Nous avions droit à une superbe soirée de boxe.

Les combats de carte préliminaire ont permis à Simon Kean de gagner en expérience, à Yves Ulysse de retrouver la confiance, à Mathieu Germain de se faire un nom et aux deux boxeurs kazakhs de Stéphan Larouche de démontrer leur fabuleux potentiel.

Le fun était pris dans la place grâce aux efforts d’Evenko et d'Eye of the Tiger pour bien divertir les spectateurs avec différentes activités, de même que la présence d’un ensemble de percussions et d’un crooner.

La foule était bruyante au début du combat entre Brandon Cook et Steven Butler. Le promoteur Camille Estephan voulait une confrontation Québec-Ontario, et l’accent a été mis là-dessus. Brandon Cook était supporté par 400 partisans venus de l’Ontario. Or, malgré la présence de nombreux drapeaux du Québec et malgré les huées des camps respectifs, l’atmosphère était civilisée.

Cook créé la surprise

Le combat était serré. Plusieurs journalistes avaient une carte de pointage de 57-57 après six rounds. Selon The Gazette, les trois juges en fonction avaient pour leur part des pointages de 58-56 en faveur du boxeur québécois.

Ébranlé et affaibli depuis le 5e round, Steven Butler a été couché à la fin du 7e round. La décision de l’arbitre Marlon B. Wright d’arrêter le combat à la fin du 7e round a été accueillie favorablement par une majorité d’observateurs à qui j’ai parlé, que ce soit l’entraîneur Rénald Boisvert, le patron de la Régie Michel Hamelin, ou l’arbitre retraité Guy Jutras. Tous notent que Butler était encore probablement sonné et que la minute de repos avant le 8e round n’aurait pas pu permettre au boxeur de 21 ans de revenir dans le combat pour les cinq rounds suivants, sans mettre sa carrière en danger.

La meilleure preuve que Butler était encore sonné est son comportement envers son adversaire dans les instants après le combat. Exactement 10 secondes après le verdict de M. Wright, Butler marche vers Cook, qui croit recevoir une accolade de félicitations, et le repousse des deux mains avant de s’accrocher aux câbles pour rester debout, tel un homme ivre.

« Des hooligans »

Avant la soirée, le descripteur du combat pour les radios de Cogeco, Jacques Thériault, rageait. Son poste de travail était situé à l’extérieur du périmètre clôturé aux abords du ring. Son travail devenait compliqué, car il se retrouvait parmi la foule, près des tables V.I.P., ce qui pose un problème quand vient le temps d’inviter un boxeur pour une entrevue d’après-combat.

Images de la bagarre générale

C’est de cet endroit que sont venus les objets lancés en direction de Cook immédiatement après le combat. Les gens aux tables avaient droit à des bouteilles d’alcool, servies dans des seaux réfrigérants en métal.

Cook a été atteint par une bouteille. Une femme de 49 ans assise aux abords du ring, à deux sièges de David Lemieux, a reçu une bouteille de vodka à la tête. Elle a obtenu son congé de l’hôpital au milieu de la nuit après avoir reçu des points de suture. Un autre homme, dans la quarantaine, a été hospitalisé avec des blessures mineures. Deux agents de sécurité du Centre Bell ont aussi été blessés. Dans une vidéo, on voit l’un d'eux recevoir un coup de chaise. Deux hommes, l’un de 22 ans et l’autre de 23, ont été amenés au poste de police. Ils seront accusés d’agression armée.

Par la suite, les tables et les chaises ont été lancées lors des confrontations dans la section V.I.P. Les agents de sécurité du Centre Bell sont intervenus, suivis par des dizaines de policiers du SPVM.

Des observateurs qui se trouvaient sur le parterre m’ont expliqué que la situation dans cette section était prévisible. Il s’agissait selon eux d’une poudrière où se trouvaient apparemment des membres de gangs de rue.

Après s’être relevé, Brandon Cook n’avait pas le coeur à la fête. Il ne voulait pas s’adresser aux journalistes, mais je suis parvenu à le convaincre de se rendre dans la salle de presse, où il a pointé du doigt les partisans de Butler. Sauf que ses propres partisans ont aussi fait des leurs. Lorsque Cook a été escorté vers son vestiaire, d’autres altercations ont eu lieu derrière les rideaux. Des partisans de Cook s’en sont pris à des agents de sécurité. L’un d’eux, que je connais depuis une dizaine d’années, m’a raconté avoir été frappé au visage. Ses vêtements déchirés témoignaient de l’altercation.

Pendant que les policiers invitaient les spectateurs à se diriger vers les sorties d’urgence, j’ai retrouvé Jacques Thériault qui terminait son émission de radio à travers les chaises et les tables qui avaient été projetées. « Ça se battait devant moi, les tables tombaient, les gens se frappaient. C’était le chaos le plus complet. L'image que j'ai c'est de hooligans. On a vu une scène de hooliganisme à la boxe ici à Montréal. Heureusement, l'événement n'était pas sur HBO, sur SHOWTIME ou sur ESPN. C'est l'image, on vient d'entacher l'image de la boxe à Montréal. On avait tellement une belle réputation. Et là, une gang de caves, parce que c'est ça le mot, parce qu'ils n'ont pas été capables de prendre la défaite de leur favori pis qui se sont mis à garrocher des affaires. »

Jacques Thériault et d’autres ont rappelé que ce genre d’incidents ne s’était pas vu à Montréal depuis les années 70, lors des soirées de boxe au Centre Pierre-Charbonneau.

Les conséquences

Encore une fois, c’est toute la boxe québécoise qui souffrira de la situation. Elle semblait révolue l’époque où le parterre des événements de boxe était parsemé de mafieux, et où les journalistes, dont mon collègue Jean-Paul Chartrand, avaient besoin d’aller travailler en étant armé.

La boxe avait fait le ménage et avait trouvé du lustre.

Mais alors que les assistances sont en baisse (une foule satisfaisante de 5 500 spectateurs était au Centre Bell samedi) lors des galas de boxe au Québec, nombreuses seront les personnes qui préfèreront à l’avenir regarder le combat entre amis à la maison en raison de ces gestes posés par des minables.

Depuis deux ans, la boxe s’embourbe et semble toujours se tirer dans le pied.

Pour ce qui est de Steven Butler, il faudra voir quelles seront les conséquences. Le « Sidney Crosby » de la boxe, tel que qualifié par son promoteur depuis trois ans, devra améliorer sa défensive.

De nombreuses personnes tracent déjà un parallèle entre ce que vit Butler et ce qu’a vécu David Lemieux, qui avait perdu, à peu près au même âge, contre Marco Antonio Rubio. Son entraîneur de l’époque, Russ Anber, avait lancé la serviette pour protéger Lemieux de graves conséquences.

Eye of The Tiger Management n’entend pas changer sa philosophie, qui est d’offrir de grands défis aux boxeurs de son organisation.

Une première pour Simon Kean
Yves Ulysse domine son adversaire