Il faut être honnête, les Alouettes n’ont pas signé leur plus belle victoire contre Ottawa vendredi. Mais même s’il ne s’agissait pas d’une grosse performance de leur part et que l’équipe ne doit pas être très heureuse de sa prestation, ils ont réussi à se sauver avec les deux points et c’est ce qui compte. Dans une saison de football de 18 matchs, ça en prend des matchs comme ça. Ils ont trouvé une façon de gagner et ça a passé par la défensive. Elle a tout fait sur le terrain, elle a même marqué en attaque. En fait, le seul touché de l’équipe est venu de la défensive.

Il n’y a jamais de victoire laide, car l’important c’est de mettre les deux points en banque. Et après avoir obtenu deux gains d’affilée, les Moineaux vont maintenant profiter d’une semaine de congé. Ils vont ensuite revenir en action face à la Saskatchewan qui a de la difficulté à la position de quart-arrière avec la blessure à Darian Durant, puis il va rester quatre matchs à disputer contre des équipes de l’Est. Malgré un début de saison incroyablement difficile, les Alouettes sont dans la course au premier rang dans l’Est et c’est eux qui ont leur destinée entre leurs mains. S’ils prennent soin des derniers matchs, dont des matchs clés contre des équipes de leur association comme Toronto et Hamilton, ils ont encore des chances de finir premiers. Malgré tous les pépins de début de campagne, ils ont le contrôle de leur saison. Ils vont récupérer de l’énergie pendant la pause et guérir les bobos qui les affligent comme toutes les équipes à ce temps-ci de l’année. Affronter les Roughriders sans leur quart-arrière partant, c’est une belle chance, comme lorsqu’ils ont affronté Calgary sans Bo Levi Mitchell. Il y a un chemin qui se dessine pour eux, et tant mieux s’ils peuvent en profiter.

Henry Burris est projeté au sol par Bear WoodsChangement de philosophie

Pour revenir au match en tant que tel, il faut avant tout souligner la performance de l’unité défensive. C’est intéressant de voir à quel point elle a changé sa philosophie. On semble avoir retrouvé une philosophie « plier, sans casser » ("bend but don’t break"). Avant, les Alouettes effectuaient beaucoup de blitz, de blitz en surnombre, de pression, et dans ce cas-là, on concède souvent de gros jeux et des touchés rapides. Je me demande si on a eu une discussion à l’interne à ce sujet, mais si c’est le cas, on a peut-être fait le constat que l’attaque des Alouettes ne fonctionne pas assez bien pour répliquer rapidement si jamais l’adversaire les pince dans une mauvaise situation en raison de leur agressivité et marque des touchés rapides. On s’est donc plutôt dit qu’on va jouer du football solide, qu’on va plier mais qu’on ne va pas casser. C’est exactement ce qu’on a vu samedi. Comme on n’a pas l’attaque pour faire du football de rattrapage, vaut mieux jouer de façon plus sécuritaire. Ils ont quand même donné 325 verges d’attaque et la défensive a été sur le terrain pendant 33 minutes, ce qui veut dire qu’Ottawa a eu plus souvent le ballon, mais les Alouettes n’ont accordé aucune passe explosive. La plus longue passe a été de 22 verges seulement et les joueurs ont accordé une seule course de plus de 20 verges, soit une de Jonathan Williams (23) pour le touché. Cependant, on ne peut pas dire que le problème était le schéma défensif, il y a simplement eu plusieurs plaqués ratés. Williams n’aurait jamais dû se rendre à la ligne des buts.

On voit même un changement de structure, un fait très intéressant à constater. Avant on voyait plus de front 40 avec de la pression en surnombre, mais depuis quelques semaines, on constate surtout un front 30 avec trois joueurs de la ligne défensive et deux secondeurs (Bear Woods et Gabriel Knapton) à l’intérieur, donc on monte cinq joueurs dans le front défensif. À l’extérieur, on retrouve Winston Venable et Chip Cox, et ce qui est intéressant avec ce duo, c’est qu’il est tellement rapide. Ils sont capables de commencer les jeux à l’extérieur de la boîte défensive en vue de contrer le jeu de passe et s’ils constatent qu'une course se dessine, ils se réajustent rapidement pour apporter leur aide lorsque nécessaire. À cinq joueurs dans le front défensif, on court le risque d'être vulnérable contre le jeu au sol, mais vendredi ce fut une domination totale de la défensive. Elle a dominé le jeu à l’attaque du Rouge et Noir physiquement. Ce fut une guerre de tranchées et c’est là que le match s’est joué, la preuve étant les nombreuses situations de courts gains freinées par Als. On avait de la difficulté à aller chercher 1 ou 2 verges du côté des Redblacks, ils se faisaient toujours arrêter. D’ailleurs, voici quelques éléments pour mieux illustrer la théorie du « plier sans casser ». Pendant le match, Ottawa a obtenu 12 jeux à l’intérieur de la ligne de 20 des Als et ils ont été blanchis. Sur une séquence au premier quart, ils en ont eu 10 et ils n’ont pas marqué un seul point. Au deuxième, ils en ont eu un mais ils ont échappé le ballon et il a été récupéré par Aaron Lavarias qui l'a refilé à Chip Cox pour le touché sur une passe latérale. Bref, après les deux interceptions de Jonathan Crompton, ils n’ont pas marqué un seul point et c'est la clé. Malgré un changement de possession soudain, la défensive a tenu le fort et n’a pas été déstabilisée. Au contraire, c’est elle qui a inscrit le touché. Après la deuxième interception de Crompton, ils ont forcé l’échappé d’Henry Burris et ont marqué le touché. C’est assez spectaculaire comme performance, surtout sur la séquence de 10 jeux en début de rencontre.

Knapton est un joueur hybride comme ailier défensif et secondeur intérieur, mais l'équipe peut aussi compter sur tout un trio. Cox, Venable et Woods étaient partout sur le terrain vendredi. Ensemble ils ont cumulé 24 plaqués et 2 sacs du quart en plus d’avoir forcé un échappé. Ils étaient le fun à voir évoluer. Plus précisément dans le cas de Woods, on commence à comprendre pourquoi on l’a gardé si longtemps dans l’entourage de l’équipe. Ça fait longtemps qu’il est là, mais il était malheureusement toujours blessé. On se demandait même pourquoi il était encore là parce qu’il n’avait rien prouvé. On comprend toutefois mieux cette décision aujourd'hui quand on le regarde jouer. Il est venu stabiliser deux positions dans le front défensif puisqu’en s’imposant comme secondeur intérieur, ça a permis à Lavarius de retourner au poste d’ailier défensif où il est beaucoup plus à l’aise.

Une attaque décevante

Comme je l’ai dit un peu plus tôt, ce n’était certes pas un match parfait quand on gagne par un pointage de 15-7. L’attaque n’a même pas inscrit de touché et Crompton a été décevant. Depuis le match contre Edmonton, on dirait qu’il veut trop bien faire et qu’il ne réagit pas. Il y a quelque chose de différent, à tout le moins dans son jeu de passe. Il aurait aussi dû être intercepté sur sa toute première séquence mais il a joué de chance. Jovon Johnson avait le ballon dans les mains et il aurait dû être retourné pour le touché, mais il l’a perdu. Sur la deuxième séquence de la recrue des Als, il s’est bel et bien fait intercepter cette fois, et sur la troisième, même résultat. Dans ce dernier cas, il avait décidé avant même la remise du ballon ce qu'il allait faire et il a mal caché ses intentions en fixant son receveur et en ne changeant pas sa décision, donc Ottawa n’a eu qu’à le suivre des yeux pour décoder son plan et en profiter. Aussi il a complété moins de 50 % de ses passes et n’a pas lancé de passe de touché. Sa performance m’a laissé un peu perplexe. 

Jonathan CromptonLa seule bonne nouvelle, c’est que S.J. Green s’est réveillé en étant la principale cible de Crompton  avec ses 8 attrapés et 132 verges. Je suis content de l’avoir vu connaître un bon match, se démarquer et attraper des ballons, mais j’ai aussi mieux aimé son attitude. On sent beaucoup de frustration de son côté depuis le début l’année, possiblement parce qu’il a perdu son bon ami Jamel Richardson et qu’il a n’a pas touché beaucoup de ballons. Ça faisait quelques matchs qu’il prenait de mauvaises pénalités et que je le sentais frustré, fâché et même amer. Mais vendredi, on n’a rien vu de ça. Il a fait son travail et son langage corporel était bon. J’espère que c’est le S.J. Green qu’on va voir jusqu’à la fin de la saison. C’est de ce S.J. Green-là qu’on a besoin, il doit être le leader du groupe de receveurs et il l’a bien fait dans la capitale nationale.

Pour terminer avec l’attaque, je m’explique encore mal les statistiques relevant 29 passes et seulement 18 courses dans un match serré à bas pointage où on n'a pas besoin de forcer le jeu et où le quart a lancé deux interceptions (dont une troisième évitée de peu) dans les trois premières séquences. Je comprends que la course était un plus difficile à gérer au début, mais Brandon Whitaker avait seulement cinq courses en première demie. Pourquoi? L’indiscipline est un autre problème : 14 pénalités pour 139 verges, ça ne passerait pas contre un gros club ou un club de vétérans.

Je m’explique aussi mal l’utilisation d’un temps d’arrêt à la fin de la première demie. Il restait quelques secondes et on n’avait pas besoin de faire de longue remise alors que le spécialiste des longues remises Martin Bédard est blessé et que Jerod Zaleski le remplace. On n’avait même pas besoin de faire une remise à Sean Whyte. On aurait simplement pu demander à l’attaque de demeurer sur le terrain, puis demander au quart de prendre une remise directe et de lancer le ballon dans les gradins. Il aurait même pu courir quelques secondes avant de se projeter au sol. Que serait-il arrivé s’il y avait eu une mauvaise remise au substitut et qu’on avait cafouillé? En plus on a gaspillé un temps d’arrêt alors que cette saison, on a le droit de récupérer en deuxième demie un temps d’arrêt non utilisé en première. Dans un match chaudement disputé, ç’aurait pu être très important en fin de rencontre.

Bref, les joueurs ont fait des erreurs en attaques tout comme les entraîneurs, mais la défensive a fait honneur aux Alouettes. Quant à James Rodgers, je commence à l’aimer de plus en plus au niveau des retours. Il a offert deux des plus belles courses du match. La performance des Montréalais n'a pas été clean à plusieurs niveaux, mais l’important, c’est de s’être sauvé d’Ottawa avec deux points.

*Propos recueillis par Audrey Roy