L’autre jour, je vous parlais d’un boxeur du nom d’Ahmet Sabri et très peu d’entre vous l’avaient reconnu. Donc, je le répète, c’est le nom musulman du dernier homme qui a fait subir une défaite sur le ring à Floyd Mayweather. Il se nomme Serafim Todorov.

Ce boxeur, maintenant âgé de 45 ans, n’a jamais été trop gâté par la vie. Mais il faut aussi admettre qu’il ne s’est pas tellement aidé.

Si la carrière de Mayweather est fulgurante chez les professionnels, celle de Tadorov l’a été tout autant, mais dans son cas, ce fut chez les amateurs qu’il s’est distingué. L’un est devenu riche et l’autre est resté pauvre.

Lorsqu’il s’est présenté à Atlanta lors des Jeux Olympiques de 1996, Todorov avait 27 ans. Jusque-là, il avait été couronné champion amateur à trois occasions, en 1991 chez les poids coqs et en 1993 et 1995, chez les plumes.

En 1996, Todorov était reconnu comme un vétéran des Jeux olympiques.

À titre de représentant de la Bulgarie, il a participé aux Jeux de 1992 et ceux de 1996. En 1992, il avait perdu en quarts de finale contre le Coréen du Nord Li Gwang-Sik.

En 1996, bien que pressé et surpris par la rapidité d’exécution de Floyd Mayweather, il parvint quand même à lui arracher la victoire en demi-finale par un maigre point. 10-9.

Juste pour vous donner une idée de la malchance qui s’est acharnée sur le Bulgare, à partir de ce triomphe, le maitre-de-cérémonies l’annonçca comme vainqueur, mais l’arbitre souleva le bras de Mayweather.

Mauvais présage

C’est comme si un mauvais présage le guettait à partir de ce geste impulsif de l’arbitre.

Mais les choses n’en restèrent pas là. Pendant que la foule huait la décision, les dirigeants de la boxe amateur américaine criaient au vol. Même le juge international américain, Bill Waeckerle fut si dégouté de la décision qu’il démissionna de ses fonctions.

Malgré tout, Todorov était certain de gagner la médaille d’or. Après tout, il venait de vaincre le meilleur pugiliste de sa catégorie. Il était assuré d’une médaille d’argent, mais c’est l’or qu’il convoitait.

Malheureusement, un Thaïlandais du nom de Somluck Kamsing, brouilla son rêve en lui ravissant la médaille d’or par un compte de 5-8.

Après sa défaite, et en attendant d’être testé par le laboratoire de contrôle anti-drogue, des promoteurs l’ont approché pour l’intéresser à poursuivre une carrière professionnelle. C’était juste avant son affrontement contre celui qui devait briser son rêve Croyant vraiment qu’il pourrait se couvrir d’or lors de son prochain combat, Todorov refusa l’offre des promoteurs américains, prétextant qu’il était très heureux dans sa carrière amateur. Pendant plusieurs années, il a regretté ce geste.

La p'tite vie

Que s’est-il passé depuis le pire jour de sa vie? « Pas tellement de choses de petits travaux ici et là, mais rien de plus », se souvient le boxeur bulgare. Il est tombé dans la dépression et a tenté de noyer sa peine dans l’alcool. Il n’a pratiquement jamais travaillé.

« J’ai même fumé de l’héroïne, raconte-t-il. Quand vous fumez de l’héroïne, vous oubliez tout. Même si le monde brûle autour de vous, cela ne vous dérange pas. Je détestais tout le monde. »

Après avoir végété pendant deux ans, Todorov décida de tenter sa chance chez les professionnels. Il lui fallait trouver de l’argent quelque part.
Or, pour des bourses ridicules, il livra un premier combat en 1998 qu’il gagna par décision en quatre rounds. Dix mois plus tard, il subit sa première défaite en perdant une décision partagée contre un certain Toni Naskovski, qui en était pourtant à son premier combat payant.

Todorov colla deux autres victoires peu impressionnante en 1999 et 2000, puis décida de se retirer. Il revint sur sa décision deux ans plus tard, et ajouta deux autres victoires insignifiantes à sa fiche.

Voyant qu’il n’allait nulle part, il décida d’abandonner la boxe pour de bon, fort d’une fiche professionnelle de 5-1-0 (1 K.-O.)

Dans sa ville natale

Il habite toujours la ville de sa terre natale, Pazardzhik, en Bulgarie dans un petit appartement qui ne ressemble en rien à celui que possède le boxeur qu'il a vaincu aux Jeux olympiques. En somme, c’est son épouse Albena qui a pris les commandes de la famille.

Il y a quelques années, Todorov était devenu si nerveux, si dépressif que son corps fut envahi par le psoriasis. Même son épouse avait peur de le voir dépérir mentalement.

« Serafim était vraiment fâché, se souvient son épouse. Pourtant, il ne savait même pas pourquoi il était dans cet état. À un moment, j’ai cru qu’il serait terrassé par une crise cardiaque. »

Pour toute réponse aux peurs et appréhension de son épouse. Todorov répond : « Il n’y a aucun endroit ici ou on peut recevoir de l’aide quand on éprouve des troubles mentaux. Tout ce qu’il faut faire, c’est de se résigner et attendre que Dieu vienne nous chercher ».

Il se déplace à pied pendant que Money Mayweather possède une flotte d’une centaine de voitures de collection qui valent plusieurs millions de dollars. Mais il ne lui en veut pas.

La lueur au bout du tunnel

Pour le moment, les choses semblent plus roses. Plusieurs journalistes ont communiqué avec lui. Soudainement il recommence à faire les manchettes, si bien qu’un bienfaiteur qu’il n’avait pas revu depuis une vingtaine d’années lui a offert un poste d’entraîneur d’un gymnase de boxe dans la ville de Burgas, sur la mer Noire.

Quand on a dit à Todorov qu’il fallait payer 100 $ pour voir le combat de Mayweather et Pacquiao à la télévision, il n’a pas sursauté mais presque. « 100 $ dollars, s’est-il exclamé. Ici, notre salaire est justement de 100 $ dollars »
.
Selon un journaliste de USA Today, la dernière fois que Todorov a dépensé la somme de 100 $, c’était pour acheter une paire de souliers en cuir à son fils a l’occasion de son mariage. Et il s’est toujours demandé s’il ne s’était pas laissé aller trop vite à la dépense.

Peut-être en farce, mais Todorov ne manque pas de dire : « Donnez-moi quelques semaines d’entraînement et je serais prêt à affronter Mayweather à nouveau. »

On ignore s’il est sérieux quand il parle ainsi. Mais pourquoi pas Mayweather ne tenterait-il pas de venger sa défaite olympique?

Juste pour la publicité, lui qui a décidé d’accrocher ses gants en septembre prochain après un dernier combat d’adieu. Il n’a rien à perdre. Un rival de 45 ans qui n’a pas boxé depuis une douzaine d’années. Et puis, c’est pour une bonne cause.

Mayweather pourrait se mesurer à nouveau à Todorov dans un combat disons... d’exhibition. Money pourrait remettre sa bourse à des œuvres de charité tandis que Tadorov, avec cette bourse, pourrait vivre ses 40 prochaines années à l’aise en compagnie de son épouse et de sa famille.

Bonne boxe!