçant la fin du 10e et dernier round de son combat contre la championne unifiée IBF et WBO des poids mi-mouches Evelin Nazarena Bermudez a sonné, Kim Clavel a levé le poing droit dans les airs, puis s’est dirigée vers son coin en esquissant un sourire.

La Québécoise âgée de 33 ans et l’immense majorité des amateurs réunis samedi soir à la Place Bell partageaient le même sentiment : celui du devoir accompli. Neuf mois après la déception vécue à la suite de sa défaite face à Yesica Nery Plata, plus rien ne semblait vouloir l’empêcher de devenir la première championne unifiée de l’histoire de la boxe féminine de la Belle Province.

De son côté, Bermudez semblait résignée à devoir renoncer à ses deux titres pour la seconde fois en moins d’un après avoir désespérément essayé de passer sans succès le knock-out à sa rivale.

Mais au moment du dévoilement du verdict, l’annonceur Chrisitan Gauthier a laissé planer les premiers soupçons de controverse en indiquant que le juge Bill Lerch avait remis une carte de 98-92 en faveur de Clavel. En ajoutant ensuite que Frank Lombardi avait Bermudez gagnante 96-94, il devenait alors clair que l’issue reposait sur la décision du juge québécois Benoît Roussel.

Gauthier a porté le dernier coup de massue en confirmant que Roussel avait également remis une carte de 96-94 en faveur de Bermudez, qui a bondi de joie en comprenant que le miracle qu’elle n’espérait plus venait de se produire. Clavel, qui venait pourtant de livrer le meilleur duel depuis le début de sa carrière, voyait de nouveau le tapis lui glisser horriblement sous les pieds.

« Kim n’a pas perdu ce combat-là, a d’abord dit le promoteur Yvon Michel, qui peinait à cacher sa colère. Partout dans le monde, les commissions athlétiques ont l’habitude de nous présenter les juges qui seront en fonction lors d’un combat et s’il y a la moindre appréhension, elles ont la délicatesse de les remplacer par quelqu’un d’autre. C’est comme ça que ça fonctionnait avant au Québec. Nous ne voulions pas de Roussel ... nous colligeons depuis longtemps des statistiques. »

« C’est très difficile de ne pas ressentir autre chose que de la colère, a ajouté l’entraîneuse de Clavel, Danielle Bouchard. Kim a tout fait ce qu’il fallait faire pour remporter ce combat-là. Je suis tellement déçue pour elle en raison de tout ce qu’elle a investi en vue de ce combat. Nous ne demandons pas de favoritisme, mais faire face à une injustice comme celle-là, c’est... frustrant. »

Autant Clavel s’était présentée blessée et meurtrie devant les journalistes après sa défaite contre Nery Plata puisqu’elle avait eu l’impression d’avoir laissé tomber tout le monde, autant elle avait cette fois le couteau entre les dents pour exprimer son mécontentement envers le verdict rendu.

« Je suis fâchée, déçue, mais en même temps, je suis tellement fière de ma performance, a lancé Clavel. Tout ce que j’ai pratiqué depuis trois mois, je l’ai fait ce soir. J’ai été plus stratégique, plus intelligente et plus disciplinée défensivement. Mon promoteur a investi de grosses sommes pour que le combat soit organisé ici et si j’ai levé mon bras, c’est parce que j’étais certaine de gagner.

« Je suis frustrée parce que cette décision me prive d’une possible revanche contre Nery Plata [dans un avenir rapproché] et tout ça, à cause du mauvais jugement d’une personne. Je n’enlève rien à Bermudez, mais je possède beaucoup plus d’outils qu’elle et je l’ai bien démontré ce soir. »

« Je suis certaine à 100 pour cent d’avoir gagné cet o*** de combat-là, a-t-elle ensuite enchaîné en anglais.

Clavel et son équipe s’expliquaient notamment très mal comment Bermudez était parvenue à obtenir la faveur des juges Lombardi et Roussel dans autant de rounds tout en ne dominant que pendant « 10 secondes », alors que la Québécoise alléguait être la meilleure le reste du temps.

L’ex-championne du WBC a indiscutablement dominé la plupart des rounds de la seconde moitié du combat, sauf qu’il est difficile d’être si tranchant pour la première portion qui a été partagée. Les quatre premiers rounds ont en effet été très chaudement disputés et il était assez compliqué de départager les deux boxeuses. Les juges Lombardi et Roussel ont-ils préféré récompenser à ce moment-là l’efficacité ciblée de Bermudez plutôt que la régularité sans médicament de Clavel?

« Kim a boxé de façon responsable, a louangé Michel. Elle a été rapide et c’est elle qui a touché l’autre plus souvent. C’est elle qui a contrôlé l’action. Je suis extrêmement fier de Kim et de son équipe. Kim était concentrée, brillante et intelligente dans le ring. Elle a vraiment été parfaite. »

« Je n’ai jamais pensé que nous perdions ce combat-là, a réitéré Bouchard. Pour moi, le dixième round en était la confirmation. C’était la synthèse de ce que nous avions vu dans ce combat-là.

« Ne reste plus qu’à prendre du recul. Nous allons regarder le combat et l’analyser. Il y a plein de gens qui sont venus nous voir et c’est certain que ça nous donne un baume. Ça va nous aider à passer au travers au lieu d’avoir le goût de juste tout lâcher. Nous allons y aller un jour à la fois. »

Michel n’a évidemment pas caché que la défaite de porte un très dur coup à Clavel pour la suite de sa carrière, mais le promoteur a insisté sur le fait qu’il trouverait d’autres plans. Quant à la principale intéressée, elle n’a pas écarté la possibilité d’évoluer dans une autre division de poids si jamais les possibilités d’obtenir une ceinture de championne du monde étaient plus grandes.