Le changement de garde annoncé lundi par les Alouettes constitue à mon avis une excellente nouvelle.

Depuis les dernières semaines, on voyait qu’une certaine grogne s’était installée à l’interne. De plus en plus ouvertement, les joueurs parlaient des problèmes de leadership au sein de l’équipe. Bref, on sentait que les hommes de Jim Popp ne l’écoutaient plus, surtout depuis qu’on lui avait attribué des propos déplacés lors d’une rencontre tenue avec l’ensemble des joueurs avant une rencontre face aux Eskimos d’Edmonton.

Le respect semblait s’être estompé, ce qui en soi était un important problème. La relation entre un instructeur et un joueur n’est pas obligée d’être teintée d’amour, mais lorsque la notion de respect n’y est plus, c’est une autre paire de manches.

N’étant pas un entraîneur de carrière, Popp était à bout de solutions. On disait de lui qu’il n’était ni un stratège, ni un motivateur. Alors que restait-il?

Je lève donc mon chapeau aux Alouettes d’avoir eu le courage d’agir, ne serait-ce que pour l’ambiance insoutenable qui aurait habité le vestiaire lors des six semaines restantes.

Quant à la nomination de Jacques Chapdelaine au poste d’entraîneur intérimaire, je vous avoue que c’est pour moi une belle surprise. Tout pointait vers Kavis Reed, qui avait déjà occupé les fonctions d’entraîneur-chef dans la LCF. En tant que coordonnateur des unités spéciales, il était appelé à travailler avec l’ensemble des membres de l’équipe, ce qui ne nuit jamais.

Par ailleurs, Reed était le seul parmi les instructeurs en place à pouvoir compter sur un adjoint en la personne d’André Bolduc. Théoriquement, il aurait donc pu lui déléguer plus de responsabilités afin de se concentrer sur son mandat d’entraîneur-chef.

Lorsqu’on prend du recul, il est cependant facile de comprendre les raisons ayant poussé les Alouettes à se tourner vers Chapdelaine pour prendre le relais. Premièrement parce qu’il est un homme de football crédible possédant une vaste expérience, que ce soit avec le Rouge et Or de l’Université Laval ou ailleurs dans la LCF. On parle après tout d’un entraîneur ayant œuvré avec de grandes organisations et ayant connu du succès. Chapdelaine est reconnu comme un instructeur très organisé et structuré possédant un fort penchant pour la discipline.

Les entraînements seront intenses

Sans nécessairement le côtoyer sur une base régulière, je connais suffisamment Jacques pour savoir qu’il est un homme franc, juste et direct, capable de dire à un individu ses quatre vérités. Ça ne sera pas toujours agréable pour les joueurs de l’avoir dans les parages, mais ils sauront à quoi s’en tenir.

Quand je m’attarde à son bagage, je retiens qu’il est avant tout un gars d’attaque. Or, où se situent les plus importants problèmes rencontrés par les Alouettes cette saison? L’incapacité de faire fonctionner l’unité offensive et le dossier Duron Carter. On peut dire sans trop se tromper qu’il est bien placé pour identifier des pistes de solution.

Il a été un grand coordonnateur offensif dans le football canadien par le passé. J’aurais peine à croire qu’il prendra les rênes de l’équipe sans s’octroyer le privilège de sélectionner les jeux offensifs de l’équipe. Il apportera une aide essentielle à Anthony Calvillo, qui est carrément débordé dans le contexte actuel.

Chapdelaine voudra certainement être en contrôle dans ce qui est sa première opportunité aux commandes d’une équipe professionnelle. Les prochaines semaines représentent sa carte de visite en quelque sorte. C’est sa réputation qui est en jeu.

Rappelez-vous lorsque Marc Trestman dirigeait la formation montréalaise. Scott Milanovich avait beau être le coordonnateur de l’attaque, c’est le vétéran instructeur qui appelait les jeux. Et quand Milanovich s’est lui-même retrouvé à la barre d’une équipe, avec les Argonauts de Toronto, il a procédé de la même façon avec Marcus Brady. Même son de cloche chez les Tiger-Cats de Hamilton, chez lesquels Kent Austin a préséance sur son coordonnateur StefanPtaszek.

D’ailleurs, je me dis que Calvillo devrait accepter à bras ouverts cette répartition des tâches tant il était dépassé par les événements cette saison.

Un autre dossier chaud dans le camp des Alouettes est évidemment celui des dissensions dans le vestiaire, particulièrement celles impliquant Duron Carter. En tant qu’ancien entraîneur des receveurs, il est l’une des personnes les mieux outillées pour saisir ce qui ramènera le talentueux ailier espacé dans le droit chemin.

Bref, je crois que l’une des réflexions possibles derrière la promotion de Chapdelaine était la suivante : on se devait de rectifier la situation offensive, qui fait défaut depuis le Jour 1, sans pour autant écorcher Calvillo au passage.

Coudées franches

Une chose que je souhaite à Jacques Chapdelaine est qu’il obtienne les coudées franches pour cette première expérience comme entraîneur-chef. J’aimerais qu’il ait la chance de décider qui est de la formation partante et quelle utilisation il fera des éléments à sa disposition afin qu’il puisse faire une réelle différence.

J’espère aussi que Jim Popp saisira l’importance de prendre une certaine distance, en retournant à ses tâches de directeur général – quitte à les remplir à partir des États-Unis et à se concentrer sur ce qu’il fait de mieux, l’évaluation de talent – pour donner de l’oxygène à Chapdelaine et assurer à ce dernier qu’il puisse repartir à zéro. Force est d’admettre que ce serait aussi préférable pour le vestiaire, puisque les derniers mois ont été pesants sur tout le groupe. On sait que Popp en mène large dans l’organigramme, mais je garde espoir que l’entraîneur québécois jouira de la latitude requise afin de faire les choses à sa manière.

C’est une opportunité pour Chapdelaine de démontrer son savoir-faire avant que l’état-major n’évalue ses options pour la prochaine saison, parmi lesquelles se retrouveront plusieurs membres de l’organisation. Il s’agit d’un très beau défi!

La mauvaise nouvelle est qu’il hérite d’un club affichant un dossier de 3-9 avec six parties à disputer. La bonne, c’est que malgré le feuilleton qu’est devenue l’équipe ces dernières semaines, avec les prises de bec et les confrontations à l’entraînement, les joueurs ont conservé leur fierté et le désir de compétitionner. À Hamilton vendredi, dans la défaite, j’ai vu un groupe déployer les efforts pour gagner et agir en vrais professionnels.

Finalement, un dernier aspect à souligner est le fait que Jacques Chapdelaine s’exprime en français. Je le mentionne en toute fin de chronique puisque cela ne revêt pas pour moi une importance capitale, mais le fait qu’il soit Québécois est certainement une valeur ajoutée, tant pour l’organisation que pour les partisans.

* propos recueillis par Maxime Desroches