Lucian et moi avions toujours gagné en équipe et nous avons appris à perdre en équipe. Il y a beaucoup d'athlètes qui s'approprient les succès et partagent les déceptions, mais Lucian n'est pas comme ça et il mérite toute mon admiration.

Nous avons décidé d'effectuer un retour à la compétition après la défaite contre Carl Froch, mais avec une équipe améliorée. Nous avons repris une certaine routine, mais avec un peu plus de confiance.

Dans le passé, Lucian était parfois sur le pilote automatique et l'idée était de le ramener sur le mode manuel. Les années l'ont amené à développer certains réflexes qui étaient corrects parce qu'il gagnait, sauf que c'était important de réévaluer tout ça.

Il ne faut cependant croire que tout ce que nous avons fait avant n'était pas bon. Ce que Lucian a accompli au fil des années, c'est tout simplement remarquable. Il a défendu sa ceinture contre les adversaires qui étaient disponibles et malgré tout ce que les gens peuvent dire, je ne vois pas l'heure où un boxeur québécois pourra répéter ses exploits.

Ce n'est vraiment pas facile d'être au sommet tout ce temps là, car à ce niveau-là, même les moins bons sont bons. Le champion a la pression de gagner, de donner un bon spectacle, de vendre des billets et de préparer son prochain combat. Ce n'est pas une mince affaire!

Je reviens toujours avec les deux mêmes exemples pour illustrer ce que Lucian a vécu. De un, c'est comme quelqu'un qui est victime d'un accident de la circulation et qui possède son permis de conduire depuis 30 ans. Cela ne veut pas dire que ça fait 30 ans qu'il conduit mal. Il ne peut également pas arrêter de prendre le volant pour autant.

De deux, Lucian est comme un pilote de F1, qui a raté un virage, qui a effectué 14 tonneaux et qui en est miraculeureusement sorti indemne. Il va devoir un jour ou l'autre remonter dans le bolide et reprendre le virage où il s'est planté.

Je connais très bien Lucian et je sais que c'est un gars qui a de grands objectifs et qui connaît ses limites. Il ne sera pas du genre à étirer la sauce. Les rounds de sparring m'ont convaincus qu'il a repris confiance et si ç'avait mal été à l'entraînement, nous aurions tout simplement repoussé le combat.

Une grosse perte pour le monde de la boxe

Emanuel Steward et moi avons échangé quelques textos lorsque Lucian gagnait ses combats et nous nous sommes même rencontrés l'année dernière à Montréal. Je voulais connaître son opinion sur quelques sujets, dont comment un entraîneur doit être traité par de grands athlètes. Steward était un formidable communicateur et il prenait les athlètes comme ils étaient et n'essayait jamais de les former à sa façon.

Pour certaines personnes, 68 ans ça peut paraître vieux, mais Steward nous a quittés avec un paquet de choses qu'il aurait pu partager. Il aurait pu encore enseigner 10 ou 15 ans, tellement il était une encyclopédie d'une richesse incroyable.

Steward, tout comme Freddie Roach, était dans une classe à part. Il s'agit d'une grosse perte pour le monde de la boxe. Son départ est définitivement survenu beaucoup trop rapidement.

*Propos recueillis par Francis Paquin