Comme plusieurs, j'ai appris aujourd'hui la décision de Brett Favre de prendre sa retraite après 17 saisons dans la NFL.

Suis-je surpris par une telle annonce? Un peu. Malgré son âge, Favre a connu une saison exceptionnelle en 2007, l'une des meilleures de sa carrière. Favre a semblé revivre cette année et je croyais qu'il allait revenir pour une 18e saison puisque les Packers ont atteint la finale d'association.

Et d'un autre côté, je ne suis pas surpris parce que Favre considérait la retraite depuis quelques saisons déjà. En 2005, alors qu'il a lancé 29 interceptions, et 2006, il n'a pas joué à la hauteur de son talent et je croyais qu'il allait accrocher.

Mais il se sent fatigué et il pense que son corps ne peut plus suivre. Je comprends tout à fait sa décision.

J'ai eu l'occasion d'affronter Favre à quelques reprises depuis mes débuts dans la NFL. Affronter Favre, c'était impressionnant. À mes débuts, j'étais vraiment impressionné de jouer contre les 49ers et Jerry Rice. Favre est dans cette catégorie. C'est une légende.

Au cours des dernières saisons, il a abattu plusieurs records de la NFL. Il est le meneur de tous les temps pour les passes de touché, les verges par la passe, les victoires pour un quart partant, etc.

Difficile de dire si Favre est le meilleur quart de l'histoire. C'est toujours difficile d'établir ce genre de classement. Mais il est sans contredit l'un des meilleurs. Entre Favre, Dan Marino, Joe Montana, John Elway, la ligne est mince.

Quand les Cowboys de Dallas ont gagné le Super Bowl à trois occasions dans les années '90, Troy Aikman pouvait se tourner vers de grands joueurs : Emmitt Smith et Michael Irvin. Favre ne misait pas sur des éléments aussi talentueux. Les Packers, c'était Brett Favre.

Certes, des très bons joueurs ont évolué avec Favre, pensons notamment à Antonio Freeman et à Sterling Sharpe au poste de receveur. Mais ils n'étaient pas des vedettes au même titre que Smith et Irvin. Et les Packers n'ont jamais aligné le meilleur porteur de ballon de la ligue… pas d'Emmitt Smith, pas de Terrell Davis, pas de Barry Sanders.

Mais Freeman et Sharpe ont probablement connu une aussi bonne carrière parce qu'ils évoluaient aux côtés de Favre. Sans lui, pas si convaincu qu'ils auraient amassé de telles statistiques. Favre est l'un des rares à pouvoir prétendre qu'un bon joueur devenait un très bon joueur en sa présence.

Et le fait que Favre était le seul à transporter son équipe rend ses exploits encore plus méritoires. Voilà en grande partie ce qui explique pour les Packers n'ont gagné qu'un seul Super Bowl pendant l'ère Favre (contre trois pour les Cowboys pendant l'ère Aikman et quatre pour les 49ers pendant l'ère Montana).

Un tough... un guerrier

Tout au long de sa carrière, Favre a réalisé de grandes choses. On connaît les records qu'il a abaissés. Il est également le seul joueur de l'histoire à avoir remporté le titre de joueur par excellence dans la NFL trois saisons consécutives.

Mais, de toutes ses réalisations, celle qui m'impressionne le plus est sa séquence de départs consécutifs. En saison régulière, Favre aura été le partant 253 matchs consécutifs (275 en comptant les matchs éliminatoires). Wow! C'est tout simplement incroyable. C'est phénoménal.

La position de quart-arrière est la plus difficile au football. Jouer 16 matchs par saison dans la NFL, c'est « tough ». Lui, il a fait ça 15 saisons de suite.

Les quarts se font frapper à tous les matchs par des gars qui pèsent 75 livres de plus qu'eux, ils n'ont pratiquement aucun moyen de se défendre, ils touchent au ballon à chaque jeu. Le risque de blessure est énorme.

Mais Favre a joué en dépit des blessures pendant toute sa carrière. Il a joué avec des doigts fracturés, des chevilles foulées, des épaules disloquées, et j'en passe.

La plupart du temps, les quarts sont en mesure de jouer malgré les blessures, mais leur rendement écope. Pas Favre. Non seulement il avait la capacité de jouer blessé, il jouait aussi bien que quand il était en parfaite santé.

Qui plus est, il a joué à Green Bay, une ville où les conditions climatiques ne sont pas de tout repos : la neige, la pluie, le froid, le vent. On est loin d'un beau dôme où le terrain est protégé et où on évolue sur du beau gazon. Encore une fois, avoir joué dans ces conditions rend ses exploits encore plus méritoires.

Mon bon ami Matt Hasselbeck a joué avec Favre à ses débuts dans la NFL. Jamais il n'a parlé négativement de Favre. En plus, m'a souvent raconté à quel point Favre est un être humain terre-à-terre. Avec lui, rien de compliqué. Certaines vedettes se prennent trop au sérieux. Pas Favre. On a souvent l'image d'un gars avec qui tu vas prendre une bière et qui s'habille en jeans et t-shirt. Cette image colle en tous points à la réalité.

Mais par-dessus tout, Favre est un « tough » et le mot est faible. Il a été choyé par la nature d'avoir un corps aussi solide. Matt me disait souvent à la blague qu'il avait l'impression que Favre est fait en acier. Il semble indestructible. Si un joueur a besoin de deux semaines pour guérir une blessure X, Favre aura besoin de trois jours pour guérir la même blessure. Il a un seuil de la douleur au-delà du commun.

Entre les deux oreilles

Il est également « tough » entre les deux oreilles. Favre ne l'a pas toujours eu facile. En plus de devoir subir la pression quotidienne de jouer à la position de quart, Favre a vécu des drames intenses. Il a frôlé la mort après un accident de voiture au début des années '90. Mais il a continué. En 2004, son épouse a combattu un cancer du sein. Toujours en 2004, son beau-frère est décédé dans un accident de la route. Mais il a continué.

Mais l'événement qui illustre peut-être le mieux la force de caractère de Favre est survenu en 2003 : la mort de son père. Je ne suis certainement pas le seul à me souvenir de ce match. Non seulement Favre est-il sauté sur le terrain le lendemain, mais Favre a livré une des performances les plus mémorables de l'histoire de la NFL avec quatre passes de touché et des gains de 399 verges dans une victoire de 41-7 contre les Raiders d'Oakland. Digne d'un scénario d'Hollywood.

Je souhaite la meilleure des chances à Aaron Rodgers, celui qui doit succéder à Favre. Rodgers aura tellement de pression sur ses épaules. Tout le monde voudra qu'il remplace Brett Favre. Mais Aaron Rodgers n'est pas Brett Favre et il ne le sera probablement jamais. Des Brett Favre il n'y en aura jamais deux.

Propos recueillis par Sylvain Leclerc