MONTRÉAL – Après s’être tapi dans l’ombre pendant plus d’un an, John Makdessi part en mission.

Maintenant que le ménage a été fait au sein de son entourage, le Montréalais d’adoption répète, sans se perdre dans les détails, qu’il prend désormais ses propres décisions. La première a été audacieuse : moins d’un mois après son retour victorieux dans l’octogone, il se prépare à y retourner, cette fois pour y affronter Donald Cerrone sur la carte principale de l’UFC 187. 

« J’avais des problèmes personnels, je n’étais pas heureux et j’avais perdu la flamme pour mon sport, confiait Makdessi à RDS cette semaine, au lendemain de son arrivée à Las Vegas. Mentalement, je n’étais pas du tout au bon endroit. J’ai beaucoup réfléchi, je suis parti à la recherche de réponses, j’ai tenté de cerner ce que je voulais vraiment. Finalement, à 30 ans, je sens que j’ai repris le contrôle de ma vie. Je réalise que c’est maintenant ou jamais et je n’ai jamais été aussi affamé. »

Makdessi savourait encore sa victoire contre Shane Campbell, acquise le 25 avril au Centre Bell, quand l’opportunité de remonter en selle s’est présentée. Une blessure à Khabib Nurmagomedov, qui devait affronter Cerrone dans un combat visant à déterminer le prochain aspirant au titre de la division des poids légers, a forcé l’UFC à se mettre à la recherche d’un remplaçant. Affronter le « Cowboy », à un mois d’avis? Les volontaires n’étaient pas nombreux.

« Ma copine Jessie a vu la nouvelle passer sur Twitter et dès qu’elle m’en a parlé, j’ai demandé à Hector Castro, mon agent, de faire les démarches auprès de l’UFC. Il a parlé à Joe Silva et on nous a rapidement rappelés pour nous dire que j’avais le combat. Ça faisait dix ans que je rêvais au jour où j’allais obtenir une telle opportunité. »

Makdessi a rapidement dû réajuster le tir. Après s’être accordé quatre jours de vacances, il s’est remis au travail avec un nouveau plan de match en tête. Le retard qu’il pourrait accuser à ce niveau ne l’inquiète pas du tout.

« Mon entraînement est très intense, assure celui qui a toujours ses racines au Tristar Gym. Pour moi, une semaine au gymnase équivaut à un camp d’entraînement complet pour quelqu’un d’autre. J’étudie constamment les autres combattants, je les épie sans cesse. C’est dans cette préparation que je puise ma confiance. Je sais que je travaille plus fort que les autres. Ma forme physique est le dernier de mes soucis.»

La nouvelle n’a pas fait que des heureux. Le petit monde des arts martiaux mixtes étant ce qu’il est, l’ajout d’un combattant canadien peu populaire à un gala qui avait déjà été amputé de son attraction principale – le champion des mi-lourds Jon Jones avait auparavant été dépouillé de son titre en raison de ses démêlés avec la justice – a fait l’objet de vives critiques.

« J’ai réalisé depuis longtemps que dans ce sport, il y aura toujours des mécontents, répond Makdessi. Les gens peuvent bien dire ce qu’ils veulent, ce ne sont pas eux qui se tuent au gymnase à chaque jour, qui font tous ces sacrifices. Si on ne veut pas respecter mes habiletés, je n’ai pas de problème avec ça. Au bout du compte, mes actions vaudront plus que tous les mots du monde. »

Débarrassé d’une partie de son entourage qui était « plus intéressée par le chèque de paie » que par la progression de sa carrière, Makdessi veut maintenant prendre des risques. Et celui-là en est tout un. Depuis un an et demi, rare sont les combattants qui ont aligné les réussites au même rythme que Cerrone. Le spectaculaire casse-cou a remporté ses sept derniers combats. Il est plus expérimenté, plus polyvalent et plus talentueux que son prochain adversaire. Sur papier, les deux pugilistes ne sont tout simplement pas au même niveau.

Mais la liste des accomplissements de l’Américain n’intimide pas John Makdessi.

« Donald Cerrone est un dur, j’ai beaucoup de respect pour lui. Mais qu’il soit sur une séquence de vingt victoires ou de deux victoires, ça n’a aucune importance pour moi. Chaque combat est un nouveau défi », tente de se convaincre le « Bull ».

« J’adore être le négligé, ajoute celui qui possède une ceinture noire en karaté et en taekwondo. Toute ma vie, j’ai défié les probabilités. Je m’impose moi-même beaucoup de pression, mais je trouve toujours le moyen d’arriver à mes fins. »

Cerrone n’est pas du genre à tourner en rond. Depuis le début de sa carrière, 15 de ses 34 combats lui ont valu un boni de performance puisé à même le compte en banque de ses patrons. Généralement, ça signifie que soit ses adversaires en voient de toutes les couleurs, soit ils ne survivent pas assez longtemps pour les distinguer.

Makdessi ne traîne pas encore le même genre de réputation. Sa technique finement affutée lui a permis de hacher finement des adversaires de qualité comme Sam Stout et Daron Cruickshank et de remporter trois de ses victoires à l’UFC par K.-O. Mais contre un adversaire de la trempe de Cerrone, il lui faudra probablement fournir le petit extra qu’il n’a pas encore prouvé qu’il possédait. Le talent est là et le style de son adversaire cadre parfaitement avec ce qu’il est en mesure d’offrir. La différence devrait se jouer entre les deux oreilles.

« Je veux être un combattant intelligent, mais je veux aussi être un combattant excitant. J’ai travaillé très fort là-dessus. Je veux offrir quelque chose de différent, quelque chose que les gens voudront absolument voir. Je suis prêt à prendre le risque », promet-il.