En principe, cela devait être un combat facile. Après son honorable défaite devant Timothy Bradley et sa victoire aux dépens de Mike Alvardo pour s’emparer du titre des poids super-légers de la WBO, Ruslan Provodnikov était prêt à devenir l’une des têtes d’affiche de HBO.

Devant lui, un Américain du nom de Chris Algieri, dont les débuts en boxe professionnelle étaient relativement récents - sept ans -, après une belle carrière en kick-boxing. Le duel étant présenté au Barclays Center, il y a fort à parier qu’il avait été principalement choisi en raison de sa capacité à faire vendre des billets, étant donné qu’il est originaire de Huntington.

Mais comme bien d’autres avant lui, Algieri a prouvé que bien des choses peuvent survenir lorsqu’un boxeur est capable d’encaisser les frappes de son adversaire. Malgré deux visites au tapis dès le premier round et un œil droit complètement tuméfié au terme du combat, Algieri l’a emporté par décision partagée des juges (114-114, 114-112 et 109-117). Le verdict en a choqué plus d’un, mais est-ce un vol ou un exemple parfait de la complexité de juger certains combats?

Voici donc le combat Provodnikov-Algieri revisité :

Premier round : Provodnikov se rue rapidement sur Algieri, mais ce dernier parvient à le contrer avec son jab. Le champion s’attaque ensuite au corps de son adversaire, mais c’est une gauche au visage qui parvient à envoyer l’aspirant au tapis vers la fin de la deuxième minute. Instantanément, une énorme ecchymose apparaît sous l’œil droit d’Algieri. Quelques secondes, plus tard, il retourne au plancher après avoir reçu une droite derrière la tête. Sans surprise, le round le plus facile à juger de la soirée. Carte : 10-7 Provodnikov.

Deuxième round : Algieri ne semble pas trop incommodé par ce qui vient de se passer et reprend même où il avait laissé en utilisant sa main avant à profusion. Belle combinaison de Provodnikov à la tête, mais Algieri réplique avec un enchaînement corps-tête. L’aspirant se déplace admirablement bien dans le ring. Carte : 19-17 Provodnikov.

Troisième round : Les deux boxeurs s’échangent des coups en puissance précis. Pour chaque initiative de Provodnikov, Algieri répond. La main avant de ce dernier lui permet cependant de s’imposer. Carte : 28-27 Provodnikov.

Quatrième round : L’arbitre demande au médecin de vérifier l’œil droit d’Algieri, dont l’enflure continue de prendre de l’ampleur. Provodnikov continue de marteler le corps de son rival, tout en envoyant quelques coups au visage, sauf qu’Algieri est le plus actif. Dans l’ensemble, les frappes de Provodnikov donnent l’impression de faire plus de dommage. Carte : 38-36 Provodnikov.

Cinquième round : Provodnikov ne lâche pas le morceau et n’arrête pas de mettre de la pression. Algieri laisse toutefois aller davantage ses mains, ce qui empêche le champion de placer sa main arrière. Carte : 47-46 Provodnikov.

Sixième round : Algieri a du succès en début de round, mais comme cela a été le cas depuis le commencement du combat, Provodnikov est plus incisif dans ses coups. Il envoie notamment une bonne gauche au visage de son adversaire. Carte : 57-55 Provodnikov.

Septième round : Algieri est particulièrement intense dans la première minute, plusieurs de ses frappes lancées avec sa main arrière touchant la cible. Un round facile à lui donner. Carte : 66-65 Provodnikov.

Huitième round : Provodnikov reçoit un bon coup et glisse sur le canevas, sans cependant trébucher. Algieri démontre qu’il sait également accrocher et tire son épingle du jeu dans cette facette. Avec seulement quatre rounds à faire, les deux boxeurs sont à égalité! Carte : 75-75.

Neuvième round : Algieri continue de laisser aller ses mains, et Provodnikov n’hésite pas à encaisser des coups pour aller en donner. Le champion parvient néanmoins à s’imposer dans les 30 dernières secondes pour enlever le round. Carte : 85-84 Provodnikov.

Dixième round : Algieri se retrouve rapidement dans les câbles et Provodnikov en profite pour marquer des points. Cela dit, Algieri reste très efficace avec son jab. Carte : 95-93 Provodnikov.

Onzième round : Pendant la pause entre le 10e et le 11e round, l’entraîneur de Provodnikov, Freddie Roach, lui demande d’y aller pour le knock-out, puisque le pointage est trop serré. Provodnikov répond bien en plaçant plusieurs belles gauches. Carte : 105-102 Provodnikov.

Douzième round : Algieri se retrouve rapidement dans un coin et encaisse quelques coups en puissance. L’aspirant lance moins de coups que le champion pour la première et évidemment seule fois du combat. Carte : 115-111 Provodnikov.

Carte Provodnikov-AlgieriAu final, les juges Tom Schreck et Don Trella ont clairement récompensé le volume et la précision d’Algieri au détriment de la puissance de Provodnikov. Une façon de voir les choses qui se défend, mais qui est bien évidemment discutable.

Fait intéressant, Schreck, Trella et leur collègue Max DeLucas ne se sont entendus que sur 5 des 12 rounds et ont majoritairement favorisé les deux boxeurs 6 rounds chacun, ce qui aurait permis à Provodnikov de conserver sa ceinture en raison des deux chutes du premier round.

La décision - discutable - de Schreck de donner le dernier round à Algieri a également coûté à Provodnikov son titre, puisqu’il s’en serait alors tiré avec un verdict nul partagé. Cela dit, le champion n’a que lui à blâmer, parce qu’il s’est trop laissé frapper pendant tout le combat.

En même temps, cette défaite ne devrait pas trop le pénaliser, puisque le promoteur Top Rank compte sur plusieurs boxeurs chez les super-légers et les mi-moyens qui pourraient l’affronter.