Dan Hawkins a suffisamment séduit Jim Popp et Bob Wetenhall pour être embauché, mais il a raté l’essentiel, se vendre auprès de ses joueurs.

Il en a payé de son poste. Le moment de ce congédiement peut sembler surprenant puisqu'Hawkins vient de remporter un match et montre une fiche de 2-3, la même que son prédécesseur Marc Trestman après cinq rencontres à ses débuts dans la LCF.

Il y avait toutefois quelque chose qui clochait avec Hawkins et Popp n’a pas tardé à mettre le doigt sur le bobo lors de son point presse. Le directeur général des Alouettes sentait en effet que son entraîneur perdait son vestiaire.

À cela, j’ajouterai qu’avant de perdre un vestiaire, il faut d’abord l’avoir gagné, ce qu’Hawkins n’est jamais parvenu à réussir. Ce dernier n’a pas été en mesure de connecter avec ses joueurs, ce qui a été son plus gros problème.

Ses troupiers n’ont jamais acheté ce qu’il vendait. Contrairement à Trestman, Hawkins n’a pas su convaincre ses joueurs que malgré les insuccès, l’équipe s’en allait dans la bonne direction.  En étant incapable de se rapprocher de ses joueurs afin de leur expliquer sa vision, Hawkins s’est peinturé dans le coin.

Et dire qu’il avait un vétéran de la trempe d’Anthony Calvillo à sa disposition pour l’aiguiller à ses premiers pas dans la LCF… Il n’avait qu’à se transformer en éponge et aspirer le savoir du sage des Alouettes.

Or, sans vouloir me porter à la défense d’Hawkins, il faut se rappeler qu’il avait des souliers de géant à chausser après le départ de Trestman pour la NFL et les Bears de Chicago. Hawkins devait en effet remplacer un gagnant apprécié, structuré et discipliné qui a soulevé la coupe Grey à deux reprises. Bref, tout ce qui manquait à Hawkins.

Tout ça pour dire qu’Hawkins n’aurait peut-être pas été le seul à se planter.

Présent au camp d’entraînement et lors de réunions, Popp a donc vu la situation évoluer. En discussion cette semaine, Popp et Wetenhall ont été assez lucides pour constater que l’équipe est passée à un jeu de s’incliner devant les Eskimos d’Edmonton la semaine dernière et ainsi encaisser un troisième revers en autant de matchs à domicile cette saison. Ils n’ont pas été aveuglés par la victoire et ont réalisé qu’il y avait un problème à régler.

Ce n’est certes pas une journée joyeuse pour Hawkins, les Alouettes et les partisans, mais ça fait partie de la business et en bout de ligne, l’entraîneur-chef n’a pas rempli son mandat. C’est pourquoi il a été congédié si rapidement.

Hawkins n’a pas amené de vision et de structure, en plus d’être désorganisé. Il n’a pas respecté les promesses. Lors de sa présentation aux médias, on affirmait qu’on lui avait donné pour mission d’utiliser le système offensif implanté par Trestman tout en y ajoutant quelques nouveaux concepts. Il a fait à sa tête.

Le chef d’orchestre des Alouettes n’a pas été professionnel. En tant qu’entraîneur-chef, il devait gérer deux choses principales, à commencer par les pratiques.

Désorganisées, ces séances d’entraînement manquaient d’entrain, de rythme et de tempo. Il n’avait que quatre heures et demie à sa disposition chaque jour avec ses joueurs et il ne les a pas utilisées au maximum en laissant place aux pertes de temps.

En changeant l’attaque, il a de plus exposé ses joueurs aux insuccès. Calvillo avait soudainement l’air d’un quart de 41 ans, Jamel Richardson ressemblait davantage à un gros receveur pas très rapide, alors que la ligne offensive ne semblait plus savoir comment bloquer. Que tout cela arrive simultanément, ce n’est pas normal. Ces gars n’ont quand même pas pris un coup de vieux tous en même temps.

Hawkins se devait par ailleurs d’entretenir des relations cordiales, ouvertes et participatives avec les membres des médias, ce qui n’a pas toujours été le cas. Pourtant, lors de son embauche, les Alouettes croyaient sans doute qu’il serait un meilleur vendeur que les deux précédents entraîneurs de la formation, Trestman et Don Matthews. Ce changement radical n’a jamais eu lieu.

Je ne sais pas si Hawkins s’adressera prochainement aux médias, mais j’ai l’impression que ce congédiement le soulage peut-être. Quand je le regardais aller avec les médias, il n’avait pas l’air aussi engagé. Il n’avait peut-être pas pleinement conscience du défi dans lequel il s’était embarqué. C’est du moins mon impression.

Jim PoppPopp, un stabilisateur

Popp reprend donc les rênes de l’équipe. C’est la troisième fois de sa carrière qu’il le fait en cours de saison. En 2001, il avait remplacé Rod Rust, avant de faire de même en 2006 après le départ de Matthews.

En 2007, il avait dirigé toute la saison, menant l’équipe à une fiche de 8-10. Les Alouettes s’étaient finalement inclinés en demi-finale de l’Est face aux Blue Bombers à Winnipeg. Les Montréalais avaient l’avance en fin de rencontre lorsqu’ils ont tenté de franchir la distance en situation de troisième essai et une verge à franchir. Ils avaient échoué avant de voir les Bombers subtiliser les devants et avancer en finale.

À l’époque, j’étais en accord avec cette stratégie audacieuse. Si les Alouettes avaient réussi ce jeu,  les Bombers n’auraient pas retouché au ballon de la rencontre. De plus, si tu n’es pas capable d’aller chercher une verge au football canadien, ça va mal. Malgré la controverse qui a suivi cette élimination, Popp avait eu raison d’y aller de la sorte. C’est sans compter que la défensive était là. Malheureusement, elle n’a pas tenu le fort.

C’est donc le dernier souvenir qu’on a de Popp à titre d’entraîneur-chef. On ne surprendra pas personne en disant que Popp est meilleur comme directeur général que comme entraîneur-chef. Même lui l’admettrait.

Popp s’amène d’abord et avant tout pour stabiliser la situation et se fier à ses adjoints, qui prendront assurément les bouchées doubles. Ceux-ci vont en faire plus que jamais car Jim n’est pas un gars de stratégie. Il va plutôt s’assurer que les entraînements roulent rondement, ce qui faisait défaut sous la gouverne d’Hawkins.

Tout cela a toutefois un effet domino sur les opérations football de l’équipe. L’ancien adjoint de Popp, Marcel Desjardins, a déjà quitté pour Ottawa. Il va donc manquer de ressources. Si cela ne risque pas d’avoir d’incidences à court terme, cela pourrait être différent à long terme. Il n’y a que 24 heures dans une journée et Popp ne peut tout faire seul.

Le portrait n’est pas que noir pour les Alouettes, rassurez-vous. La beauté dans tout ça c’est que la défense et les unités spéciales jouent du bon football depuis le début de la saison. Si on la stabilise moindrement l'attaque et qu’on utilise mieux le talent disponible, il n’y pas de raison pour que cette unité connaissent des insuccès.

Miller en position inconfortable

Là où ça se corse, c’est du côté monétaire. Malgré son congédiement, Hawkins risque de toucher son plein salaire pendant trois ans puisque les contrats des entraîneurs, contrairement à ceux des joueurs de la LCF, sont généralement garantis. À cette dépense, ajoutez possiblement la rémunération de l’ancien président de l’équipe Ray Lalonde, qui a été remercié l’an dernier.

Tout cela explique peut-être pourquoi Mike Miller est toujours à l’emploi des Alouettes. Celui qui était coordonnateur offensif et adjoint à l’entraîneur-chef jusqu’à aujourd’hui vient de perdre ces deux fonctions. Popp lui a proposé de demeurer avec l’équipe dans un rôle d’apprentissage qui reste encore à être déterminé afin d’apprivoiser les rouages de la LCF et peut-être effectuer un retour en force.

C’est toutefois à se demander si les Alouettes ne souhaitent pas qu’il quitte par lui-même pour économiser une bonne somme d’argent.

Doug BerryMiller étant pour l’instant relégué à d’autres tâches, c’est donc Doug Berry, embauché à titre de consultant avant le début de la saison, qui hérite de l’attaque montréalaise, ce qui n’est pas une mauvaise chose. Berry a en effet déjà connu du succès à titre de coordonnateur offensif et entraîneur-chef avec les Alouettes, les Blue Bombers et les Roughriders de la Saskatchewan.

Berry connaît bien la ligue et comme ancien responsable de la ligne à l’attaque, il se fera sans doute un devoir d’assurer une bonne protection à Calvillo. Comme Trestman l’avait martelé à son arrivée à Montréal, la protection du quart est capitale au football. Il importe de lui donner la chance de lancer le ballon et terminer son geste de passe. Quand le quart va bien, il donne espoir à toute l’équipe.

En ce jour malheureux pour l’organisation des Alouettes, on réalise encore plus l’excellent boulot accompli par Trestman au cours de son séjour à Montréal. C’est peut-être quelqu’un de bien spécial qui vient de passer par chez nous…

Espérons maintenant que le traitement choc administré par Popp aura ses effets.

*Propos recueillis par Mikaël Filion