MONTRÉAL – Avec 36 petites secondes à écouler à la saison 2016, l’entraîneur Jacques Chapdelaine a demandé un temps d’arrêt d’une grande classe. Il s’est avancé sur le terrain pour accueillir Luc Brodeur-Jourdain d’une chaleureuse poignée de main. Les entraîneurs Kris Sweet et Kavis Reed ont ensuite serré le joueur de ligne offensive dans leurs bras.

Ce moment touchant visait à permettre une sortie unique à Brodeur-Jourdain. Le Québécois de 33 ans s’est investi à plus de 110% depuis qu’il a subi une grave blessure ligamentaire au genou droit il y a un an, le 1er novembre 2015.

Pour sa huitième saison dans la LCF, Brodeur-Jourdain a dû se contenter d’un rôle de substitut et de complément. La pilule ne pouvait pas être facile à avaler pour lui qui appartient à la catégorie des hommes fiers qui composent la ligne offensive.

LBJ n’a pas laissé transparaître sa frustration et il ne voulait surtout pas que sa situation affecte l’ambiance du groupe. Bref, il a exercé un leadership même sans jouer de manière régulière et Chapdelaine a voulu le souligner d’une belle manière.

« Du respect, c’est tout ce que c’était », a confié Chapdelaine lors de son bilan, dimanche. 

« Luc a quand même eu une saison difficile au point de vue de sa remise en forme. Côté émotif, ça n’a pas été une saison facile pour lui, mais il a fait tout ce que l’équipe voulait de lui. »

« J’avais un temps d’arrêt que je pouvais sacrifier et je crois que ce fut bien dépensé. Il y avait des partisans qui avaient fait le voyage et d’autres qui regardaient la partie à la télévision. Je voulais prendre le temps de le remercier pour ce qu’il a fait pour l’organisation cette année », a décrit Chapdelaine avec un ton bien senti.

Le geste a touché Brodeur-Jourdain droit au cœur.

« C’était spécial ! J’étais émotif évidemment. C’est une superbe marque d’affection que j’ai reçue des entraîneurs. Ils m’attendaient tous pour me serrer la main, c’était la reconnaissance du travail que j’ai effectué, dans l’obscurité somme toute, cette année. J’ai bûché juste pour mériter d’avoir une place dans la formation et encore plus pour du temps de jeu », a exprimé l’athlète dévoué.

Autant que la manœuvre a été appréciée, autant que Brodeur-Jourdain ne sent pas qu’il a joué son dernier match.

« Dans mon esprit, non. Mais plusieurs choses ne sont pas en mon pouvoir. Je vais me préparer pour une autre saison. Rien n’est réglé présentement et ils (les dirigeants) ont beaucoup d’autres chats à fouetter avant de signer un joueur », a mentionné LBJ. 

Justement, il aura à convaincre les Alouettes qu’il peut encore soutenir le rythme d’une saison au football canadien. En l’envoyant dans la mêlée face aux Tiger-Cats, samedi, Chapdelaine a testé une combinaison avec Philip Blake et Kristian Matte à sa gauche. Cette option n’est pas à écarter pour la prochaine campagne surtout que Brodeur-Jourdain croit avoir prouvé qu’il était encore capable de remplir le rôle de centre. 

« Pour moi, le plus important a été de démontrer de la progression tout au long de la saison. Si, à un point, j’avais senti que ça stagnait et que j’avais encore de la difficulté à bouger, j’aurais été assez intelligent pour m’en rendre compte. Mais, tout au long de l’année, j’ai continué à gagner en force, en vitesse et en mobilité. Cette année, je pourrai bénéficier d’une saison morte pour me préparer et ça fera un grand changement », a-t-il précisé.

L’état-major des Alouettes pourrait également décider de lui offrir un rôle de « sixième homme » de la ligne offensive. Cette avenue ne l’enchante pas pour une raison noble. 

« Si on me le propose comme ça, la réponse sera non. Le football, à mes yeux, restera éternellement un sport pur, tant et aussi longtemps que les contrats ne sont pas garantis et que personne ne peut s’asseoir sur ses lauriers. Si on ne me donne pas la chance de me battre et qu’on me condamne à ça dès le départ, je trouverais que ce serait injuste », a visé Brodeur-Jourdain.

Quant à la possibilité de se trouver un emploi ailleurs dans la LCF, celui qui sera bientôt père d’un deuxième enfant en plus d’être le beau-père d’un troisième n’a pas évalué le tout

« Ça ne fait pas partie de mes plans, je veux rester un Alouette. Je suis un homme d’honneur, un homme droit. Je retire de la fierté à dire que j’ai joué juste pour seulement trois organisations : les Géants (du CÉGEP de Saint-Jean-sur-Richelieu), le Rouge et Or (de l’Université Laval) et les Alouettes », a réagi le sympathique gaillard.

Pas besoin de se promener bien loin dans le vestiaire des Alouettes au Stade olympique pour trouver des appuis envers Brodeur-Jourdain.

« J’aimerais beaucoup qu’il soit de retour, c’est un bon ami. Il a encore du bon football en lui, il n’est pas prêt à arrêter. Malheureusement, ça ne sera peut-être pas sa décision. Je me battrais jusqu’à la mort avec lui », a témoigné le bloqueur à droite, Jeff Perrett.

« J’espère qu’il sera de retour, je pense qu’il a encore du bon football à jouer. C’est un gars qui s’investit beaucoup, c’est un bon meneur et je pense qu’on a besoin de lui », a ajouté le receveur Samuel Giguère. 

Une chance que Philippe Gagnon a relevé le défi

Le côté droit de la ligne offensive a été occupé par la recrue, Philippe Gagnon, et le vétéran Perrett. À l’approche de la saison 2016, Gagnon représentait un point d’interrogation en raison de son statut. Pourtant, il a été en mesure de disputer toutes les rencontres et, au final, il a fini par devenir l’un des maillons fiables de l’unité.

« Je suis arrivé au bon moment si on peut dire. Un poste s’est ouvert rapidement sur la ligne avec le départ précipité de Dominic (Picard). J’ai pu saisir l’opportunité et, comme je l’avais dit, je ne venais pas jouer aux touristes, je voulais connaître la meilleure année possible. Je pense avoir réussi ça, même si je dois encore polir beaucoup d’aspects de mon jeu », a déterminé Gagnon.Philippe Gagnon

Quand on le pousse à dire que sa saison recrue doit être une source de fierté, il finit par l’admettre du bout des lèvres.

« C’est certain, c’est une fierté pour une recrue. Mais je préfère analyser mon rendement comme joueur, on veut être le meilleur qu’on peut et je vais m’améliorer », a-t-il fait remarquer.

Gagnon a pu apprendre entre Matte (le centre) et Perrett (le bloqueur à droite). L’année a tout de même été très pénible pour la ligne offensive. Ce rendement décevant a été éprouvant à accepter pour un vieux routier comme Perrett.

Ça ne l’empêche pas de croire que le succès pourrait refaire sa place dans le nid des Alouettes sous peu.

« C’était le chaos à un certain point », s’est-il rappelé en faisant référence à l’indiscipline observée durant le pire creux de la saison.

« Évidemment, il y aura des changements et le poste de quart-arrière doit encore être stabilisé, mais on mise sur de bons joueurs, des gars très talentueux. On peut aussi se fier sur une défense hallucinante. C’est un peu embarrassant et dommage de penser qu’on n’a pas pu leur donner aucune aide. On n’est pas si loin, surtout avec le contexte actuel dans la  section Est », a conclu Perrett.