Il n’y a maintenant aucun doute que le match de dimanche mettant aux prises les Seahawks et les Patriots sera l’émission de télévision la plus regardée dans l’histoire des États-Unis.

Non seulement avons nous en place les deux meilleures équipes de la ligue, meneurs dans leur association respective, mais l’histoire des ballons dégonflés, soit le « deflate-gate » et ses implications, nous assure qu'encore plus de gens seront rivés à leur téléviseur dimanche soir à 18 h 30 en direct de Glendale, Arizona. Le match de l’an dernier opposant ces mêmes Seahawks aux Broncos de Denver avait attiré pas moins de 111,5 M de téléspectateurs, avec une cote d’écoute de 46,6 et une part de marché de 69, ce qui veut dire que 69 % des téléviseurs allumés aux États-Unis à ce moment étaient fixés sur le match du Super Bowl.

Il nous est parfois difficile comme Canadien de comprendre l’ampleur du Super Bowl et l’immense popularité du football aux États-Unis. Nous ne saisissons pas la portée réelle des chiffres du paragraphe précédent. Le football est et sera toujours la « passion » des Américains. Cette dernière s'inscrit dans l'histoire américaine. C'est au milieu du 17e siècle qu'on marque les débuts du football. Initialement, ce ne sont que de simple jeux de ballons plutôt désorganisés.

Avec le temps, les règles se précisent et on peut dire que l'ère moderne, elle, débute avec l'arrivée du football professionnel en 1892 et la formation de l'« American Professional Football Association » en 1920. Ce sport exulte la passion et le fanatisme comme aucun autre sport pour les américains. Le football regroupe les individus, particulièrement les hommes, et possède un peu un effet tribal. Si le basketball est le sport le plus populaire en terme de participation chez les hommes et femmes aux États-Unis, c’est le football qui est de loin le sport le plus populaire en terme de consommation pour nos amis du sud.

Et cette popularité semble n’avoir aucune limite. La NFL a connu une saison de misère suite aux comportements indécents de plusieurs joueurs en dehors du terrain. À cela s’ajoute plusieurs décisions controversées lors des matchs et un mini-scandale de ballons dégonflés impliquant une des équipes participant au Super Bowl. Malgré tout, on aura droit à des chiffres records à plusieurs niveaux ce dimanche. La NFL jouit d’une cote de popularité qui la rend pratiquement intouchable. Les partisans regardent avec attention les matchs, suivent les controverses hors-terrain, mais ne perdent jamais leur appétit pour le produit.

Par contre, trop souvent depuis quelques années, la NFL doit gérer le comportement inadéquat de certains de ses joueurs. Lorsqu’on se rappelle l’incident Ray Rice et surtout, les hésitations de la ligue face à l'imposition d'une sanction, ou encore, le mystère autour de la vidéo de cet épisode malheureux, on se rend compte, quelques mois plus tard, jusqu'à quel point les gens oublient vite. Aujourd’hui, plusieurs équipes évaluent la possibilité d’offrir un contrat à Ray Rice pour la saison 2015.

Il y a eu aussi un drame relié à la vie personnelle d’un des meilleurs joueurs de la ligue, Adrian Peterson, des Vikings du Minnesota. Ce dernier a dû faire face à la justice pour avoir infligé des blessures corporelles à son garçon de quatre ans l’an dernier. Peterson, qui aspirait à devenir d’ici quelques années le meilleur porteur de ballons de l’histoire de la NFL, ne sait même pas s’il aura la chance de jouer de nouveau au football. Pendant ce temps, les Panthers de la Caroline avaient cru bon garder le secondeur Greg Hardy dans l’alignement en début de saison, même si ce dernier avait été reconnu coupable d’assaut et de violence conjugale envers sa conjointe en 2014.

Il y a également le cas de Marshawn Lynch, des Seahawks, qui refuse systématiquement de répondre aux questions des journalistes lors des points de presse du Super Bowl. Il ridiculise la structure en place avec les médias. Il compromet le mécanisme même qui a permis à la NFL de devenir si populaire. Et personne ne réagit. Quelques petites amendes par dizaine de milliers de dollars n’affecteront en rien le comportement de Lynch.

Lorsqu’on prend un moment pour se pencher sur le sérieux de ces problèmes pour la NFL, sans oublier la tragédie impliquant Jovan Kelcher des Chiefs de Kansas City qui en décembre 2012 avait tué sa conjointe avant de se suicider devant le complexe d’entrainement du club, on réalise que la ligue doit passer par une profonde période de réflexion et revoir son approche quant à la gestion du comportement des joueurs à travers la ligue avant, durant et après chaque saison.

Comme dans toutes les ligues, les joueurs ont une obligation de participer à des séances d’orientation, des discussions sur la gestion de crise, la psychologie sportive, la communication et les relations avec les médias, ainsi que des cours sur la préparation à gérer leur après-carrière, etc. Les ressources sont nombreuses et la grande majorité des joueurs se comportent de façon exemplaire dans leurs communautés respectives. Mais il suffit de quelques cas isolés pour peindre une image très négative sur la ligue entière et ultimement, affecter l’industrie du football en Amérique. La NFL peut faire mieux. Elle doit revoir son approche, se moderniser, modifier ses règles dans des cas de violence conjugale, afin de prévenir le genre de situations que nous avons vu en 2014.

Le commissaire Roger Goodell doit assumer une part de responsabilité pour cette saison difficile. Il a été lent et maladroit dans ses jugements, et a manqué de fermeté dans sa gestion des crises, en particulier celles impliquant Ray Rice et celle affectant le Super Bowl actuellement, soit le « deflate-gate » des Patriots. Parce qu’ultimement, si le phénomène se continue en 2015, la NFL, malgré ses profonds liens émotifs avec les Américains, pourrait voir son image être affectée, et même se voir confronter à une baisse de sa popularité, autant chez ses partenaires d’affaires que chez ses partisans.