Nous n’avons certes pas été déçus par ce 54e Super Bowl. Les Chiefs de Kansas City et les 49ers de San Francisco ont offert un excellent match.

Il était peut-être un peu plus défensif que prévu, mais en même temps, je ne peux en être étonné, car je l’avais mentionné lors de ma dernière chronique que cette possibilité pouvait arriver. Les défenses ont deux semaines pour se préparer et étudier l’adversaire, alors qu’il n’est pas rare de voir les joueurs offensifs être nerveux en début de rencontre.

Je me dois de féliciter les Chiefs pour leur victoire de 31 à 20. Encore une fois, ils ont fait le coup à leur adversaire en lui laissant un peu d’avance, mais ils ont su combler leur retard. C’était d’ailleurs la première fois qu’une équipe était en mesure de remporter le Super Bowl après avoir tiré de l’arrière par au moins 10 points lors de ses trois matchs en éliminatoires.

Il faut dire que cette remontée, alors qu’ils tiraient de l’arrière par 10 points, est impressionnante comme elle a été réalisée aux dépens de l’une des meilleures unités défensives. Je ne sais pas pour vous, mais après la deuxième interception de Mahomes, je commençais à croire que la situation était en train de leur échapper.

La formation de Kansas City a su faire preuve de résilience pour revenir dans le match. On entend souvent dire à quel point les Chiefs sont talentueux, rapides, bien dirigés, mais ils sont aussi très forts entre les deux oreilles. Pour avoir comblé autant de déficits, il faut savoir faire preuve de résilience.

Patrick Mahomes en est un bon exemple, car il s’est ressaisi au quatrième quart, alors qu’il ne cassait rien après trois quarts. Au final, c’était tout de même deux interceptions, 16 passes incomplètes et il a été victime de quatre sacs. Je ne crois pas que c’est arrivé souvent au fil de sa carrière qu’il soit confronté à autant d’adversité.

Le crédit revient ici aux Niners qui ont été en mesure de limiter les Chiefs durant trois quarts à des simples et des doubles, mais pas de coup de circuit. Celui-ci a cependant été frappé au quatrième quart.

Mahomes n’est pas le seul exemple de résilience, alors que Laurent Duvernay-Tardif a aussi été forcé de mettre de côté certaines erreurs et ennuis qu’a connus la ligne à l’attaque des Chiefs. C’est de mon côté ce que je regarde pour un joueur de ligne. Pour ces joueurs, ils vont se rappeler leurs pénalités ou leurs erreurs au fil du match. C’est important de voir comment ils ont rebondi après ses bévues.

Il faut dire aussi que LDT évoluait malgré une blessure à un mollet d’où encore une fois, une belle preuve de résilience de sa part. Il a su surmonter la douleur pour non seulement rester dans le match, mais contribuer à la victoire, alors que la protection à Mahomes a été de qualité en fin de rencontre.

Par la même occasion, c’est impossible que durant 75 jeux, tu aies le dessus 75 fois sur ton rival dans les tranchées. L’autre joueur aussi dans cette ligue a du talent et est payé pour ce qu’il fait, donc c’est normal que par moments il soit le meilleur. En plus, la ligne défensive des Niners était redoutable, mais la ligne à l’attaque des Chiefs a su tenir son bout.

Au football, ce n’est pas comme au hockey où c’est un 4 de 7 et qu’il y a possibilité de se reprendre. Les joueurs doivent vivre avec les hauts et les bas qui vont survenir et c’est de savoir comment ils vont gérer les mauvaises passes. Cet indicateur permettra d'identifier laquelle des formations soulèvera le trophée à la toute fin.

Plan raté pour les Niners

J’ai souvent répété à l’approche du Super Bowl qu’une des clés pour les 49ers s’ils souhaitaient l’emporter c’était de contrôler Mahomes en le forçant à rester dans sa pochette. Force est d’avouer que ça n’a pas été réussi, car on l’a souvent vu à l’intérieur de ses bloqueurs.

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Souvent, il parvenait à s’échapper en raison des stratégies employées par Andy Reid. Le premier jeu du match a été un jeu de l’option qui a mené à un gain de sept verges et c’est aussi avec cette tactique que le quart des Chiefs a inscrit son touché.

Le personnel d’entraîneurs des Chiefs était d’avis que pour ralentir les ailiers défensifs des Niners, il fallait utiliser plusieurs stratégies pour les faire réfléchir par deux fois au lieu de simplement s’élancer vers le quart. Reid avait orchestré un plan de match dans lequel la pochette protectrice de Mahomes était en mouvement.

Sinon, on a vu le quart utiliser lui-même ses jambes en courant et à d’autres moments, c’était Mahomes qui improvisait et gagnait du temps en se déplaçant, ce qui a permis à l’un de ses receveurs de se déplacer.

Cette stratégie était à ce point au cœur du plan de match des Chiefs, qu’elle est à l’origine de trois touchés. Il y a eu comme mentionné plus haut le jeu de l’option, mais Mahomes a aussi attaqué les périmètres pour la passe à Travis Kelce et celle à Damien Williams. L’idée était de laisser Mahomes se déplacer vers l’extérieur à l’intérieur du 10 verges des 49ers et ç’a porté ses fruits. Reid s’est tourné vers la bonne stratégie pour éviter que San Francisco puisse garder son quart dans sa pochette protectrice.

Une discipline qui a rapporté

Ce que j’ai aussi aimé du côté des Chiefs, c’est leur discipline avec le ballon en attaque. Après trois quarts, l’attaque n’avait généré qu’un seul jeu de plus de 20 verges, ce qui est habituellement leur marque de commerce.

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Kansas City est tout de même demeuré patient et au final, cette équipe a été méthodique avec un total de 75 jeux pour 33 minutes de temps de possession. Ce sont des chiffres que San Francisco aurait voulu avoir et non concédé le tout à leurs rivaux.

Même si au début de match, les séquences de plus de 10 jeux n’ont pas mené à des majeurs, elles ont rapporté en fin de rencontre. Avec plusieurs jeux, ils ont été en mesure de surprendre l’adversaire avec la même formation, mais un déploiement différent lorsque le ballon était levé. Les Chiefs ont surchargé l’unité défensive des Niners d’information et ceux-ci ont finalement concédé des jeux explosifs au quatrième quart.

Les Chiefs ont aussi profité de la fatigue accumulée chez les 49ers en raison de tous ces jeux exécutés en fin de rencontre. C’est au quatrième quart que nous avons vu Andy Reid opter pour l’attaque sans caucus. Il est vrai qu’à ce moment, Kansas City tirait de l’arrière, mais je suis d’avis que cette stratégie avait aussi pour but d’exploiter le manque d’énergie qui commençait à se faire sentir chez les joueurs défensifs. Au final, ils sont su empêcher l’équipe adverse de reprendre son souffle pour frapper fort.

La preuve que les Chiefs ont été patients, Williams a amassé plus de 100 verges au sol et ils ont effectué plus de courses que les 49ers dans ce Super Bowl (29 contre 22). Qui aurait misé sur une telle statistique avant la rencontre?

C’est aussi ça les Chiefs, alors que si les receveurs comme Tyreek Hill et Kelce sont doublés, Williams avait plus d’espace pour manœuvrer. Le scénario était parfait afin qu’il connaisse un bon match, car il oeuvrait contre une boîte défensive allégée en raison des ressources déployées pour contrer les receveurs. De plus, il est excellent à son tour pour manœuvrer lors des jeux de passes, dont les passe-pièges.

La véritable attaque des Chiefs

Toutefois, le réveil offensif des Chiefs est bel et bien survenu au quatrième quart après la deuxième interception de Mahomes.

La bonne nouvelle pour Kansas City, c’est que la défense a su freiner les Niners dès la séquence suivante et à forcer un dégagement. C’est à ce moment que les Chiefs ont mis la machine offensive telle qu’on la connaissait en marche.

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Ils ont enchaîné avec trois touchés et des longs jeux comme ils en ont le secret. On a notamment vu la récolte de 44 verges de Hill et celle de 38 verges de Sammy Watkins.

Les Chiefs au quatrième quart seulement, ce sont 31 jeux, 242 verges, une interception et trois touchés. Mahomes a pris les choses en mains lorsque ça comptait. Il a utilisé ses receveurs clés et il est allé chercher des premiers essais avec ses jambes.

C’est là que nous avons vu que la crème est remontée à la surface. D’un côté, Mahomes était en état de grâce, alors que Jimmy Garoppolo n’a pas su suivre la cadence. Les chiffres des Niners au quatrième quart indiquent sensiblement pourquoi ils n’ont pas su se sauver avec la victoire.

On parle d’un maigre total de 17 jeux pour 49 verges et trois premiers jeux. Il y a eu une interception en plus d’un quatrième essai raté. Garoppolo s’est contenté de trois passes complétées en 11 tentatives pour 36 verges et son interception.

Dans la bataille des quarts, Mahomes a livré la marchandise, alors que Garoppolo n’a pas été capable de suivre le rythme.

En même temps, je ne peux m’empêcher de questionner la sélection de jeux de Kyle Shanahan. Des 55 jeux des Niners, seulement 22 ont été des courses avec pourtant une moyenne de 6,4 verges par portées.

En fin de match, alors que oui ils devaient remonter le terrain, mais ils avaient encore du temps devant eux, ils ont effectué une seule course et le gain de 17 verges a été le plus élevé de la séquence.

Je comprends que les Chiefs avaient mis plusieurs joueurs à la ligne de mêlée et ils avaient pris le pari que Garoppole ne pourrait pas les battre avec son bras. Shanahan aurait peut-être dû commander plus de courses, mais il est aussi allé avec ce que la défense lui offrait. Dans le cas présent, Garoppolo n’a pas été en mesure de faire gagner son équipe, donc les Chiefs ont gagné leur pari.

Ce que je trouvais étrange dans cette sélection de jeux tardive, c’est que le jeu au sol était particulièrement efficace en début de rencontre. À ce moment, les Niners couraient vers les périmètres afin d’épuiser les ailiers défensifs des Chiefs. Le meilleur groupe dans l’unité défensive de Kansas City était sans contredit leurs joueurs de ligne, donc San Francisco a cherché à l’épuiser en courant vers les lignes de côté.

C’est à ce moment que les 49ers ont connu le plus de succès alors que c’était difficile de courir au centre du terrain.

Les feintes de jeu au sol ont aussi rapporté aux 49ers, alors que sur un premier essai, Kyle Shanahan s’assurait d’avoir une formation qui laissait croire en un jeu au sol, mais ensuite le centre du terrain était ouvert pour les receveurs qui couraient derrière les secondeurs, ceux-ci s’étant avancés pour contrer le jeu au sol potentiel.

Des ajustements ont aussi été apportés par la défense de Steve Spagnuolo, alors que le coordonnateur défensif des Chiefs n’a pas hésité à appliquer de la pression sur le quart adverse en fin de match. Il a misé sur le fait que le moment serait trop gros au Super Bowl pour Garoppolo et ce dernier a figé. C’est ce qui s’est produit, car sur un quatrième essai, il a été victime d’un sac du quart. Il n’a même pas tenté une passe pour espérer poursuivre leur séquence.

Une gestion qui soulève des questions

Cette fin de match est certes avalée de travers par les 49ers, car si on met de côté le quatrième quart, les Niners étaient en contrôle lors des trois premiers quarts. Je dois mettre de côté la fin du deuxième quart, car encore une fois, la sélection de jeu de l’entraîneur-chef des 49ers a laissé à désirer.

Il n’a pas voulu utiliser un temps d’arrêt pour éviter que les Chiefs écoulent du temps avant la remise et il a opté pour une sélection de jeu très conservatrice. Le match était pourtant égal, mais Shanahan s’est sans doute dit que ce pointage lui convenait alors qu’il allait recommencer au troisième quart avec le ballon.

Pourtant cette portion du match peut faire foi de tout. On la qualifie d’un segment de huit minutes qui comprend les quatre dernières de la demie et les trois premières du troisième quart. Au cours de cette période, une équipe peut conclure en force avant de retraiter au vestiaire et frapper tout aussi fort à son retour sur le terrain.

On a longtemps vu les Patriots de la Nouvelle-Angleterre œuvrer de la sorte  et faire mal à leurs adversaires au cours de ces huit maigres minutes.

Les Niners n’ont pas opté pour cette option, même si d’un côté il y avait l’attaque des Chiefs qui a marqué en moyenne 43 points en éliminatoires.

Malgré tout, les 49ers ont su se retrouver près du centre du terrain, mais ils ont été arrêtés à ce moment à la suite d’une pénalité qui a été décernée à George Kittle pour avoir causé de l’obstruction. J’y reviendrai un peu plus tard, mais je veux terminer mon point sur le message qu’envoyait l’entraîneur-chef à son attaque. Décidément, il ne leur faisait pas assez confiance pour aller inscrire des points avant de retraiter au vestiaire.

C’était aussi inusité de voir sur les caméras la réaction du directeur général John Lynch qui faisait le signe d’un temps d’arrêt de sa loge, mais il n’était décidément pas sur la même page que son entraîneur.

C’est pourquoi j’ai toujours dit que les entraîneurs ont tout un mot à dire dans l’issue d’un match de football. De son côté, Andy Reid a décidé d’y aller sur des quatrièmes essais et le résultat a été payant pour son équipe. D’un côté, Reid a été plus audacieux et il l’a remporté, alors que Shanahan a été plus conservateur.

L’entraîneur-chef des Chiefs était bien actif sur les lignes de côté, alors qu’il était en discussion avec son quart lorsque la défense était sur le terrain. Il se devait d’apporter des ajustements pour triompher et c’est ce que les Chiefs ont su faire.

On entend souvent au Super Bowl qu’il faut un plan de match pour la première demie, un autre pour la deuxième et une surprise. Le dernier élément, c’est parce que les équipes ont deux semaines pour s’étudier donc il faut quelque chose de spécial pour la fin du match.

L'arbitrage et un ultime bravo à LDT

Je veux glisser un petit mot sur l’arbitrage, car c’était un sujet chaud cette saison dans la NFL. On ne peut pas dire qu’ils ont pris contrôle du match, mais si vous êtes partisans des Niners, je comprends que certaines décisions vous aient frustrés.

Les Chiefs ont souvent été favorisées sur des jeux qui laissaient présager un doute. Le touché de Williams est un bon exemple, mais je suis d’avis que la décision sur le terrain allait demeurer. Le touché a été annoncé et il est demeuré. Je m’explique mal comment il se fait qu’au Super Bowl, il n’y avait pas une caméra parfaitement située sur la ligne de la zone des buts pour offrir un angle concluant, mais bon…

J’en ai glissé un mot plus tôt, mais la pénalité à Kittle en fin de deuxième quart a été coûteuse pour les Niners qui se seraient retrouvés sinon dans le territoire des Chiefs et ils auraient au moins inscrit trois points.

Mon problème avec cette pénalité, c’est que si on a accordé dans le passé le touché à Kyle Rudolph des Vikings, je ne peux pas croire que l’on va refuser cette passe à Kittle, alors qu’il étirait son bras, mais pas au point du joueur des Vikings. J’en conviens que je suis un partisan de l’attaque et qu’un joueur défensif peut très bien plaider que l’extension du bras devait être punie sur cette séquence. Je peux aussi l’accepter, mais c’est une décision qui n’a pas penché dans le cas présent pour San Francisco.

Le troisième point est survenu à un moment crucial du match. Après le touché de Kelce au quatrième quart, on sentait l’énergie revenue dans le camp de KC, donc San Francisco devait faire quelque chose avec le ballon.

Les Niners ont dû dégager après quatre essais, mais sur le troisième, je ne comprends pas qu’il n’y ait pas eu une pénalité à l’endroit de Ben Niemann pour une rudesse à l’endroit de Garoppolo. Il a frappé le quart avec son casque directement sur le menton de celui des Niners. On ne sait pas ce qui serait survenu s’il y avait eu une pénalité, mais les Niners n’auraient pas immédiatement dégagé.

Les officiels ont ainsi laissé les joueurs joués et même si ces décisions ont penché en faveur des Chiefs, les Niners n’ont pas perdu à cause des officiels. Le match s’est joué sur le terrain et ce ne sont pas les officiels qui ont volé le spectacle.

Je veux conclure en disant que c’était un privilège pour moi d’être sur place pour vivre cette première alors qu’un Québécois a remporté le Super Bowl. Lorsque je l’ai vu sur le podium avec le trophée dans les mains, je me suis dit que j’avais devant moi un ambassadeur incroyable pour le football canadien et québécois.

C’était tout un moment et je suis heureux d’y avoir assisté et de pouvoir vous le partager.

*Propos recueillis par Maxime Tousignant