Nous avons tous hâte de voir le premier match des Alouettes de Montréal étant donné les résultats de la saison dernière. L’attente tire à sa fin alors que la troupe de Jim Popp amorce son calendrier ce soir en rendant visite aux Blue Bombers de Winnipeg.

Je pense que ce sera une année intéressante dans la Ligue canadienne de football. De mémoire, sur papier du moins, j’ai rarement vu autant de parité dans la LCF. Bien malin celui qui peut prédire le classement final avant le début de la campagne. Toutes les équipes ont de bons éléments. Évidemment, chacune d’entre elle a aussi des faiblesses et a perdu de gros morceaux. Mais, tout le monde peut gagner face aux huit autres formations.

Je ne pense pas que nous allons voir des équipes avec une fiche de 14 victoires et 4 défaites. Je m’attends plutôt à plusieurs formations avec des dossiers de 11-7, 10-8, 9-9 et 8-10. Sincèrement, entre la première et la dernière position, tant dans l’Est que dans l’Ouest, il n’y aura probablement pas un grand écart.

Je m’attends à ce que ce soit très chaudement disputé dans la division Est. Entre le premier et le quatrième rang, j’anticipe une différence de deux victoires. Je vois néanmoins les Alouettes participer aux éliminatoires après une absence d’un an.

Quand on regarde dans l’Est, les Tiger-Cats demeurent un excellent club qui est très bien dirigé par Kent Austin et son groupe d’entraîneurs. Il y a quelques points d’interrogation qui entourent l’équipe, dont l’état de santé du quart-arrière Zach Collaros. Ce dernier se remet d’une blessure au genou droit et son nom vient d’être placé sur la liste des blessés pour six matchs. On parle donc encore d’une absence d’un mois.

Jeremiah Masoli se voit donc confier les responsabilités de quart partant. Il n’a pas mal fait l’an dernier lors des éliminatoires. Il peut faire le travail en attendant le retour de Collaros. Par contre, les Ticats ont perdu énormément de joueurs du côté défensif. Trois joueurs de ligne défensive et deux secondeurs partants ne sont plus avec l’équipe. Le maraudeur Craig Butler, le leader de la tertiaire, s’est blessé durant l’entre-saison et ratera tout le calendrier.

Une autre perte qui est non négligeable, c’est celle du botteur Justin Medlock qui était le meilleur à sa position l’an dernier. Brett Maher, qui a commencé sa carrière dans la LCF avec le Rouge et Noir, est présentement le botteur partant.

Hamilton sera compétitif, mais en début de saison, ce ne sera peut-être pas la grosse machine que nous avons vue l’an dernier.

Du côté de Toronto, la bonne nouvelle est le retour en grande forme de Ricky Ray. C’est un des meilleurs quarts-arrières de la LCF lorsqu’il est en santé. C’est un joueur qui a une précision et un doigté exceptionnel. En plus, Ray compte sur un groupe de receveurs spectaculaires qui sont tous de grandes cibles. Les Argos ont une bonne ligne à l’attaque, surtout avec l’addition de Josh Bourke qui vient solidifier le poste de bloqueur à gauche.

Défensivement, ce qui était leur faiblesse l’an passé, les Argonauts sont allés chercher Rich Stubler pour prendre les rênes de l’unité défensive. Partout où il est passé, ses défensives ont toujours été dans le top-3 du circuit. L’an dernier, les Argos étaient au 8e rang par la passe et au 7e pour les points accordés. Malgré tout ça, ils ont terminé la saison avec une fiche de 10-8.

Il faut aussi prendre en compte que les Argos étaient une équipe nomade en 2015. Ils avaient disputé leur match d’ouverture locale à Fort McMurray. Au final, Toronto a joué quatre matchs locaux ailleurs qu’au Rogers Centre.

Les Argos avaient toutes les raisons possibles pour baisser les bras, mais ils n’ont jamais cédé. C’est pour cette raison que je crois qu’ils peuvent être une équipe dangereuse en 2016 avec l’ajout de Stubler et leur nouveau domicile, le BMO Field.

Le Rouge et Noir a surpris tout le monde lors de la dernière saison. Souvenez-vous qu’il y a deux ans, Ottawa avait terminé sa première campagne dans la LCF avec une fiche de 2-16. Mais le Rouge et Noir avait énormément de matchs qui avaient été chaudement disputés. L’équipe était très compétitive et leur dossier ne leur avait pas rendu justice.

L’an dernier, ils ont appris à gagner les rencontres qu’ils perdaient au quatrième quart en 2014. Ils ont terminé avec un dossier de 12-6 et ont atteint la Coupe Grey. Ce sera encore une formation très compétitive en 2016.

Ce qui est dommage pour eux, c’est qu’ils ont perdu leur coordonnateur offensif, Jason Maas, qui est devenu l’entraîneur-chef des Eskimos d’Edmonton. C’est un homme qui avait de toute évidence connecté avec Henry Burris. Ce dernier a connu une excellente saison étant sacré joueur par excellence.

Le Rouge et Noir a également perdu beaucoup de partants en défense, dont des Canadiens. Ce sera à suivre.

Remaniement d’entraîneurs dans l’Ouest

Dans la division Ouest, à tout seigneur tout honneur. Les Eskimos d’Edmonton, champions de la Coupe Grey en novembre dernier, ont perdu tous leurs entraîneurs. Chris Jones et tous ses adjoints sont partis en Saskatchewan.

Ils sont allés chercher Jason Maas qui est selon moi un entraîneur-chef prometteur. Il a beaucoup d’attitude et c’est un fier compétiteur. Son système offensif a fait ses preuves à Ottawa et il aura la chance de travailler avec Mike Reilly, qui est tout un quart-arrière. Je ne suis pas inquiet pour l’attaque des Eskimos qui compte sur une grosse ligne offensive et de bons receveurs.

Défensivement, Edmonton a perdu quelques gros morceaux qui ont aussi pris le chemin des Roughriders. La bonne nouvelle, c’est que les Eskimos sont allés chercher un vétéran coordonnateur défensif en Mike Benevides. Ça fait longtemps qu’il roule sa bosse dans la LCF et a aussi été entraîneur-chef des Lions. Il va pouvoir apporter de l’expérience à Jason Maas.

Je m’attends donc à ce que les Eskimos bataillent encore pour le premier rang dans la division Ouest.

À Calgary, on compte sur un bon quart également en Bo Levi Mitchell. Par contre, les Stampeders ont encore des ennuis sur la ligne à l’attaque. Quelques joueurs sont blessés et ils ont perdu de bons receveurs. Jon Cornish ne sera plus dans le champ arrière.

Bo Levi MitchellDave Dickenson devient l’entraîneur-chef après avoir été coordonnateur offensif. Ils ont perdu de l’expérience sur les lignes de côté puisque John Hufnagel a pris sa retraite comme entraîneur, mais aussi du talent en attaque.

Il y a également une grosse perte en défense avec le départ de Rich Stubler vers Toronto. Il a fait un travail colossal avec la défensive des Stamps. DeVone Claybrooks en sera à sa première année comme coordonnateur défensif. Les partisans des Alouettes se souviendront de lui qui a été joueur de ligne défensive avec Montréal.

C‘est un homme qui pourra faire un bon travail, mais il n’a pas encore l’expérience de Stubler. Le groupe de secondeurs a également été rajeuni alors il y a un petit vent de jeunesse dans la défense de Calgary. J’ai hâte de voir comment ils vont se débrouiller.

Chez les Lions, ce sera le retour de Wally Buono sur les lignes de côté. On voulait mettre de l’ordre dans la baraque et Buono est un gagnant. C’est l’entraîneur qui compte le plus de victoires dans l’histoire de la LCF. Il sera très respecté.

C’est une équipe qui pourrait surprendre parce qu’il y a beaucoup de talent au sein de cette formation.

En Saskatchewan, on repart à zéro. Ce n’est pas de la rénovation, c’est carrément une reconstruction. On a jeté la maison par terre et on a rebâti au complet avec l’arrivée de Chris Jones d’Edmonton.  Il n’y avait que 26 joueurs de l’édition 2015 qui ont reçu une invitation pour le camp d’entraînement.

Chris Jones, c’est un vainqueur. Il a occupé des postes d’entraîneur à Montréal, à Calgary, à Toronto et à Edmonton et il a gagné la coupe Grey partout. Certes comme coordonnateur défensif avec les trois premières équipes, mais il sait comment gagner.

Ça ressemble drôlement à ce que Don Matthews avait fait en 2002 lorsqu’il était arrivé aux commandes des Alouettes. Il avait fait le gros ménage, notamment en défensive.

Jones est allé chercher des joueurs qui allaient cadrer dans son système. Ce qui est important pour les Riders, c’est que Darian Durant demeure en santé. S’ils peuvent compter sur un quart vétéran, cela leur donnera une chance.

Cela nous emmène à Winnipeg. Les Blue Bombers, sur papier, sont probablement l’équipe la plus améliorée. Je vais leur souhaiter, et aussi à mon ami Mike O’Shea qui est l’entraîneur-chef, que cela débloque aussi sur le terrain.

C’est une équipe qui a été très agressive sur le marché des joueurs autonomes. Les Bombers ont réalisé un bon repêchage de joueurs canadiens. Il y a beaucoup plus de talent qu’il n’y en a jamais eu.

Winnipeg a également ajouté Paul LaPolice comme coordonnateur à l’attaque. C’est un homme qui a beaucoup d’expérience. Le quart Drew Willy est également de retour en santé.

Un gros morceau a été ajouté sur les unités spéciales avec l’embauche du botteur Justin Medlock. Les Bombers, comme les Alouettes, étaient souvent dans le coup l’an dernier, mais perdaient des matchs par trois ou quatre points. Leur botteur de précision, Lirim Hajrullahu, ratait toujours les bottés sous pression. Alors ils n’ont pas couru de risque en allant chercher le meilleur.

Il a la meilleure moyenne de l’histoire sur les placements en ce moment. Ils ont donc bouché des trous, mais la signature de joueurs autonomes n’est pas toujours garante de succès.

Bombers et Alouettes, situations comparables

Les Blue Bombers et les Alouettes s’affronteront donc ce soir pour lancer leur saison respective.

C’est drôle parce que les Bombers me font beaucoup penser aux Alouettes.  C’est une équipe, comme les Oiseaux, qui a perdu beaucoup de rencontres chaudement disputées en 2015. Ils n’ont pas accédé aux éliminatoires. Leur quart-arrière no 1 s’est blessé. Il y a beaucoup de pression parce qu’ils doivent faire les éliminatoires.

Winnipeg présente quelques points d’interrogation sur la ligne à l’attaque et dans la tertiaire, comme les Alouettes.

Pour les deux équipes, il s’agit d’une partie extrêmement importante. Je ne veux pas partir en peur et je sais que la coupe Grey ne se gagne pas le 24 juin, mais on sent que ce soir, ce sera une bataille entre deux équipes dont il est important de commencer la saison du bon pied. Et surtout, de rassurer tout le monde dans leur organisation respective, mais aussi les partisans.

Si on se tourne du côté des forces en présence, les Bombers ont été avantagés par le calendrier préparatoire.  Étant donné que les Alouettes ont joué leur dernier match présaison vendredi dernier, Winnipeg a eu quatre jours supplémentaires de préparation.

Pendant que les Alouettes étaient encore en mode évaluation et qu’ils préparaient leur deuxième match préparatoire, les Bombers se préparaient déjà pour affronter les Montréalais. En plus, ils accueilleront la rencontre. Non seulement les Alouettes ont eu moins de temps pour se préparer, mais ils doivent voyager. C’est non négligeable.

Ce qui est intéressant de la première semaine, non seulement on doit avoir une bonne préparation, mais la bataille des ajustements est primordiale. Ce sera une vraie boîte à surprise sur le terrain. Aucune des deux équipes n’a montré ses vraies couleurs en match préparatoire.

Dès les premiers instants du match, les ajustements commenceront du côté des coordonnateurs et entraîneurs puisqu’ils verront plusieurs choses qu’ils n’ont pas aperçues sur les bandes vidéo.

Autre point à surveiller pour ce match d’ouverture : la température. On annonce une chaude journée à Winnipeg. J’espère que les joueurs ont fait du cardio supplémentaire. En match préparatoire, tu joues généralement un quart ou tout au plus une demie. Ce soir, ce sera une rencontre  de quatre quarts au complet. En plus de jouer quatre quarts, ce sera contre les meilleurs joueurs adverses contrairement au calendrier présaison. Ce n’est pas rare dans les premières semaines que certains athlètes souffrent de crampes ou sont mal hydratés.

Jacob Ruby, Philippe Gagnon et Philip BlakeC’est mon défaut professionnel, mais je ne surprendrai personne en disant que j’ai hâte de voir la performance des deux lignes à l’attaque.

Les matchs se jouent souvent dans les tranchées, mais particulièrement ce match puisque les deux équipes présenteront de nouvelles lignes offensives avec des joueurs qui évoluent à de nouvelles positions. Les deux feront face à d’excellentes lignes défensives.

Nous n’avons pas besoin de chercher bien loin pour trouver les unités qui pourraient faire la différence dans cette rencontre.

La ligne offensive des Alouettes va travailler dans un environnement hostile et bruyant. Ils devront utiliser la cadence silencieuse. Le nouveau centre, Kristian Matte, a un défi de plus pour communiquer et remettre le ballon en jeu. C’est un stress de plus pour les bloqueurs au coin de la ligne puisqu’ils n’entendent pas les commandes verbales.

Ce sera intéressant de voir comment les Bombers attaqueront la ligne offensive des Alouettes. Est-ce qu’on va présenter beaucoup de mouvements et des fronts différents? Est-ce qu’on va bouger jusqu’à la dernière seconde? Va-t-on utiliser des jeux en croisés? Je pense que ce serait de bonne guerre. Idem pour la ligne défensive des Alouettes pour tester la ligne à l’attaque de Winnipeg.

Quand tu bouges beaucoup avant la remise du ballon, tu veux semer de la confusion et tu veux tester le niveau de communication des lignes à l’attaque. Je ne serais pas surpris de voir les deux lignes défensives essayer le plus possible d’utiliser ce type de stratégie.

Lors de la visite des Alouettes dans le match préparatoire, les Bombers ont mis beaucoup de pression sur les quarts. Un certain Jamaal Westerman avait donné du fil à retordre au jeune Jacob Ruby. C’est clair que dans le plan de match, il ne faut pas laisser Westerman prendre contrôle de la rencontre et de bousiller l’attaque.

Je m’attends qu’on ait un plan de match pour faire réfléchir Westerman.  Il y a toutes sortes d’outils qui peuvent être utilisées pour ralentir un ailier défensif : des passes voilées, des protections maximales, un coup d’épaule du porteur de ballon, un bloc de côté du demi-inséré, rouler la protection et le jeu au sol avec Tyrell Sutton.

Les Alouettes doivent donc faire en sorte que Westerman hésite et qu’il soit plus préoccupé par la direction d’où viennent les blocs plutôt que de partir vers le quart.

De l’autre côté, le front défensif des Alouettes doit lui aussi compliquer le travail de la ligne offensive des Bombers. Ces derniers avaient mis sous contrat le vétéran centre Jeff Keeping, mais il s’est blessé face aux Oiseaux en match préparatoire. Ce sera donc un jeune centre qui aura le même défi que Matte.

Au cours des deux dernières années, les Bombers ont eu beaucoup d’ennuis pour protéger leurs quarts. En 2014, ils ont accordé 71 sacs et l’an dernier 59. Drew Willy s’était blessé en milieu de saison. Il est la clé de leur attaque.

Quand il a terminé les matchs en 2015, les Bombers montraient une fiche de 3-1. Quand il ne le terminait pas ou qu’il ne jouait pas, c’était 2-12. Willy doit rester en santé. Il s’était fracturé une jambe en plus de subir une déchirure ligamentaire au genou l’an dernier.

J’ai hâte de voir le travail des Alouettes qui sont équipés pour mettre de la pression du centre de la pochette. Avec le gros Vaughn Martin et Alan-Michael Cash, ils peuvent faire affaisser la pochette et mettre beaucoup de trafic dans les jambes de Willy. Il n’y a pas un quart qui aime avoir du trafic autour de ses chevilles et de ses pieds. Tu as toujours peur que quelqu’un te tombe sur un genou. Encore plus pour un quart qui revient d’une vilaine blessure à un genou… Bref, Willy pourrait être nerveux s’ils voient des gros bonshommes à répétition dans le champ arrière.

Je veux voir les Alouettes mieux protéger le ballon. Les joueurs en attaque n’ont pas disputé tous les matchs et tous les jeux durant le calendrier préparatoire. Ils ne se sont pas fait plaquer sévèrement. Mais, ce soir, ce sera de la vraie compétition.

Je sais que c’était seulement des matchs présaison et qu’il faut prendre cela avec un grain de sel, mais les Alouettes ont été victimes de sept revirements. Du côté des Bombers, ils en ont provoqué sept. Ils ont montré qu’ils étaient très opportunistes pour profiter des erreurs des autres équipes. Alors les Alouettes doivent faire attention à ce point, surtout lorsque tu joues sur la route. Ça donne tellement d’énergie à la foule.

Chose certaine, les Alouettes ont un meilleur système offensif avec Anthony Calvillo et Jacques Chapdelaine aux commandes. On a de meilleurs receveurs et un quart vétéran. Sur la ligne offensive, il y a beaucoup de talent, mais elle doit seulement continuer de progresser semaine après semaine.

Ce sera un système plus précis et détaillé ressemblant à celui de Marc Trestman plus qu’à celui de Turk Schonert. Je m’attends à une attaque qui marquera plus de points. Comme je disais plus tôt, les Alouettes ont perdu plusieurs matchs chaudement disputés. Un touché par-ci par-là va faire toute la différence.

Il ne leur reste qu’à exécuter. Bonne saison 2016 à tous!

*Propos recueillis par Christian L-Dufresne