Alors que Lucian Bute s’apprête à disputer ce qui pourrait s’avérer son dernier combat en carrière samedi soir à Washington, il est à se demander quelle place lui reviendra dans l’histoire de la scène pugilistique québécoise lorsqu’il décidera d’accrocher définitivement ses gants.

Même s’il a été champion des poids super-moyens de l’IBF pendant près de cinq ans et qu’il a effectué neuf défenses de son titre avant de le perdre aux mains de Carl Froch en mai 2012, plusieurs amateurs questionnent la qualité du règne du boxeur québécois d’origine roumaine.

Le principal reproche fait à Bute est la qualité des adversaires qu’il a affrontés pendant qu’il était champion. Il n’a effectivement battu que trois anciens champions - Alejandro Berrio, William Joppy et Glen Johnson - et multiplié les défenses contre des rivaux de milieu de peloton.

Cela dit, Bute reste le champion québécois de l’ère moderne qui compte le plus de combats de championnat (12) devant Arturo Gatti (9), Jean Pascal (8), Éric Lucas (7) et Adonis Stevenson (7) ainsi que le plus de victoires (10) devant Gatti (7), Stevenson (7), Lucas (4) et Pascal (4).

Pourtant, l’ancien détenteur de la ceinture des super-moyens de l’IBF est loin de jouir du même capital de sympathie que Gatti et Lucas. Il faut dire que Gatti a bâti sa légende avec des combats spectaculaires qui ont soulevé des millions d’amateurs de par le monde et que Lucas a suscité énormément d’empathie à la suite de sa défaite dans des circonstances troubles en Allemagne.

Est-ce parce que les amateurs se sont sentis floués après son percutant revers par knock-out devant Froch en Angleterre ou en raison sa prestation terne contre Pascal en janvier 2014 au Centre Bell alors que tous s’attendaient au premier chapitre d’une longue rivalité à finir?

Et dire que Bute semblait parti pour la gloire à la suite de sa deuxième victoire sur Librado Andrade en novembre 2009. Il était à ce moment-là considéré comme le meilleur super-moyen de la planète et InterBox ambitionnait même de remplir le Madison Square Garden avec lui!

Mais son exclusion du Super Six l’a privé de confrontations avec l’élite de sa catégorie et la signature d’un contrat de trois combats avec le réseau américain Showtime a fait en sorte que la rencontre au sommet avec l’éventuel vainqueur de la compétition ne s’est jamais matérialisée, puisqu’Andre Ward est logiquement passé au concurrent HBO à la suite de son triomphe.

Bute s’est ainsi tourné vers le finaliste Froch, mais n’étant pas dans les meilleures disposions pour disputer ce genre de combat en raison d’une infection à un pied, il a frappé un mur et a été jugé sévèrement à la suite de ce faux pas. Trois ans et demi s’écouleront avant qu’il obtienne une nouvelle chance de se battre en championnat du monde, mais James DeGale était trop fort.

Est-ce qu’une victoire sur Badou Jack lui permettra de « racheter » le parcours le plus prolifique de l’histoire de la boxe québécoise? Vraisemblablement pas aux yeux des connaisseurs, car la majorité des grands champions ont marqué les esprits à la suite de grandes victoires, mais fort possiblement à ceux du grand public, qui verra là une magnifique histoire de rédemption.