On a pris quelques jours de repos, histoire de laisser la poussière retomber. Mais voilà déjà une semaine que la saison de football canadien est terminée.

En deux jours, les Gaels de l'Université Queen's ont battu les Dinos de Calgary pour remporter la Coupe Vanier, à Québec; puis les Alouettes ont profité d'une fin de match tout simplement incroyable pour défaire les Roughriders de la Saskatchewan, et repartir de Calgary avec la Coupe Grey.

Une belle fin de semaine qui nous a rappelé une fois de plus à quel point le football canadien est en excellente santé. Les estrades du PEPS de l'Université Laval étaient pleines pour la finale universitaire, même sans la présence d'une équipe québécoise. Et autant au Québec qu'au Canada, le match a attiré des cotes d'écoute record.

À Calgary, la marée de spectateurs qui arborait les couleurs verdâtres des Roughriders a démontré que dans nos plates provinces du centre du Canada, le football est une vraie religion. Ils en ont également profité pour apprendre à la dure que l'appui du treizième homme n'est pas toujours une bonne chose... Bon, ok, c'était facile.

Par contre, la fin de cette saison 2009 ramène à l'avant-scène un problème qui dure depuis trop longtemps, dans la LCF.

Comment se fait-il que dans une ligue canadienne qui accueille de plus en plus de joueurs canadiens, il n'y en ait aucun qui joue à la position la plus importante? Qu'est-ce que la Ligue canadienne de football attend pour donner la chance à un quart-arrière d'ici de se faire valoir? Parce que non, la faute n'est pas seulement aux quarts-arrière d'ici qui ne sont pas assez bons. La LCF a ses torts, et il serait plus que temps qu'elle s'en rende compte.

Après tout, c'est la ligue qui en profiterait le plus, non? Pourrait-elle faire un meilleur coup marketing que d'avoir une superstar canadienne au poste de quart-arrière?

Des passeurs de plus en plus efficaces

Le dernier quart-arrière canadien qui a été habillé pour un match de la LCF se nomme Tommy Dennison. Il était le troisième quart des Stampeders de Calgary lors de la saison 2004. Depuis? Rien. Nada. Niet.

Le premier argument qui ressort, lorsqu'on aborde le sujet, c'est que les quarts-arrière canadiens ne sont tout simplement pas assez bons pour évoluer au prochain niveau. Ils ne seraient pas assez bien préparés, pas assez bien coachés.

Peut-être, mais le jeu aérien s'est développé de manière impressionnante, au cours des dernières années, au football universitaire canadien. La preuve? L'an dernier, Matt Connell (McGill) a fracassé le record canadien pour le plus grand nombre de verges amassées en carrière, devenant le premier passeur à dépasser le cap des 10 000 verges en carrière.

Son record n'a pas tenu le coup bien longtemps, puisque cette saison, deux passeurs ontariens l'on surpassé. Michael Faulds (Western), et Dan Brannagan (Queen's) sont désormais numéro un et deux sur la liste des plus grands passeurs de l'histoire du football universitaire canadien. Et six des sept premiers passeurs de l'histoire au niveau des verges en carrière, ont terminé leur carrière universitaire en 2008 ou 2009.

Si Benoît Groulx ne s'était pas blessé, au cours de ses cinq saisons avec le Rouge et Or, il figurerait assurément plus haut qu'au onzième échelon.

Il n'y a donc aucun doute que les passeurs qui graduent des universités canadiennes sont mieux préparés aujourd'hui pour faire face au niveau professionnel que ceux d'il y a dix ou quinze ans.

Surtout quand on pense à des joueurs comme Faulds, Brannagan et Groulx, il semble évident que ces trois-là sont simplement trop bons pour que leur carrière s'arrête aussi brusquement. Mais les perspectives ne sont pas trop bonnes, malheureusement.

Quand on voit qu'un joueur comme l'ailier défensif Nickolas Morin-Soucy a été repêché en troisième ronde par les Alouettes, l'an dernier, je ne peux tout simplement pas comprendre comment on peut ignorer les trois quarts cités ci-haut. Je ne veux rien enlever à Morin-Soucy, qui est un joueur excitant et intense au possible. Reste que Benoît Groulx, par exemple, est bien meilleur à sa position que l'ancienne vedette des Carabins. Et à ce niveau, il est injuste qu'aucune équipe ne lui donne une chance.

Et personne ne parle de remplacer Anthony Calvillo l'an prochain comme quart partant des Alouettes de Montréal. On lui demanderait de compétitionner pour un poste de troisième quart-arrière. Ce qui implique d'être assez performant pour donner un bon look à la défensive, durant les pratiques, et être prêt dans le cas franchement peu probable où les deux premiers quarts de l'équipe se blessent.

Entre vous et moi, pensez-vous qu'une équipe de la LCF serait mal prise si elle était «obligée» de mettre un Benoît Groulx, un Dan Brannagan ou un Michael Faulds sur le terrain, en cas d'urgence?

Un règlement complètement absurde

Le vrai problème, ce n'est pas que les quarts canadiens ne sont pas assez bons. C'est plutôt que la ligue leur met de véritables bâtons dans les roues. Pourquoi? Vous allez voir, c'est plutôt incompréhensible.

Chaque équipe de la ligue doit habiller 42 joueurs, desquels 20 doivent être non-importés. Pour être considéré ainsi, un athlète doit avoir passé au moins sept des quinze premières années de sa vie au Canada. Du lot, chaque équipe doit avoir au moins sept partants canadiens à chaque rencontre. C'est donc une façon de s'assurer que la ligue canadienne soit la plus «canadienne» possible. Et c'est une excellente chose, qui permet à des joueurs Luc Brodeur-Jourdain, Étienne Boulay et Mathieu Proulx de démontrer leur talent.

Par contre, là où les choses se corsent, c'est qu'il n'y a une seule position pour laquelle cette règle ne s'applique pas. Vous l'aurez deviné, c'est celle de quart-arrière. Si les Alouettes habillaient Benoît Groulx, l'an prochain, il n'entrerait pas dans le total de joueurs canadiens de l'équipe. Pourquoi? Bonne question…

C'est donc dire qu'à toutes les positions, la ligue applique une règle pour favoriser les Canadiens. Toutes, sauf celle de passeur…la plus importante et la prestigieuse. C'est logique ça?
Au contraire, avec de plus en plus d'excellents quarts qui graduent des rangs universitaires, depuis quelques années, le temps ne serait-il pas venu de leur faire une place de choix? C'est bien beau avoir un maraudeur ou un joueur de ligne à l'attaque comme vedette francophone, mais au football, les vraies stars se sont les quarts.

Ce sont eux qui vendent le plus de chandails. Ce sont eux qui retiennent l'attention des caméras. Ce sont eux, surtout, qui finissent avec la plus belle des cheerleaders, dans les films.

On peut parier que les fans de football de l'Ontario ne détesteraient pas que les Tiger-Cats ou encore les Argonauts essaient de développer un jeune quart comme Dan Brannagan ou Michael Faulds. Et la situation est identique au Québec.

Je vous pose la question, donc. N'aimeriez-vous pas que les Alouettes donnent une chance à un quart québécois qui a tout brûlé sur son passage, lors de son séjour universitaire? Il faudrait se dépêcher, parce que des quarts-arrières comme Benoît Groulx, ça ne court pas les rues.