MONTRÉAL - Au premier coup d'oeil, Dan Hardy et Rory MacDonald n'ont pas grand-chose en commun.

Le premier est facilement reconnaissable à la tignasse colorée qui sépare son crâne en deux parties égales, un amas de cheveux négligé qu'il prend toutefois le temps de dresser méticuleusement avant chacun de ses combats. Ses yeux bruns sont naturellement provocateurs, sa bouche valse constamment entre un rictus menaçant et un sourire confiant et ses joues sont à l'occasion tapissées d'un épars pelage qui pourrait au mieux être décrit comme une tentative de barbe.

MacDonald n'aurait pas su quoi faire d'une bouteille de shampooing il y a un an et n'aurait même pas besoin de se pencher si on lui demandait de faire une pompe pour chaque poil qu'il a au menton. La luminosité de son regard est inversement proportionnelle à la quantité de personnes qui le croisent et vous avez probablement autant de chances de le battre au tir au poignet que de trouver une photo sur laquelle ses lèvres laissent entrevoir ses dents.

Vêtu d'une simple paire de shorts, Hardy attire surtout l'attention par la quantité d'encre incrustée dans son épiderme. Son ventre, sa poitrine, ses bras, le haut de son dos et ses mollets sont aussi colorés que sa personnalité. Le dessin gravé à l'intérieur de sa bouche fait de lui un marginal, mais de façon beaucoup plus discrète que les nombreux anneaux qui ont jadis orné son visage.

MacDonald est l'un des rares combattants du UFC à ne pas exposer son passé, ses états d'âme ou l'étendue de ses économies par l'entremise de tatouages. Mais contrairement à plusieurs de ses confrères plus extravagants, il n'a pas besoin de passer au dépanneur pour se promener avec un six-pack et d'une simple flexion des biceps vous convaincra qu'il pourrait vider le contenu de la chambre froide à bout de bras.

Hardy a le verbe aussi fluide que son crochet de la gauche. En pleine tempête hivernale, vos chances de le retrouver seraient sûrement meilleures en tendant l'oreille vers son fort accent britannique qu'en tentant de suivre ses traces dans la neige. Ses opinions sont du domaine public et ce n'est certainement pas celles de ses détracteurs qui l'empêcheront de dormir.

MacDonald est décrit comme un jeune homme timide et réservé même par ses plus proches alliés. En entrevue, sa voix calme et monotone exigent de son interlocuteur une attention particulière et il ne s'ouvrira jamais au monde extérieur aussi facilement que si vous lui donnez une paire de gants et un adversaire à cogner.

Au premier coup d'oeil, Dan Hardy et Rory MacDonald ne partagent que des différences. Mais une expérience commune les unit, et c'est exactement pourquoi Georges St-Pierre s'est assuré qu'ils ne soient jamais bien loin pendant sa préparation pour son prochain combat.

Contribuer à un échec souhaité

Juste avant qu'il ne déménage à Montréal pour se joindre officiellement à l'équipe de St-Pierre, MacDonald s'est frotté à Carlos Condit dans un duel qui est resté l'un des plus marquants de l'année 2010. À l'aube de ses 21 ans, dans sa province natale à Vancouver, le jeune Canadien a dominé les deux premiers rounds avant de perdre progressivement le contrôle, à un point où il se faisait brutalement ruer de coups sous le poids de son adversaire lorsque l'arbitre a mis fin au combat alors que sept petites secondes le séparaient d'une victoire assurée sur la carte des juges.

À peine quatre mois plus tard, Condit était de nouveau envoyé en territoire hostile. Un voyage transatlantique le menait à Londres, où l'attendait l'enfant chéri des amateurs de sports britanniques. Hardy, un fils de Nottingham, se remettait d'une défaite contre St-Pierre en combat de championnat et comptait fermement sur la visite de Condit pour reprendre ses bonnes habitudes. Ça ne s'est pas produit. À la fin du premier round, les deux pugilistes ont lancé des gauches simultanées qui ont touché la cible à quelques centièmes de seconde d'intervalle. Condit est resté debout, Hardy est tombé dans un court mais profond sommeil.

Samedi, ce sera au tour de Condit de confronter St-Pierre dans l'espoir de lui ravir officiellement sa ceinture - il s'en est porté acquéreur sur une base intérimaire pendant que le Québécois soignait une blessure à un genou. Et à leur façon, MacDonald et Hardy ont eu l'occasion de contribuer à l'échec souhaité de leur ancien tombeur : l'un est aujourd'hui l'une des figures de proue du Tristar Gym et l'autre y a été invité à passer la dernière semaine pour participer au camp d'entraînement d'Équipe GSP.

L'importance du rôle qu'ont été appelés à jouer les deux mi-moyens dans la préparation de St-Pierre varie dépendamment de la personne à qui vous posez la question. MacDonald, de qui il ne fallait pas s'attendre à de grandes confidences, a minimisé l'ampleur de son apport lorsque les caméras du réseau Fuel TV ont envahi le camp de base montréalais la semaine dernière.

« Je ne crois pas que Georges ait besoin d'opinions supplémentaires dans ses oreilles, a-t-il brièvement répondu. S'il se bat comme il en est capable, il n'aura aucun problème. Il n'a pas besoin de moi pour lui donner des conseils. Il réagira à ce qui se passera et tout ira bien. »

Pourtant, lors d'un autre rendez-vous médiatique quelques jours plus tôt, St-Pierre lui-même parlait ouvertement d'une entraide naturelle avec son jeune coéquipier. « Oui, on se parle, a-t-il admis sans retenue. C'est drôle, parce que pendant que je me prépare pour un gars qu'il a déjà affronté, il se prépare lui aussi pour un gars que j'ai déjà affronté (B.J. Penn). Alors on se parle beaucoup, on essaie de s'aider mutuellement. »

« On a appris beaucoup avec Rory, développe davantage Firas Zahabi, l'entraîneur en chef du Tristar et principal cerveau derrière le plan de match de ses poulains. C'est sûr que Condit a évolué depuis le temps, mais il a quand même gardé la même base. Il y a des choses que Rory a faites qu'on pourrait améliorer et c'est ce qu'on cherche à faire. Son expérience représente pour nous une bonne piste à suivre pour trouver ce qui pourrait arriver le 17 novembre. »

La bonne mémoire de Hardy

Les visions de Zahabi et de celui qu'on surnomme « The Outlaw » se rejoignent lorsqu'il est question de la progression effectuée par Condit. Hardy regarde les étapes franchies par celui qui lui a infligé le seul K.-O. de sa carrière et ne voit pas un combattant bien différent deux ans plus tard. Et ainsi, il croit bien pouvoir apporter une modeste contribution à la cause de GSP.

« Notre combat n'a pas été très long, mais j'ai passé douze semaines à étudier ce gars-là et à me préparer exclusivement pour lui. Et même si mon style n'est pas identique au sien, je m'entraîne à frapper depuis l'âge de 6 ans, alors je suis capable d'imiter un autre combattant assez facilement », expliquait récemment Hardy à RDS après une longue journée de travail dans la métropole québécoise.

« Condit n'est pas un combattant très difficile à imiter. Il est un peu plus grand que moi, mais notre portée est identique, ce qui peut certainement aider Georges, a poursuivi Hardy. Alors quand on fait du sparring, je tente de lui montrer exactement ce qu'il verra devant lui le soir de son combat. J'emploie les mêmes techniques, de sorte qu'il puisse travailler sur ses contre-attaques et simplement devenir plus familier avec ce que son adversaire lui réserve. »

« Hardy avait des choses intéressantes à dire à propos de Condit, confirme Éric O'Keefe, un entraîneur investi dans le camp d'entraînement des nombreux représentants du Tristar qui seront en action samedi. Et on ne se cachera pas qu'il aimerait bien avoir un jour sa revanche, alors il fera tout ce qu'il peut pour donner le moindre petit avantage à Georges. »

Hardy, qui s'est lié d'amitié avec St-Pierre après que les deux se soient affrontés en finale du UFC 111, ne voit pas comment Condit pourrait réussir où lui-même a déjà échoué.

« Carlos est un fantastique combattant, mais sans vouloir lui manquer de respect, je ne crois vraiment pas qu'il possède un quelconque avantage sur Georges. En lutte, au corps à corps, au niveau des soumissions, Georges lui est supérieur partout. Et je crois également que son équipe, avec tout le monde qui l'entoure pour dresser le plan de match, lui donne une longueur d'avance. »

« Kong » l'imitateur

Un autre mate britannique est déménagé temporairement à Montréal à partir du début du mois de novembre. À la demande de St-Pierre, Tom « Kong » Watson, qui est considéré comme un ami de la famille au Tristar, a fait ses valises et a joint son nom à la longue liste de collaborateurs appelés de l'extérieur pour apporter leur contribution à la préparation du champion.

Watson est l'ancien champion de la division des poids moyens de l'organisation anglaise BAMMA. Âgé de 30 ans, il a fait ses débuts au UFC en septembre dernier face à Brad Tavares. Son nom vous est peut-être moins familier, mais son aide pourrait être la plus précieuse de toutes pour GSP. C'est du moins ce que croit O'Keefe, l'un de ses hommes de coin depuis quelques années.

« Tom s'est entraîné longtemps avec Condit chez Jackson's (un gymnase réputé situé à Albuquerque, au Nouveau-Mexique) et c'est lui qui est capable de l'imiter le mieux. Il est plus gros et possède une plus longue portée, mais son style peu orthodoxe s'apparente à celui de Condit, de la façon qu'il sort ses coudes, ses genoux ou différents coups de pieds. Georges et lui ont fait un paquet de rounds ensemble à l'entraînement. Je ne crois pas que Georges s'attendait à ce que la ressemblance soit si frappante. »

Watson ne voit pas de conflit d'intérêt dans sa présence à Montréal. Plaçant son amitié pour St-Pierre devant ses liens professionnels avec Condit, il soutient humblement que ni l'un ni l'autre n'a réellement besoin de lui de toute façon.

« Au niveau auquel ces gars-là sont rendus, il n'y a pas de secret que je peux leur dévoiler, rien que je puisse leur dire qu'il n'ont pas déjà appris en regardant les bandes vidéos », minimise-t-il.

Thatch, une arme secrète

À l'époque pas si lointaine où son organisation tentait agressivement de s'implanter au Québec, le promoteur Stéphane Patry était incapable de prononcer trois phrases sans parler de Brandon Thatch, un combattant qu'il avait déniché au Colorado et qu'il voyait comme la future grande vedette d'Instinct MMA.

Thatch a disputé trois combats au Québec, neuf au total depuis le début de sa carrière, et compte huit victoires par K.-O. au premier round. Patry, qui n'a jamais eu peur d'utiliser un comparatif avantageux pour attirer l'attention vers ses protégés, a souvent répété que sa jeune trouvaille pourrait battre Nick Diaz, l'un des mi-moyens les mieux classés mondialement, « demain matin ».

Au cours des dernières semaines, les éloges de Patry ont trouvé écho entre les murs du Tristar, où Thatch s'affaire depuis quelque temps à solidifier sa réputation. « Debout, il est exceptionnel, peut-être le meilleur que je connaisse dans sa catégorie de poids. On a cherché le meilleur et on l'a trouvé », vantait récemment Zahabi.

Meilleur que Georges, Firas? « Disons dans la même ligue… », répond le coach après un court moment de réflexion.

« Il est comme le lapin Energizer, surenchérit O'Keefe. Georges le trouve pas mal fatiguant. »