Kevin Glenn a été échangé aux Blue Bombers de Winnipeg et la situation a pris une étrange tangente depuis.

J’ai discuté de cette transaction avec mes collègues Matthieu Proulx, Bruno Heppell et David Arsenault. Quand on a vu la transaction passer, on a aussi aperçu le nom de Drew Willy (qui a plutôt été échangé aux Argonauts de Toronto) et on a bien cru un instant que les Alouettes avaient fait son acquisition, pour nous rendre compte que les Alouettes avaient finalement échangé Glenn pour un choix de quatrième ronde… Cela a eu l’effet d’un pétard mouillé.

Kevin Glenn : Quelles conclusions doit-on tirer?

Je sais que Glenn n’était pas un favori chez les amateurs, je ne suis pas un grand admirateur non plus. On s’entend tous pour dire que c’est un gars qui peut vous rendre de fiers services, mais qui n’est pas un joueur de premier plan. À la blague, je le surnomme souvent « l’agent double » parce qu’il est capable de faire gagner son équipe, mais aussi l’adversaire avec une mauvaise passe. Malgré tout ça, même si je sais que ce n’est pas Joe Montana, je pense que c’était encore la meilleure option pour l’organisation. C’est ce que je trouve un peu frustrant dans la transaction. Personnellement, ce n’est pas Rakeem Cato qui aurait dû jouer contre Vancouver, c’est Glenn.

Peut-être que Jim Popp s’est dit qu’il allait sauver de l’argent sur le plafond salarial en l’échangeant, et que tant qu’à voir Glenn provoquer six interceptions à ses deux derniers matchs, aussi bien donner la chance à un jeune. Je comprends cet argument, visiblement il pensait au futur, mais c’est une décision clairement prise par un directeur général, et non un entraîneur. Le DG veut évaluer l’avenir, évaluer les jeunes, gérer son plafond salarial… Aller chercher un choix de 4e ronde contre un joueur qui deviendra joueur autonome et qui ne reviendrait sûrement pas à la fin de l’année, c’est compréhensible, mais je ne crois pas que les entraîneurs sont heureux de cette décision, parce qu’ils veulent gagner maintenant, ils veulent gagner vendredi soir. Ils doivent se dire que c’est le bordel total. Comme en dépit de cela on n’est qu’à deux victoires de l’équipe en première place, le Rouge et Noir d'Ottawa, ça donne le sentiment qu’on abandonne. C’est un drôle de message, c’est dangereux.

En plus, Glenn est un vétéran, il peut aider Cato sur les lignes de côté ou dans les salles de réunion, et c’est un gars qu’on peut aller voir pour tester des idées. Qu’arrive-t-il si Cato se blesse? Je m’excuse, mais Vernon Adams n’est pas prêt. Quant à Jonathan Crompton, je pensais qu’on avait tourné la page dans son cas. C’est une drôle de décision. Je trouve que même si Glenn n’est pas le plus populaire et qu'il a parfois des crampes au cerveau, c’était encore le gars qui donnait les meilleures chances de gagner aux Als.

Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’on doit respecter le choix des Moineaux, on va voir où ça va mener l’équipe. On leur souhaite du positif. Il reste sept rencontres à disputer, ce ne sera pas facile avec deux matchs contre les Ticats, deux contre les Stampeders, un voyage en Saskatchewan et un autre match contre Toronto notamment.

C’est comme si on revenait encore à la case départ, ce qui est redondant depuis la retraite d’Anthony Calvillo. Les Argos ont été en mesure de mettre la main sur Willy, eux. Je comprends toutefois qu’il est difficile de savoir si les Alouettes ont tenté leur chance dans ce dossier, si Willy ne voulait pas venir. Le succès des Als a pourtant déjà été d’aller chercher des joueurs en difficulté dans d’autres marchés et de les faire fonctionner ici. Calvillo est le meilleur exemple, en provenance de Hamilton. Willy n’allait pas bien à Winnipeg, on aurait pu aller le chercher. C’est un gars qui a de l’expérience et qui est encore jeune. C’est frustrant parce que je vois les autres équipes développer leurs jeunes quarts. À Montréal, soit on ne les dirige pas bien, soit on ne les évalue pas bien. C’est probablement un mélange des deux. Prenons le cas de Dan LeFevour, qu’on a laissé partir durant la saison morte : il a abouti à Toronto et il a gagné le match contre les Tiger-Cats hier. Mitchell Gale joue également bien en Saskatchewan.

Au tour de la défense de flancher

Revenons sur le match de vendredi à Vancouver, que Montréal a perdu 38-27. Si je vous avais dit que les Alouettes seraient victime d’aucun revirement, qu’ils allaient écoper seulement trois pénalités pour 16 verges, qu’ils allaient marquer leur premier touché défensif de l’année, qu’ils allaient avoir du succès sur du jeu au sol en premier essai à l’attaque, je pense que bien des gens auraient imaginé que les Alouettes avaient gagné, mais malheureusement non. Pour la deuxième fois de l’année en 11 matchs, les Alouettes n’ont pas été victime d’un revirement. La dernière fois que c’était arrivé, c’était le 29 juillet contre la Saskatchewan, quand ils avaient triomphé facilement 41-3.

Il ne faut pas chercher de midi à 14 h, c’est la défense – celle sur laquelle on pouvait toujours compter, qui faisait toujours le travail, qui maintenait toujours l’équipe dans le match dans les trois premiers quarts – qui a flanché. Il faut croire qu’elle était due pour un mauvais match. Ça n’a pas été la cause de la défaite, mais quand tu fais un changement de quart-arrière au profit d’un gars comme Cato, tu ne peux pas demander à ce dernier de gagner le match à lui seul. Ce ne serait pas juste. On ne lui demandait pas de tout faire seul ou de remporter le match à lui seul, juste de ne pas le perdre. On peut lui donner du crédit pour ça, il n’a pas été victime de revirement. C’était la première mission. Quand tu t’en remets à un jeune quart, l’attaque doit te donner une chance, tes unités spéciales et ta défense doivent être solides. Il faut que les deux autres facettes du jeu viennent appuyer le travail du quart, malheureusement ça n’a pas été le cas.

Cato a protégé le ballon, il a réussi de belles passes (j’avoue qu’il a en a réalisé deux dans les doubles couvertures qui auraient techniquement pu être interceptées, mais ça ne l’a pas été, donc tant mieux pour lui et les Alouettes). On a vu qu’il avait du doigté : il a complété une bonne passe sur un tracé au coin à Duron Carter et une bonne passe en tracé au poteau à B.J. Cunningham. On voit qu’il a quand même du talent de passeur, mais c’est sûr qu’il a encore beaucoup de choses à apprendre. Des fois, on voit que c’est plus long de faire la lecture vers la progression, qu’il garde le ballon un peu trop longtemps et qu’il laisse la pression venir sur lui. D’autres fois, c’est le contraire, car on dirait qu’il ne fait pas confiance au système et il décide de déguerpir. C’est comme de la pâte qu’il faut modeler, il faut l’entraîner et lui donner de l’expérience.

En bout de ligne, ce que je retiens, c’est qu’on a eu beau changer de quart-arrière, l’attaque a juste marqué un touché. Des 27 points, il y en a 20 provenant de l’attaque, et ce, avec un seul touché. Ce n’est pas suffisant. C’est sûr que si la défense n’avait pas été si mauvaise… Ça me fait mal au cœur de dire ça, parce que s’il y a une unité sur laquelle on a toujours pu compter, c’est bien la défense, mais il faut bien admettre qu'elle s’est fait traverser vendredi. Les joueurs se sont fait battre physiquement et stratégiquement. Tout ce que les Lions faisaient, ça fonctionnait.

Le jeu au sol fonctionnait un peu, mais la défense a laissé la Colombie-Britannique marquer beaucoup de points et il a fallu abandonner cet aspect. Il y a des choses qui fonctionnaient mais qu’on a dû laisser tomber, et comme la défense a accordé beaucoup de points, c’était rendu du football de rattrapage. On ne pouvait plus faire tout ce qu’on voulait. Ça fait mal de concéder 585 verges d’attaque pour 252 de gains au sol défensivement, c’est ce que je retiens le plus. Dix verges par course, ça n’a pas de bon sens. C’est ce qu’on appelle une volée au football. On a vu beaucoup de problèmes fondamentaux à ce niveau : on a raté des plaqués, on a pris de mauvais angles de poursuite, on n’a pas continué la course pour que le porteur de ballon bondisse à l’extérieur des lignes, on n’a pas été capable d’encaisser les blocs, de se débarrasser des blocs... C’est quelque chose qu’on doit exécuter même chez les pee-wees. En plus, la ligne à l’attaque des Lions a fait tout un boulot.

Bref, la défense a plié et a fini par casser. Ça faisait plusieurs matchs où on accordait beaucoup de verges, mais pas beaucoup de points. Là, on a cassé. Cette philosophie est dangereuse, parce que même si on n’accorde pas beaucoup de points, tu laisses l’adversaire gruger des verges et donc ça veut dire qu’il a le ballon et qu’il risque de gagner la bataille de la possession. Pendant ce temps, l’attaque reste sur le banc. Tu es par ailleurs relégué profondément dans ton territoire et ça n’aide pas à avoir un bon positionnement. Durant la partie, avec un deuxième essai et 20, les Lions ont converti avec une petite passe d’une seule verge qui s’est transformée en course de plus de 19 verges. Plus tard, sur un deuxième et 15, un joueur effectuant un tracé en croisé de 3-4 verges a réussi à tourner le coin et à gagner les 15 verges. C’est du jamais vu.

Ce que je n’ai surtout pas aimé, c’est qu’on est tout de même demeuré avec le même front défensif. C’est sûr que la nouvelle structure 3-4 du système des Alouettes avait bien fonctionné depuis plusieurs matchs, mais là, de la façon que les Lions jouaient, il fallait s’ajuster parce qu’on n’arrêtait rien. Fait marquant, c’est que quand les Lions ont repris le ballon et qu’il restait 3 min 40 à faire au match, tout le monde dans le stade et à la maison savait qu’on devait s’attendre à du jeu au sol. Résultat : ils ont réussi 11 courses d’affilée et les Alouettes n’ont jamais été capable de les arrêter. C’était une domination complète. Dans cette situation évidente de jeu au sol, on a conservé un système 3-4, avec un petit front défensif. Oui ils ont plus de rapidité dans ce modèle-là, mais ils sont moins robustes, moins gros et moins physiques. Ils se sont donc fait brasser par la grosse ligne à l’attaque des Lions.

Certains observateurs pourraient arguer qu’avec le même personnel, on peut faire une structure 4-3. C’est en partie vrai. Là où je ne suis pas d’accord, c’est que quand on regarde cette structure 4-3, ça veut dire que Kyries Hebert devient un ailier défensif alors qu’il n’est pas très grand ni très gros, que John Bowman devient un plaqueur alors qu’il n’est pas habitué de jouer à cette position et qu’il n’est également pas assez gros pour assumer cette tâche, puis il y a Alan-Michael Cash et Gabriel Knapton. Ce n’est pas une vraie ligne défensive, elle est toute petite. Le seul gars qui est suffisamment bon pour arrêter le jeu au sol, c’est Cash. Je trouve dommage qu’on ait laissé les gars se laisser piler dessus de la sorte sans s’ajuster. Tu ne peux pas aller à la chasse à l’éléphant avec un tire-pois. Il n’y a rien de plus démoralisant ou de pire pour casser l’esprit de corps d’une unité défensive. C’est une méchante leçon d’humilité.

En même temps, je me dis que c’est un groupe avec beaucoup de fierté, j’ai donc de la misère à croire qu’ils ne vont pas rebondir vendredi à Hamilton. Je suis confiant qu’ils n’abandonneront pas.