On ne se fera pas de cachette, c'est de moins en moins évident de venir enfiler les épaulettes pour s'entraîner.

En s'inclinant contre les Chargers de San Diego en fin de semaine, notre cinquième défaite de suite, nos chances de participer aux éliminatoires en ont pris pour leur rhume. Mathématiquement, nous sommes encore en vie, mais si on regarde ça de façon plus réaliste, ça ne regarde pas bien. Encore quatre matchs à jouer et nous accusons un retard de trois parties sur les meneurs de notre division.

Bref, notre chien n'est pas mort, mais il n'est pas fort.

L'atmosphère n'est pas idéale dans l'entourage de l'équipe, mais notre entraîneur ne rend pas les choses invivables. Il en prend beaucoup à Herm Edwards pour qu'il s'emporte. En fait, je crois que je ne l'ai jamais vu crier depuis que je suis ici. Étant lui-même un ancien joueur, il sait très bien ce qu'on vit présentement et il a une bonne idée de la façon de s'y prendre pour faire passer son message.

L'important pour lui présentement, c'est de ne pas perdre de joueurs, de s'assurer que personne n'a fait ses valises avant le temps et ne se présente que pour ramasser son chèque de paie. Son discours est donc beaucoup axé sur la fierté et l'honneur.

De toute façon, au football, un joueur doit toujours faire ses preuves. À l'exception peut-être de quelques joueurs vedettes, personne ne peut rien prendre pour acquis. D'ici la fin de la saison, les entraîneurs se serviront de chaque match pour préparer la prochaine saison et les joueurs seront constamment évalués.

La situation qu'on vit actuellement me fait penser à ma première année à Seattle. On avait traîné de la patte pendant toute la saison et on avait terminé avec une fiche de 6-10. C'était évident que certains gars avaient lâché. L'atmosphère n'était pas trop rose et les journées à l'entraînement étaient pénibles, d'autant plus que Mike Holmgren était du genre colérique et n'hésitait pas à passer un savon à ceux qui n'en donnaient pas assez à son goût.

Je mentirais si je disais que le climat qui règne présentement dans l'entourage de l'équipe ne m'affecte pas - tout athlète professionnel veut connaître du succès, veut gagner - mais il faut se dire qu'il y a pire. Et puis, gagne ou perd, mon travail ne change pas. Quand j'embarque sur le terrain, qu'on ait une fiche de 4-8 ou 12-0, ça ne change rien. Tout le monde devrait aborder son travail de cette façon.

Dans le fond, je suis chanceux parce que c'est seulement la troisième fois de ma carrière que mon équipe ne se bat pas pour une place en éliminatoires en fin de saison.

La ligne est mince entre l'échec et le succès

On ne le disait peut-être pas à haute voix, mais tout le monde savait que cette année allait en être une de reconstruction pour les Chiefs. À ma saison recrue à Seattle, c'était l'An II de l'ère Holmgren et l'équipe tentait de rebâtir sur de nouvelles bases. Ici, c'est la même chose, puisqu'on est dans la deuxième année du régime Edwards.

Avant mon arrivée, il y a eu de gros changements, plusieurs vétérans ont été libérés. Quand on veut faire le ménage et repartir avec les jeunes, il y a une période plus difficile d'un an ou deux qu'il est presque impossible d'éviter. L'année passée, les Chiefs avaient quand même réussi à se qualifier pour les éliminatoires de justesse, mais le certain relâchement qu'on observe cette année ne devrait surprendre personne.

Je crois que notre défensive n'a rien à envier aux autres unités de la NFL. C'est à l'attaque qu'il reste à mettre les choses au clair et apporter les ajustements qui s'imposent.

Première des choses, il faudra décider qui est le quart-arrière de cette équipe et bâtir autour de lui. À ce niveau, je crois qu'il est évident qu'on donnera toutes les chances à Brodie Croyle de réussir.

Croyle n'est pas si mal entouré. Tony Gonzalez n'a plus besoin de présentation, lui qui est sans aucun doute le meilleur ailier rapproché de la Ligue. Encore cette année, il se dirige vers une saison de 1000 verges. Larry Johnson a connu une saison difficile, mais on sait tous de quoi il est capable et j'ai confiance de le voir revenir en force l'an prochain. Kolby Smith pourrait nous permettre d'avoir un redoutable duo dans le champ arrière s'il continue de se développer à ce rythme. Puis il ne faut pas oublier Dwayne Bowe, une future vedette.

Le problème n'est donc pas au niveau des cibles offertes au quart-arrière. Il est au niveau du temps qui lui est alloué pour les repérer. Notre ligne offensive ne s'est toujours pas remise des départs de Willie Roaf et Will Shields, deux gars qui s'en vont directement au Temple de la renommée. Des joueurs de cette trempe ne se remplacent pas en criant ciseaux et en ce moment, la composition future de notre ligne est un peu inconnue.

En haut, en bas

Tout n'est pas négatif dans notre série de cinq défaites et plusieurs signes me permettent d'être optimiste quant à l'avenir.

Premièrement, l'issue de deux de ces matchs, ceux contre les Colts et les Raiders, aurait pu être bien différente si on n'avait pas raté des placements assez faciles. Mon but n'est pas de diriger le blâme vers les botteurs, mais seulement de faire remarquer que notre situation pourrait être bien différente si ces petits détails avaient tourné à notre avantage.

Il y a aussi le fait que dans chacun de ces matchs, nous étions dans le coup - ou mieux encore, en avance - à la mi-temps. Mais notre incapacité à mettre le match hors de portée de nos adversaires en deuxième portion du match nous a tués. On n'a accordé qu'un seul touché à nos six derniers matchs en première demie, mais pour une raison qu'il m'est impossible d'expliquer, on trouve toujours le moyen de s'effondrer en fin de match. Le fait que notre offensive a de la difficulté à demeurer sur le terrain n'aide certainement pas la cause de la défensive et le facteur fatigue finit probablement par entrer en ligne de compte, mais ça ne peut pas être que ça…

Pourtant, tout le monde est conscient du problème et on se le fait constamment répéter. Dimanche, nous affronterons les Broncos à Denver et depuis le début de la semaine, nos entraîneurs ont pris soin de nous donner en exemple la dernière fois qu'on les a affrontés. On menait par deux points à la demie, mais il n'y avait pas une minute et demie d'écoulée au troisième quart qu'on tirait de l'arrière par 12. Un revirement de 14 points en moins de deux minutes!

On dit souvent que le football est un sport de momentum et que celui-ci peut changer à tout moment. Ceux qui en doutent n'ont qu'à regarder nos matchs.

Les mains du cow-boy

Je sais que je vous ai déjà parlé de Jared Allen, mais c'est difficile de passer sous silence le jeu qu'il a réalisé en première demie contre les Chargers. Non, je ne parle pas de l'un de ses deux sacs du quart, mais bien de la passe de touché qu'il a captée pour nous donner les devants 10-3.

Vous avez bien lu. C'est un ailier défensif qui a inscrit notre seul touché du match dimanche dernier. Mais quel touché!

Pendant la semaine qui avait précédé le match, les entraîneurs nous avaient fait savoir qu'ils allaient inclure Allen dans la formation visant à aller chercher de courts gains à la porte des buts. Il s'agissait du jeu classique qui consiste à le déguiser en ailier rapproché, lui demander de bloquer pendant quelques secondes pour ensuite aller se nicher dans le fond de la zone des buts pour surprendre l'adversaire.

Les conditions n'étaient pas idéales pour que le jeu fonctionne. Non seulement le vent était fort, ce qui rendait la trajectoire du lobe du quart-arrière difficile à juger, mais la défensive n'a pas mordu à notre stratégie et Allen était surveillé étroitement par un demi défensif quand il s'est dirigé dans la zone des buts. C'était un jeu à faible pourcentage de réussite pour un ailier rapproché régulier, alors c'était assez impressionnant de voir un gars qui n'avait jamais capté une passe de sa vie réussir un attrapé aussi spectaculaire.

Je vais me répéter, mais ce Jared Allen est tout un joueur de football. Je n'en reviens pas comment il est athlétique. Il est explosif et tenace, son moteur n'arrête jamais de tourner. Il ne prend congé sur aucun jeu. C'est une machine. C'est un des rares joueurs qui parvient à combiner à ses habiletés naturelles un désir sans borne de bien faire. Évidemment, le succès ne lui est pas tombé du ciel et il met les efforts qu'il faut pour réussir, mais ça reste tout un phénomène.

Quand on sait à quel point il est talentueux, il n'y a rien de surprenant dans le fait qu'il domine la NFL pour les sacs du quart. Ce qui rend ses statistiques surprenantes, c'est qu'il ne joue pas pour une équipe exceptionnelle. Souvent, les joueurs qui vont parvenir à amasser plusieurs sacs jouent pour des équipes dominantes contre qui l'adversaire n'a d'autres choix que de passer le ballon à profusion pour revenir de l'arrière en deuxième demie. Dans ces situations, les joueurs de ligne défensive savent ce qui s'en vient et peuvent se permettre d'anticiper leurs gestes. Ce n'est pas ce qui se produit contre nous. Les Chargers n'ont tenté que six passes en deuxième demie dimanche! Mais Jared continue d'empiler les sacs.

C'est pas chaud!

Vous l'avez peut-être remarqué, mais il faisait un froid de canard à Kansas City en fin de semaine. Le mercure n'était peut-être pas dans le négatif, mais le vent assez violent rendait les conditions difficiles pour les joueurs. Je me suis vite rendu compte, à mon arrivée ici, qu'il ventait tout le temps à K.C., mais je crois que je n'avais jamais joué dans un vent si puissant que dimanche.

Évidemment, l'aspect du jeu dans lequel je suis surtout impliqué - les bottés de dégagement - est grandement affecté par le facteur éolien. En plus, dans un gros bol comme le Arrowhead Stadium, le vent est un élément imprévisible. D'un côté du terrain, le vent peut être en ligne droite et de l'autre, il va descendre en tourbillonnant. Dimanche, on a vu des dégagements de 30 verges et on en a vu de 80 verges.

En ce qui concerne l'exécution de mon travail, c'est certain que le vent ajoute un certain degré de difficulté. Je dis toujours à notre botteur, Dustin Colquitt, que c'est dans ces moments-là qu'on mérite notre salaire. La clé pour moi, quand le vent souffle dans le sens inverse de ma remise, c'est de m'assurer de conserver une spirale bien serrée, comme un quart-arrière dans le fond, sinon le ballon peut partir dans toutes les directions. Mon niveau de concentration - sur la vitesse de ma remise, mais aussi sur la précision - doit être accru, mais dans le fond j'exécute mon mouvement avec la même technique. C'est plus mental que d'autre chose.

Et pour ceux qui se posent la question, non, on n'a toujours pas reçu de neige à Kansas City. La plupart du temps, le mercure oscille entre cinq et dix degrés. Parfois, ça descend sous zéro quand on se lève le matin, mais ça n'a rien à voir avec Montréal. J'ai entendu dire que vous avez reçu une bonne bordée!

Me voyez-vous avec une chemise hawaïenne?

J'aimerais vous glisser un mot sur Dustin, notre botteur de dégagement, clairement l'un des meilleurs de sa profession. En fin de semaine, il a réussi, avec un peu d'aide du vent, un impressionnant botté de 81 verges. Les pieds ancrés profondément dans notre territoire, il est passé à un cheveu de faire sortir le ballon à la ligne d'une verge des Chargers.

Malheureusement, il a choisi la mauvaise année pour connaître la meilleure saison de sa carrière. Malgré ses succès, ses chances d'être élu au Pro Bowl sont presque nulles parce que son collègue des Raiders, Shane Lechler, connaît une année comme on en a rarement vu dans l'histoire de la NFL. Il a toujours été bon, mais là ses statistiques sont presque ridicules. S'il continue au même rythme, sa moyenne battra le record de tous les temps par plus de trois verges.

Je vous vois venir avec votre question. Les spécialistes des longues remises ont-ils leur place au Pro Bowl?

La NFL a commencé à les inviter il y a deux ou trois ans. Par contre, contrairement aux joueurs réguliers, les amateurs ne peuvent les élire en votant sur Internet. Le spécialiste des longues remises du Pro Bowl est plutôt choisi, environ une semaine avant le match, par le personnel d'entraîneurs de chaque association, c'est-à-dire celui de l'équipe qui s'est inclinée en finale de sa conférence.

Comme c'est une position que l'absence de statistiques rend difficile à évaluer, les décideurs vont souvent se contenter d'inviter le coéquipier du botteur de dégagement qui a été élu. Il peut aussi arriver qu'ils fassent appel à un joueur qu'ils connaissent bien. Par exemple, mes chances seraient bonnes si je jouais dans l'Association nationale et que la décision revenait aux entraîneurs des Seahawks.

Je connais une très bonne saison et j'aimerais bien y aller. Ça serait toute une expérience, mais bon, on verra…

*Propos recueillis par Nicolas Landry