L'art de se tirer dans le pied
Alouettes samedi, 12 juil. 2014. 19:21 mercredi, 11 déc. 2024. 06:52Les Alouettes ont tout fait pour gagner la rencontre face aux Blue Bombers de Winnipeg vendredi, mais leur indiscipline leur a coûté la rencontre. Cette défaite à la maison est vraiment frustrante.
Quand on met les choses en perspective, on se rend compte qu'il s'est fait de belles choses dans cette partie. L'attaque a généré 33 points et 395 verges, ce qui représente la meilleure performance de la saison. Les Alouettes ont contrôlé le temps de possession avec 33 minutes et le ratio de revirements est de plus-1 à la faveur des Montréalais. Normalement, ces indicatifs devraient vous mener à la victoire, mais ça n'a pas été le cas.
Il est clair que l'indiscipline a fait basculer la partie. Au total, les Alouettes ont écopé de 18 pénalités, qui ont coûté 180 verges. C'est épouvantable. Quand on analyse les statistiques, on oublie toujours les verges données à l'adversaire à la suite des punitions. Moi, si je prends les 180 verges de pénalités et que je les additionne aux 280 verges de retour des Bombers, ça me donne 460 verges. C'est ce que les entraîneurs appellent les verges cachées. Ces 460 verges cachées représentent plus de quatre terrains de football. Dans les circonstances, c'est impossible de gagner des matchs.
J'ai retenu deux pénalités qui ont eu une influence directe sur le résultat de la partie. Ces pénalités ont eu pour effet de prolonger une séquence de l'adversaire ou de tuer la séquence de l'attaque. Lors de la deuxième séquence offensive des Bombers au premier quart, les Alouettes ont réussi à contenir l'attaque adverse dans une situation de deuxième et 12 grâce au plaqué de Jamaan Webb, ce qui aurait dû entraîner un dégagement de Winnipeg, mais une pénalité de Kyries Hebert a donné 15 verges et un premier jeu aux visiteurs. La séquence s'est poursuivie et les Blue Bombers ont inscrit un majeur.
J'ai aussi un mauvais exemple de pénalité du côté de l'attaque cette fois. Les Alouettes étaient à la ligne de 30 des Bombers au deuxième quart quand ils se sont retrouvés avec trop de joueurs sur le terrain, ce qui a valu une pénalité de dix verges aux Moineaux. L'équipe avait amorcé une séquence dans une situation de premier et 10 pour se retrouver soudainement en situation de premier et 20. Montréal est donc passé d'une situation où il pouvait courir avec son premier jeu à une situation où les Alouettes ont été obligées de passer le ballon. Concrètement, sur la séquence, Troy Smith a échappé le ballon qui a été recouvré par Desia Dunn qui a parcouru 70 verges pour un touché. Voilà deux exemples de pénalités qui ont fait mal.
C'est déjà assez difficile de gagner une partie de football. S'il faut en plus que le club se tire une balle dans le pied, ça devient encore plus dur.
Les Alouettes ont manqué d'opportunisme lors de cette partie. Ils ont provoqué trois revirements, mais n'ont inscrit que six points au tableau par la suite même s'ils se sont successivement retrouvés à la ligne de 30, 23 et 15 dans la zone ennemie. De leur côté, les Bombers ont provoqué deux revirements, qui ont engendré 13 points grâce à deux touchés. Il est inutile de chercher trop loin pour expliquer ce revers par un seul point.
Je ne serais pas surpris que des amendes soient imposées par l'entraîneur Tom Higgins à la suite des nombreuses pénalités de frustration. Si ça ne fonctionne pas, Higgins pourrait réduire le temps de jeu de certains joueurs. J'ose espérer que l'entraîneur ne laissera pas la chose passer. Il doit immédiatement s'assurer qu'aucune tendance ne se développe. Son message doit être clair et fort.
La progression de l'attaque
L'offensive des Alouettes a provoqué 33 points et je pense que l'on peut parler encore une fois de progression. On a vu des choses qu'on n'avait pas vues lors des deux premiers matchs. Smith a lancé ses trois premières passes de touché de la saison. On a vu des jeux explosifs par la passe lors des touchés de 46 verges de Chad Johnson, de 49 verges à Kenny Stafford et sur la passe de 44 verges à Brandon London. J'ai aimé voir Smith distribuer le ballon à sept receveurs, particulièrement en deuxième demie.
On a vu les deux facettes du quart des Alouettes lors de ce match. Smith a été plus précis dans les zones profondes, soit dans une facette où on l'a critiqué depuis le début de la campagne. Il a connu une bonne deuxième demie avec 12 passes complétées en 20 tentatives pour 60 % de réussite. Il a terminé la partie avec plus de 300 verges et trois passes de touché, mais son échappée et son interception ont mené à deux touchés des Blues Bombers. On a donc vu le meilleur et le moins bon de Smith, ce qui traduit un manque de constance. On est toujours à la recherche de la performance parfaite, mais il y a lieu de se demander si on en obtiendra une. Il va peut-être falloir vivre avec Smith en espérant qu'il y aura plus de bons moments que de mauvais chaque match.
Je suis aussi préoccupé par l'état de santé de Troy Smith. Il a quitté le terrain avec des douleurs à un genou, il a raté un entraînement cette semaine pour la même raison tout comme lors du camp de l'équipe. Il n'a pas couru une seule fois vendredi. Lors du match précédent, il l'avait fait six fois pour 55 verges et il avait eu un impact important sur la partie. Cette fois, il n'a pas couru et je ne sais pas si c'est en raison de son genou, mais il n'a pas porté le ballon, ce qui cause un problème parce qu'il doit courir. Il ne peut pas rester simplement dans sa pochette, car la mobilité doit faire partie de son jeu. Smith a besoin de courir et d'étirer les jeux pour être utile. Quand les receveurs n'arrivent pas à se démarquer, il doit utiliser ses jambes pour gagner du terrain. Sur la séquence où il a perdu le ballon, l'occasion aurait été belle pour qu'il coure. La course doit faire partie de son arsenal.
J'ai été encouragé par l'attaque qui a été plus productive avec une meilleure exécution et une meilleure préparation. La première séquence offensive des Alouettes au premier quart sur 72 verges qui a conduit au touché de Johnson me permet de l'affirmer. Combien de fois sous la férule de Marc Trestman avait-on vu les Alouettes marquer un majeur sur la première poussée à l'attaque? C'est le signe d'une bonne préparation et d'une belle anticipation.
J'ai aussi aimé la première séquence de la deuxième demie qui a été ponctuée de six jeux et 91 verges avec le majeur de Stafford en conclusion. À mes yeux, c'est le signe d'un bon ajustement.
La défensive
La défense des Alouettes n'a accordé que 21 points et 274 verges à l'attaque des Blue Bombers, ce qui n'est pas beaucoup. La défensive a aussi provoqué quatre sacs du quart et un revirement, en plus d'arrêter deux tentatives de transformations double. C'est une belle performance, mais la seule chose qui me chicote est survenue sur la dernière séquence de la première demie et sur celle de la fin du match qui a conduit au touché de la victoire. La défensive a été bonne, mais il y a des moments où elle doit être encore meilleure.
Tout juste avant la mi-temps, on a laissé Winnipeg faire une séquence de neuf jeux pour 59 verges pour un placement. Dans les deux dernières minutes du quatrième quart, les Alouettes ont laissé les visiteurs exécuter 13 jeux pour 73 verges, ce qui a mené au majeur de la victoire avec 28 secondes à égrainer au tableau. Ça veut dire que lors de ces deux moments critiques, Winnipeg a amassé 134 verges et marqué 10 points. C'est un véritable oeil au beurre noir pour la défensive.
Je lève mon chapeau au quart des Bombers, Drew Willy, qui est en train de se faire un nom. On a testé son courage avec des blitzs toute la soirée. Il a encaissé sans broncher. Il savait qu'il allait se faire frapper, mais ça ne l'a pas empêché de performer. La séquence de la fin de la partie peut permettre à un quart de se bâtir la réputation d'un athlète qui va garder son équipe dans le match et qui va se battre jusqu'à la fin.
Sur la séquence victorieuse, en situation de deuxième et 10, Willy a couru pour 15 verges. En situation de deuxième et 11, il a complété une passe de 14 verges, en situation de troisième et 5, il a réussi une passe de onze verges et sur un deuxième et 10, il a lancé un canard boiteux qui aurait dû être intercepté par Geoff Tisdale qui n'a pas capté ce ballon de plage. Cette interception aurait confirmé la victoire des Alouettes, mais au contraire, la séquence des Bombers s'est poursuivie. Sur un troisième jeu et 10, Willy a eu une dernière chance qu'il n'a pas ratée en rejoignant Julian Feoli-Gudino. Willy m'a impressionné sur cette séquence avec de grosses passes complétées en situation de gros stress et sans marge d'erreur.
Si je me fie à la réaction de Chip Cox, il y a eu une erreur sur la stratégie de couverture de passe sur le touché de la victoire. Je ne pense pas que Cox devait être seul; certains joueurs ont oublié de couvrir la zone profonde.
Je suis sévère avec la défensive des Alouettes parce que je sais que c'est une bonne unité et mes attentes sont élevées. Je sais que cette unité peut faire la différence.
Unités spéciales
J'ai aimé le travail du botteur Sean Whyte qui a rebondi avec quatre placements après une performance ordinaire face aux Lions. Whyte a aussi bien fait sur les bottés de dégagement.
J'ai apprécié le boulot du demi défensif Dominique Ellis qui disputait un premier match avec les Alouettes. Il a réalisé deux plaqués sur les unités spéciales en plus de recouvrer un ballon perdu et forcé une échappée, qui a permis à l'attaque de reprendre le ballon à la ligne de 15 des Bombers. Si les Alouettes avaient marqué par la suite, ils auraient eu une avance de neuf points et ils auraient été presque assurés de gagner la partie. C'est un manque d'opportunisme qui a fait mal.
J'ai trouvé les Alouettes assez ordinaires sur les couvertures de bottés d'envoi. Au début du match, les Bombers ont d'ailleurs réalisé un retour de 51 verges.
On voit que les Alouettes veulent donner toutes les chances à Larry Taylor sur les retours de botté. À deux occasions à la suite de bottés de précision, on a décidé de recevoir des bottés plutôt que de reprendre le ballon à la ligne de 35. On essaie de relancer Taylor après un début de saison laborieux. On sent qu'il progresse avec une moyenne de 7,2 verges par retour de dégagement, ce qui est nettement mieux que les 3,1 verges depuis le début de la saison. Pour les bottés d'envoi, sa moyenne a été de 22,8 verges vendredi comparativement à 10,5 lors des deux premiers matchs. On voit que les choses s'améliorent tranquillement, mais moi j'en veux plus de Taylor et de ceux qui bloquent devant lui. Ce n'est pas encore convaincant.
*Propos recueillis par Robert Latendresse