Il est toujours délicat de tirer des conclusions en se basant sur des observations provenant d’un match préparatoire au football, encore plus lorsqu’il est disputé contre l’équipe B de son adversaire.

Néanmoins, plusieurs éléments intéressants ressortent de l’affrontement des Alouettes de vendredi, face aux Argonauts de Toronto. Certaines choses, à mon sens, ne mentent pas, et ce peu importe la qualité de l’opposition.

La performance étincelante de la défensive est l’un des constats les plus frappants. Rappelons qu’à Winnipeg lors du premier match pré-saison, le personnel d’entraîneurs avait choisi de laisser de côté neuf joueurs réguliers parmi ses 12 partants.

Je sais pertinemment que les Argos ne misaient pas non plus sur leur meilleur personnel au sein de la ligne offensive  – c’est d’ailleurs compréhensible et une sage décision puisqu’ils jouent leur match inaugural jeudi. Mais pour les Als, ce qui était primordial, c’était d’obtenir des répétitions en situation de match, où tout se déroule plus vite qu’à l’entraînement, et de retrouver un niveau de synchronisme satisfaisant, bien plus que d’évaluer ses capacités par rapport à la formation déployée par les Torontois.

Si la défense était la force de la troupe de Jim Popp la saison dernière, cela semble être tout aussi vrai en 2016. C’est tout de même spectaculaire que les Alouettes aient limité les Argos à des gains minimes de 150 verges, en plus de réaliser huit sacs du quart sur lesquels les visiteurs ont engrangé des pertes nettes de 50 verges.

Au total, 50 jeux offensifs ont été tentés par les Argos, pour des gains équivalents à trois verges par essai. Un calcul ludique permet de constater que même après trois jeux dans le football canadien, il aurait manqué une verge aux hommes de Scott Milanovich pour obtenir le premier essai! C’est rare qu’on observe des chiffres aussi dominants pour une unité défensive.

Oui, les Argos ont tout de même marqué 15 points, mais ne vous laissez pas berner par ce chiffre, car mis à part un long jeu aérien ayant mené aux trois premiers points, la défense a été très avare. Un touché a été marqué sur une mauvaise remise des Alouettes, et l’autre a été inscrit alors que les Argos bénéficiaient  d’un terrain court suivant une interception ramenée jusqu’à la ligne de 19 montréalaise.

Autrement dit, chapeau à la défense des Alouettes, qui tentera de reproduire cette prestation sans faille à Winnipeg vendredi dernier.

Cela me semble évident que l’accent est mis sur des tactiques permettant à la défense de provoquer le plus grand nombre de revirements possibles. Vrai qu’on en a causé qu’un seul vendredi, mais n’oublions pas que trois échappées ont été provoquées sans être recouvrées. Cela me dit qu’on attaque agressivement le porteur du ballon et que l’on ne ménage pas les efforts pour le lui faire perdre, en se servant d’une bonne technique et en distribuant des plaqués solides. Ce genre de statistique en dit long sur l’attitude d’une unité défensive. Maintenant, il faudra simplement être plus opportuniste.

Martin et Cash feront des ravages

Je l’ai déjà mentionné dans une récente chronique et je le répète : le duo composé de Vaughn Martin et d’Alan-Michael Cash fera des flammèches cette année. Ce sera l’un des bons tandems de la LCF à leur position, et il ne reste qu’à leur souhaite de demeurer en santé car ils donneront des maux de têtes aux lignes à l’attaque adverses au cours des prochains mois.

Cash est un joueur-estimé, en grande partie car la position à laquelle il évolue n’est pas la plus en vue. Dans les tranchées, il effectue un travail absolument spectaculaire.

Avec deux excellents plaqueurs à affronter, la protection en double devient délicate. Ce sera une surcharge très compliquée à gérer pour l’intérieur des lignes offensives, qui auront affaire à des joueurs explosifs, puissants et physiques, capables de générer assez de force pour créer de la pénétration dans le champ-arrière, recréant pour ainsi dire une deuxième ligne d’engagement. Et souvent, cela bousille le synchronisme de l’attaque adverse.

Martin et Cash sont aussi des athlètes capables d’affaisser la pochette sur les jeux de passes. Lorsqu’il sentira la pression arriver du centre (la pire qu’il puisse devoir affronter, car ça l’empêche de produire son geste de passe avec un transfert de poids complet), le quart adverse n’aura d’autre choix que de tenter sa chance du côté gauche ou droit. Et qui l’attendra à ce moment? Soit John Bowman ou Gabriel Knapton. Il en résultera des passes qui fréquemment manqueront de force ou de précision.

Ce qui est bien également avec la présence de ces deux « brutes », c’est qu’ils sont assez solides pour occuper des joueurs supplémentaires,  permettant une plus grande latitude quant au personnel déployé dans la boîte défensive.

Si on veut faire une comparaison avec un joueur vedette du football canadien, je souhaite aux Alouettes que Vaughn Martin devienne leur Ted Laurent, ce plaqueur dominant des Tiger-Cats de Hamilton. Les aptitudes et la polyvalence qu’il a démontrées jusqu’à présent indiquent que c’est une possibilité bien réelle…. Et qui dit polyvalence dit également une plus grande liberté  pour le coordonnateur défensif afin de « déguiser » des jeux. Voyant un joueur s’aligner à différentes positions, les membres d’une attaque peuvent montrer un doute, une hésitation, et de mauvaises décisions en découlent parfois.

Ce que procure aussi une ligne défensive dominante, c’est la flexibilité d’envoyer le blitz quand cela te plaît, sans être obligé de déployer cinq ou même six joueurs à la fois. Souvent, trois ou quatre joueurs suffiront à appliquer de la pression sur le quart, laissant ainsi huit ou neuf couvreurs pour le reste du terrain. C’est une nuance essentielle à mon avis car de cette façon, la porte est ouverte pour un bien plus grande diversité de stratégies élaborées par Thorpe, dont celle de doubler le receveur adverse le plus redoutable par exemple.

Un côté court complètement revampé!

Pour terminer sur la défensive, on savait qu’un nouveau demi défensif allait évoluer du côté court. On pensait que Dominique Ellis et Mitchell White allaient faire partie des plans, mais on a jugé que leurs performances laissaient à désirer durant le camp au point de les libérer au cours de la fin de semaine. C'est donc dire que le côté court au grand complet sera changé par rapport à la saison 2015!

Faisons confiance aux entraîneurs et à leur processus d'évaluation – après tout, ils doivent se donner la meilleure chance de remporter des matchs –, mais force est d'admettre que ce sont des décisions très audacieuses.

Il sera intéressant de surveiller quels joueurs recrues seront mandatés pour occuper ce rôle – l’un des plus difficiles à remplir dans le football canadien – pour débuter la campagne. Ethan Davis et Greg Henderson seront assurément parmi les candidats. Non seulement ces joueurs seront-ils affectés à la couverture du demi inséré, qui peut prendre son élan, mais c’est aussi le côté vers lequel le quart se tourne le plus souvent.

Ce sera un processus en constante évolution pour la tertiaire des Alouettes, chose qui est absolument normale, car c'est une unité qui mise énormément sur la communication et sur la cohésion afin de connaître du succès, un peu à la manière de la ligne offensive. Les jeunes joueurs devront inévitablement passer par une période d'ajustement. Le point positif pour la tertiaire, c'est que la ligne défensive terrorisante des Als pourra camoufler, dans une certaine mesure, les lacunes qui pourraient éventuellement transparaître.

Bref, peu importe l’identité des joueurs choisis comme partants, le coordonnateur offensif des Blue Bombers de Winnipeg Paul LaPolice prendra bonne note et ajustera le plan de match en conséquence. Soyez assurés que dans le caucus offensif des Bombers, on se battra pratiquement pour pouvoir obtenir des séquences du côté court!

Ceux qui verront leur nom être appelé après l’audition devront accueillir le défi à bras ouverts et comprendre que le receveur auquel ils seront opposés attrapera des ballons (et en attrapera sûrement plusieurs), mais qu’il ne doivent pas perdre leur confiance pour autant.

Pour ma part, j’ai toujours pensé que Dominique Ellis accomplissait de l’excellent boulot au sein des unités spéciales. Il s’est fait déjouer sur un long jeu de passe en début de rencontre contre les Argonauts, et c’est peut-être la goutte qui aura fait déborder le vase pour Popp et son personnel d’entraîneurs.

* Propos recueillis par RDS.ca