Malgré une importante hausse de popularité, la Ligue de Football Universitaire du Québec (LFUQ) fait face à un obstacle majeur, depuis le début des années 2000. À chaque début de campagne, on ne se demande pas qui va être couronné champion de la conférence.

Le seul vrai suspense c'est de savoir quelle équipe va se rendre au PEPS de l'Université Laval vers la mi-novembre, pour se faire battre en finale de la coupe Dunsmore par le Rouge et Or.

Que ceux qui parlent de parité regardent les choses en face. En 2009, l'équipe a été couronnée championne québécoise pour une septième saison consécutive. Au cours de ces sept finales de conférence, (quatre fois contre les Stingers del'Université Concordia et trois contre les Carabins de l'Université de Montréal) la formation a eu le dessus 230 à 78. De 2003 à 2009, l'équipe de Québec a connu trois saisons régulières parfaites de 8-0, et quatre campagnes de 7-1. Au total, ça ne fait que quatre défaites en sept ans. Et depuis le 4 octobre 2003, (victoire de 38-30 des Stingers de Concordia face à Laval), aucune équipe québécoise n'a réussi à battre le Rouge et Or à l'exception des Carabins. Les Bleus ont battu les Rouges 14-13 en 2004, 7-2 en 2006, et 28-7, l'an dernier. Mais ni le Vert & Or, ni les Redmen, ni les Gaiters, ni les Stingers n'ont réussi à aller chercher la moindre petite victoire, face aux septuples champions en titre.

Parité? Hégémonie me semble nettement plus approprié. Peut-on en vouloir à une équipe parce qu'elle est trop dominante? Probablement pas. Mais on peut certainement souhaiter qu'elle cesse de dominer de la sorte, histoire de donner un peu de piquant à la ligue.

À l'approche de la nouvelle saison, il y a exceptionnellement plusieurs doutes, chez le Rouge et Or. En fait, il y en a un principal. Comment l'équipe va-t-elle se remettre du départ de son quart-arrière et meilleur joueur Benoit Groulx?

Personne n'est irremplaçable, certes. Mais certains souliers sont plus grands que d'autres à chausser. Et surtout à la position la plus importante au football, celle de quart-arrière. Doit-on rappeler que Cool Ben a remporté trois fois le titre de joueur par excellence au Québec, au cours des quatre dernières années? Doit-on rappeler qu'il détient le record canadien pour le plus haut pourcentage de complétion en une saison (75,2 en 2008), et le record québécois pour le plus grand nombre de passes de touché en carrière (66)?

En plus de Groulx, le Rouge et Or a également perdu son coordonnateur offensif Justin Éthier, durant la saison morte. Après 20 ans de coaching dont 13 saisons chez le Rouge et Or, Éthier avait besoin de s'éloigner du football. Il a donc remis sa décision à Jacques Tanguay, le grand manitou de l'équipe. Une décision qui en a surpris plusieurs, et qui a même été qualifiée de pur gaspillage de talent par certains des journalistes attitrés à la couverture du football universitaire québécois. Mais n'importe qui a été impliqué de près dans le milieu du foot sait à quel point ce sport peut devenir une drogue. Peut-on reprocher quoi que ce soit à quelqu'un qui a besoin de sevrage? Aussi bon soit-il comme joueur, ou dans ce cas-ci comme entraîneur.

Il va sans dire que l'attaque lavalloise va présenter un visage complètement différent, cette saison. Et vous savez autant que moi à quel point il est difficile de connaître du succès avec un quart-arrière inexpérimenté et un coordonnateur qui essaie d'implanter son système.

Mais les deux prétendants à la succession de Groulx ne sont pas des deux de pique. Loin de là. Lorsqu'ils ont gradué tour à tour du Cégep François-Xavier Garneau, Bruno Prud'homme et Tristan Grenon faisaient rêver bien des recruteurs chez les six équipes de la LFUQ. Ils auraient probablement pu l'un comme l'autre se tailler un poste de quart partant dès leur première saison universitaire, s'ils avaient opté pour une autre formation que le Rouge et Or.

Après la saison 2006, Prud'homme était clairement considéré comme le meilleur quart à graduer des rangs collégiaux. Tout comme Grenon en 2008, lui qui venait d'être nommé joueur par excellence du Collégial AAA et qui attirait à l'époque pas mal plus l'attention qu'un certain Jonathan Collin.

Malgré tout ce qu'ils ont prouvé au niveau collégial, ni l'un ni l'autre n'a encore été partant lors d'un seul match universitaire.

Peut-on vraiment remporter un championnat provincial avec un quart-arrière sans expérience? La logique voudrait que non. Du coup, s'il y a bien une année où le Rouge et Or pourrait se faire suspendre, ce serait en 2010.

Mais à moins d'un miracle, cela n'arrivera pas. Désolé de vous décevoir. Parce que si le Rouge et Or a subi de lourdes pertes avec notamment le départ de Groulx et Éthier, les autres universités ont elles aussi perdu de très gros morceaux.

À commencer par les finalistes de la dernière saison, qui seraient en toute logique les mieux placés pour devenir calife à la place du calife. Mais les Carabins miseront également sur un nouveau quart partant puisque Marc-Olivier Brouillette s'aligne désormais pour les Alouettes de Montréal. Les Bleus présenteront surtout un visage complètement différent en défensive. Une défensive qui a non seulement été leur force, mais leur âme, au cours des dernières années. Quatre membres de l'unité partante de 2009 se sont taillé un poste dans la LCF. Les deux demis de coin (Hamid Mahmoudi et Jerry-Ralph Jules) et les deux secondeurs extérieurs (Joash Gesse et Christian Houle) sont donc maintenant chez les pros. De plus, les deux ailiers défensifs partants (Martin Gagné et Mathieu Brossard) ont terminé leur cursus universitaire. Ça fait beaucoup de monde à remplacer d'un coup. Et on se dit qu'avec une défensive aussi inexpérimentée et un quart-arrière qui en sera à ses premiers pas comme numéro un dans la LFUQ, on voit mal comment les hommes de Marc Santerre pourraient inquiéter réellement leurs rivaux de Québec.

Même chose pour les Stingers de Concordia. Cory Greenwood, joueur défensif par excellence au pays l'an dernier tente sa chance avec les Chiefs de Kansas-City et le receveur étoile Cory Watson s'aligne aujourd'hui pour les Blue Bombers de Winnipeg. Le bloqueur Kristian Matte a été le choix de première ronde des Alouettes lors du dernier repêchage de la LCF, et lui non plus ne sera pas de retour avec l'équipe.

Le quart Robert Mackay sera de retour, et il risque d'amasser de belles statistiques, tout comme son receveur Liam Mahoney. Mais on doute fort que la défensive puisse épauler l'attaque de manière assez significative pour réellement connaître du succès. Surtout que Concordia a également perdu les services de son coordonnateur défensif de longue date Warren Craney, qui a été embauché par l'Université York comme entraîneur-chef. On pourrait en profiter pour rire un peu des pauvres Lions de York et de leur seule et unique victoire depuis la saison 2007, mais ce serait méchant, non?

À Sherbrooke, l'ère Pascal Fils est terminée, puisque le porteur de ballon s'est fait offrir un contrat par les Eskimos d'Edmonton. L'offensive du Vert & Or passait d'abord et avant tout par le numéro 5, l'an dernier, on est en droit de se poser de sérieuses questions, en vue de la prochaine saison. Toute la pression est désormais sur les épaules du quart de cinquième année Jean-Philippe Shoiry. Autant on a toujours aimé le jeu du numéro 12, autant on doute qu'il soit assez bien entouré pour que l'équipe puisse prétendre au titre de la conférence en 2010.

Et sans rien enlever aux Redmen de McGill et aux Gaiters de Bishop's, aucune des deux formations n'a ce qu'il faut pour inquiéter réellement le Rouge et Or de l'Université Laval.

On ne va quand même pas vous promettre tout de suite que les hommes de Glen Constantin vont remporter un huitième titre de conférence consécutif. Mais on peut affirmer sans aucune retenue qu'ils forment encore (et toujours?) l'équipe à battre. On a beau analyser les alignements des six équipes sous tous les angles possibles, on arrive toujours à la même conclusion : les Lavallois ont trop de profondeur pour qu'on puisse songer à ce qu'une autre équipe leur ravisse le titre de la conférence.

Je vous entends me dire que ce n'est pas sur papier, mais sur le terrain que se gagnent les matchs. Vous ne pourriez dire plus juste. Mais les dernières années nous ont appris que lorsque novembre arrive et que les erreurs ne pardonnent plus, personne ne réussit à élever son niveau de jeu autant que le Rouge et Or.

Et pour ceux qui s'inquiètent de l'ère post-Benoit Groulx, il suffit revenir six ans en arrière pour comprendre qu'il ne faut pas trop s'en faire. Cette année-là, c'était l'an 1 de l'ère post-Mathieu Bertrand, et on se disait que la perte du quart-arrière étoile signifiait fort probablement la fin de la domination lavalloise. Pourtant, en 2004 le Rouge et Or a non seulement remporté un deuxième titre provincial consécutif, mais ils ont également mis la main sur une deuxième Coupe Vanier d'affilée. Comment? Grâce à un jeu au sol destructeur et une défensive intraitable. Définitivement pas grâce au quart William Leclerc qui avait terminé au sixième et dernier rang parmi les quarts partants de la LFUQ pour le nombre de verges gagnées par la passe.

Certains se rappelleront de cette victoire un peu terne de 7-1 face aux Huskies de la Saskatchewan. Un match de championnat au cours duquel il n'y a eu aucun touché. Côté spectacle on repassera, mais la preuve a été faite que même sans un grand quart-arrière, il est possible de connaître du succès.

Mais pour cela, il faut une défensive de premier plan, et un jeu au sol efficace. Deux éléments sur lesquels Glen Constantin et son équipe d'entraîneurs peuvent compter. Surtout en défense, alors que l'arrivée de Bruno Lapointe et Arnaud Gascon-Nadon (deux transferts qui reviennent de la NCAA) va donner à l'équipe une ligne défensive franchement dominante. Plus on y pense, plus on se dit que la défensive de 2010 est peut-être meilleure que celle de 2009 qui n'a accordé que 61 points, en saison régulière.

Alors Benoit parti, les souris dansent? La réponse viendra au mois de novembre. Mais si on était vous, on ne parierait pas notre dernière chemise là-dessus.