Ce qui était un secret plutôt mal gardé n’en est finalement plus un : Lance Stroll sera en F1 dès la saison prochaine, chez Williams, aux côtés de Valtteri Bottas.

L’annonce officielle a été faite jeudi matin et il est difficile de ne pas avoir déjà très hâte de voir le jeune pilote montréalais en piste au volant d’une « vraie » monoplace de 2017. Outre l’intérêt tout naturel que nous pouvons avoir de retrouver un pilote de chez nous au Championnat du monde, le fait qu’il ait été si dominant en F3 et qu’il ne soit âgé que de 18 ans provoqueront une immense vague de curiosité à travers le monde entier, ce qui braquera assurément tous les feux vers lui et son écurie.

Si le défi s’annonce colossal pour Stroll, on peut cependant conclure qu’il entre en F1 par la bonne porte, pour ne pas dire par la porte idéale. Car même si on peut en venir à apprécier tout le potentiel des Esteban Ocon et Pascal Wehrlein chez Manor ou de Felipe Nasr chez Sauber, il reste que les faiblesses générales des ces écuries finissent par déteindre sur leurs pilotes et peuvent éventuellement ternir leur réputation. Par ailleurs, la filière Red Bull (quoique superbement structurée et riche en ressources) est si implacable et intolérante, qu’elle peut parfois briser des carrières à jamais, autant qu’elle cherche à créer de futurs champions. Et on est tous d’accord pour dire qu’il est impensable d’envisager voir un tout jeune homme de 18 ans chez Ferrari, par exemple, compte tenu des traditions et des philosophies de cette écurie légendaire. Ce n’est pas dans les mœurs de l’équipe et de toute façon, la pression serait tout simplement trop grande.

Williams, comme écurie indépendante relativement bien nantie et riche en expérience, peut offrir à Stroll la plateforme idéale pour au moins ses premières saisons au sein de la discipline reine. Sous la direction de Claire Williams, la fille de Sir Frank, l’équipe a pris un virage moderne et contemporain, sans pour autant renier son passé glorieux. On est loin de la domination d’il y a 20 ans, d’accord, le développement de la voiture de 2016 fut un échec, certes, mais globalement, le groupe propulseur de Mercedes combiné aux ressources humaines et techniques de l’écurie peuvent permettre d’espérer une remise sur pied assez rapide.

Chez Williams, on a aussi l’habitude d’ouvrir la porte aux jeunes pilotes talentueux. L’exemple de Jacques Villeneuve est probablement le plus évident pour nous, bien sûr, mais on pourrait aussi parler, dans la même foulée, de Ralf Schumacher, Juan Pablo Montoya, Mark Webber, Nico Rosberg et Valtteri Bottas, lui-même, au cours des 20 dernières années.

Aussi vers l’inconnu

Cela dit, le jeune Lance Stroll fait aussi son entrée en Formule 1 au moment où l’on s’apprête à vivre un virage technique fort ambitieux et bien malin est celui qui peut prédire, à ce jour, comment les différentes écuries s’y adapteront. Si les bases de motorisation restent les mêmes (ce qui se veut rassurant pour Stroll vu les qualités de l’ensemble Mercedes utilisé chez Williams), il est très difficile de prédire comment se fera le passage aux nouveaux ailerons et aux pneus plus larges. À n’en pas douter, les experts en aérodynamisme auront un rôle crucial à jouer et il s’agit d’un secteur qui a causé de nombreux soucis chez Williams dans un passé récent. Pour les pilotes, même les plus expérimentés, il faudra adapter la conduite à un accroissement de performance sensible dans les virages, accroissement qui pourrait signifier rien de moins que 3-4 secondes au tour sur un circuit moyen. Ce n’est pas rien!

Après Villeneuve, au tour de Lance Stroll

Deux choses pourraient cependant grandement aider Lance à accélérer son intégration à l’univers extrêmement pointu de la F1. D’abord, grâce aux ressources familiales, il a pu bénéficier d’un programme privé qui pourrait s’avérer très bénéfique pour lui, à très court terme. Même si les règles forçaient l’utilisation d’une F1 vieille de deux ans, il reste qu’il a pu compléter une très grande quantité de tours au volant d’une monoplace d’un niveau inégalé jusqu’ici dans sa jeune carrière. Il y aura appris les très hautes vitesses, mais aussi et surtout, les vraies exigences de la maîtrise d’une F1, comme la gestion du freinage, la gestion de l’usure et de la température des pneus, l’art subtil des bons réglages, etc. Tout cela lui donnera une excellente base quand s’amorceront les vrais essais hivernaux, au début de 2017.

Autre avantage qui peut paraître un peu paradoxal : son jeune âge! En arrivant en F1 au moment où survient un virage technique important, Lance Stroll n’aura pas à « défaire » de vieilles habitudes, il n’aura pas à « déprogrammer » ses réflexes, à remodeler sa façon d’aborder les courses. Il n’aura qu’à apprendre à partir de ces nouvelles bases, bases qui feront partie de la fondation même de sa « vraie » vie professionnelle qui commence à peine. Si l’expérience ne s’achète pas, l’inverse est aussi vrai. La fougue, la détermination, le désir et la capacité d’apprendre, l’innocence pure propre aux très jeunes, dans quelque domaine que ce soit, constituent souvent des actifs précieux qui leur permettent d’atteindre un niveau d’excellence, très prématurément.

Stroll et Villeneuve : « Pas le même contexte »

Parlons enfin de l’encadrement dont Lance Stroll aura besoin au départ. On a beaucoup parlé d’argent dans son parcours rapide, mais a-t-on aussi entendu parler du support affectif de son père, de ses encouragements, de sa disponibilité? Je ne connais pas la famille Stroll dans son quotidien, mais je parierais que le jeune homme a grandi dans un univers bien équilibré. Ça se sent quand on le voit agir en public. Le moment est venu de laisser l’écurie Williams et tous les conseillers qui gravitent en F1 prendre une partie de la relève. Il est essentiel de créer un sain détachement, comme Jos Verstappen l’a fait avec son fils Max tout en restant habilement et discrètement prêt à intervenir s’il le faut. Je suis convaincu que Lawrence Stroll se sent très à l’aise avec l’arrivée de son fils au sein de l’environnement Williams, une écurie qui repose elle-même sur des valeurs familiales indéniables.