Perspective juridique sur la bagarre générale éclatée lors de l'UFC 229
UFC mardi, 9 oct. 2018. 12:35 vendredi, 13 déc. 2024. 11:54Le 6 octobre 2018, Khabib Nurmagomedov a remporté le combat qui l’opposait à Conor McGregor lors de l'UFC 229 à Las Vegas. Suivant sa victoire, Nurmagomedov s’est jeté dans la foule pour s'en prendre à Dillon Danis et à la garde rapprochée de McGregor. Quelques instants plus tard, trois membres du clan Nurmagomedov ont pénétré dans la cage pour s’attaquer à McGregor. Il s’en est ensuit une bagarre générale dans le T-Mobile Arena.
Jusqu’à présent, les trois membres du clan Nurmagomedov ont été arrêtés, mais ont été relâchés puisque McGregor n’a pas voulu porter plainte contre eux.
Est-ce que le commissaire de l’UFC ou le président de l'Association des Commissions de Boxe peut sanctionner Nurmagomedov ou McGregor?
Dana White, président de l’UFC, a refusé de remettre la ceinture de vainqueur à Nurmagomedov sur le ring et a confirmé que la commission allait retenir indéfiniment sa bourse en attendant qu'une enquête soit conclue. Par ailleurs, Anthony Marnell, président de la commission athlétique du Nevada, a indiqué que McGregor pourrait être puni pour cette bagarre, y ayant lui aussi participé.
En fait, le commissaire de l’UFC ou le président de l'Association des Commissions de Boxe peut prononcer une sanction disciplinaire à l’encontre de Nurmagomedov ou McGregor, notamment une amende, une suspension ou une interdiction de participer à toute compétition future d’arts martiaux mixtes ou de boxe. Il pourrait aussi se faire congédier ou être banni à vie de l’UFC. Spécifions cependant que la participation à une compétition d’arts martiaux mixtes relève de la commission athlétique de l’État où se tient l’évènement. Ici, la commission athlétique du Nevada pourrait hypothétiquement empêcher Nurmagomedov ou McGregor de participer à un combat qu’elle organise, nonobstant la décision du commissaire de l’UFC. Il est donc possible que la sanction émane de la commission athlétique et non de la ligue elle-même. Par contre, il se peut que la commission athlétique de l’État et la ligue prononcent simultanément des sanctions, comme ce fut le cas en 2014 dans le dossier de Jason High. Rappelons que la commission athlétique du Nouveau-Mexique avait suspendu Jason High pendant une année pour avoir poussé l’arbitre Kevin Mulhull quelques secondes après avoir perdu son combat lors du UFC 42. Quant à elle, l’UFC l’avait congédié pour ce geste.
Recours en responsabilité civile contre l’individu ayant causé des dommages
Il est possible que les personnes, ayant été blessées dans le cadre de cette bagarre générale, intentent des poursuites en responsabilité civile contre l’individu leur ayant causé des dommages. Il peut s’agir d’un dommage physique, matériel et moral. La réparation du préjudice peut se faire par l’octroi de dommages-intérêts ou de dommages-punitifs. Même si les victimes ont subi des préjudices suivant cet incident, encore faut-il démontrer l’existence d’une faute et d’un lien de causalité selon la prépondérance des probabilités pour établir la responsabilité de l’individu ayant perpétré l’infraction.
Recours en responsabilité civile contre les organisateurs de l’UFC 229
Toute entreprise liée à l'organisation et à la sécurité de l'UFC 229, dont les dirigeants de l’UFC et les exploitants du T-Mobile Arena (« les organisateurs ») pourraient faire l’objet de poursuites civiles intentées par les spectateurs blessés. Les organisateurs sont tenus à une obligation générale de sécurité. Ils doivent alors déployer tous les efforts nécessaires pour veiller à ce qu’un combat se déroule bien et pour ne pas exposer les spectateurs à des risques inutiles d’accidents ou qu’ils auraient pu éviter et prévoir.
Ici, la responsabilité des organisateurs ne pourrait être encourue que s’il était prouvé qu’ils avaient agi de façon négligente en laissant les spectateurs accéder à un site où un combattant se sentirait autorisé à se jeter dans la foule pour déclencher une bagarre générale. Ces organisateurs ont l’obligation d’empêcher l’accès à des emplacements dangereux et sans protection. Ils doivent avoir un contrôle sur les spectateurs et mettre en place un service de sécurité efficace pour intervenir dans le cadre de différends, servir de médiateur et inspecter les lieux.
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Ainsi, les organisateurs pourraient être responsables des dommages causés aux victimes, s’il est démontré qu’ils ne leur ont pas fourni des consignes de sécurité appropriées ou s’ils n’avaient pas l’équipement et les dispositifs requis pour leur venir en aide. Ils peuvent aussi être tenus responsables du fait que leurs employés n’ont pas agi de manière adéquate dans les circonstances.
Généralement, les tribunaux prennent en considération la nature de l’événement sportif, les risques inhérents et si le spectateur peut prévoir ces risques. Par exemple, au Québec, un tribunal a déjà conclu que les dommages causés par une rondelle constituaient un danger inhérent à la participation d’un spectateur durant un match de hockey (voir Gosselin c. Ste-Foy). Or, dans le contexte de la bagarre initiée par Nurmagomedov, il serait difficile de conclure que le spectateur avait préalablement accepté le risque d’être blessé et d’être impliqué dans une émeute en assistant à ce combat.
Accusations criminelles
La violence n’est pas traitée de la même façon lorsqu’elle est perpétrée par un citoyen dans la rue ou par un athlète lors de la pratique de son sport. Les gestes violents sont normalement illicites, mais il existe plusieurs activités comportant un usage intentionnel de la force pouvant causer des lésions corporelles et qui ne sont pas criminelles, notamment les combats de boxe et d’arts martiaux mixtes. C’est pourquoi les tribunaux traitent ces incidents avec une plus grande tolérance que s’ils étaient survenus dans un contexte normal.
Par contre, le contexte sportif n’exclut pas l’application du droit criminel pour réprimer un comportement excessif commis en dehors du cadre de la pratique d’un sport ou lorsque le jeu est arrêté. Un combattant qui enfreint les règles du jeu ou qui agit de manière délibérée peut donc engager sa responsabilité pénale. La bagarre générale survenue lors de l’UFC 229 n’écartera pas automatiquement l’intervention des tribunaux du seul fait qu’elle s’est produite dans un cadre sportif.
En effet, la police de Las Vegas pourrait porter plainte contre certains combattants ainsi que contre des personnes impliquées dans cette bagarre, si son équipe d'enquêteurs démontre que la preuve est suffisante pour aller de l'avant avec des poursuites judiciaires. Conséquemment, Nurmagomedov et les membres de son personnel, pourraient potentiellement faire face à des accusations pour voies de fait simples ou causant des lésions corporelles ou pour la participation à une émeute, et ce, nonobstant le refus de McGregor de porter plainte contre eux. De son côté, McGregor pourrait aussi s’exposer à des accusations criminelles pour son implication dans cette bagarre au même titre que plusieurs autres individus y ayant pris part.
Advenant que des accusations criminelles soient portées contre Nurmagomedov, il importe de souligner que son statut d'immigrant pourrait avoir un impact sur toute condamnation éventuelle, laquelle pourrait l’empêcher de voyager aux États-Unis ou à tout de moins restreindre ses déplacements. Il en serait de même pour McGregor qui est citoyen irlandais.