Pierre-Luc Dubois aurait dû être le visage de la franchise des Blue Jackets de Columbus pour plusieurs années. Les Jackets ne se trouvent pas en position de force dans des négociations avec les autres clubs car sa situation place son équipe dans un étau.

Si j'étais Columbus, je ne serais pas pressé de l'échanger, mais l'équipe ne peut pas étirer l'affaire trop longtemps non plus, car ça va devenir une distraction. À long terme, ça va faire mal si les résultats ne sont pas  au rendez-vous sur la patinoire.

J'ai vécu une situation semblable, quoique pas identique, avec les Flyers de Philadelphie et Peter Forsberg qui voulait tester le marché des joueurs autonomes en 2007. On avait cherché à le convaincre de rester avec nous parce qu'il était un leader dans le vestiaire, mais ça reste que c'était un sujet de conversation autour de l'équipe et d'une certaine façon, c'était devenu une distraction. Finalement, il avait été échangé à Nashville.

Il y a des rumeurs qui ont été lancées à l'effet que le Canadien serait sur les rangs pour obtenir les services de Dubois.  Je ne doute pas que Marc Bergevin soit intéressé par le joueur, mais qui ne le serait pas ?  À son jeune âge, il a déjà trois saisons dans la LNH. Il est un gros centre offensif qui joue dans les deux sens de la patinoire. Il est alléchant, mais à quel prix ?

Au-delà des joueurs de talent à donner, il y a un prix en argent pour le Canadien qui doit respecter son plafond salarial.

Les rumeurs impliquent des joueurs comme Jesperi Kotkaniemi et Nick Suzuki, mais il faudra donner des joueurs de trois ou quatre millions pour absorber le salaire de Dubois.  Je crois en l'intérêt, mais je ne suis pas convaincu que c'est réalisable.

Personnellement, il n'y a pas beaucoup d'intouchables chez le Canadien, mais Suzuki en fait partie. Même à un contre un, je n'échangerais pas Suzuki, car son plafond offensif est supérieur à celui de Dubois.

J'ai moins de problèmes si l'on parle de Kotkaniemi, de Cole Caufield et des choix au repêchage. Il faudra aussi céder un joueur actif pour libérer de la place sous le plafond, mais je ne ferais pas de surenchère parce que c'est un Québécois qui veut venir ici.

Chez les ailiers, celui dont je serais le plus réticent à laisser partir est Brendan Gallagher, mais s'il fallait sacrifier un gars comme Jonathan Drouin ou Phillip Danault pour entrer dans les exigences salariales et s'améliorer, je pense que je le ferais.

Ça me ferait de la peine de voir quelqu'un que j'aime partir, mais si en fin de compte, ça me donne un meilleur club, je bougerais, surtout si ça me donnait un joueur de centre qui a le potentiel d'être ton numéro un ou numéro deux si l'on considère que Suzuki est le numéro un.

Un premier match qui rassure

Le premier match de la saison du Canadien contre les Maple Leafs de Toronto m'a procuré plusieurs réponses à mes questions.

J'ai constaté que le Canadien était un club plus dynamique, plus profond en attaque et avec une défensive qui est difficile à affronter. Même si le Canadien a accordé cinq buts, je pense qu'individuellement, il sera difficile de jouer contre les défenseurs montréalais. La partie s'est jouée au niveau systématique contre une attaque A+ des Leafs.

Globalement j'ai aimé ce que j'ai vu des nouveaux joueurs comme Tyler Toffoli et Josh Anderson. Ils ont bien répondu à l'appel. J'aime la composition de cette équipe et j'estime que le potentiel est réel. Il suffit de tout mettre ensemble et que la chimie s'installe au sein du club.

Aucun club n'a eu droit à une partie préparatoire, ce qui veut dire que cela va demander un peu de temps pour mettre en place un système. Ça prend plus que dix jours d'entraînement pour bien inculquer un système. Généralement, un camp dure 21 jours et les joueurs ont besoin d'une période de cinq à dix matchs pour s'adaper au système.

Ç'a été un bon test pour le Canadien qui aurait pu l'emporter si ce n'avait pas été des pénalités en deuxième période. La rencontre était à la portée du club, qui n'a pas été capable de fermer la porte. Je pense que pour Claude Julien, ce sont des signes très encourageants malgré tout.

Alexander Romanov : au-delà des attentes

Alexander Romanov a joué 21:30 et il les méritait, car il a été capable de les assumer. Il a démontré beaucoup de calme pendant le match et une bonne vision du jeu. Les choses n'étaient pas parfaites, mais ça ressemblait pas mal à ce que l'on nous avait vendu.

En attaque, il a été au-delà des attentes. On l'a vu tenter des jeux en avantage numérique où il a été excellent alors que d'autres fois il a été chanceux.

On  a pu remarquer une grande confiance en ses moyens dès sa première présence avec une passe en plein centre sur une distance d'environ 70 pieds.  Il a beaucoup d'audace, sans crainte et sans peur. Il me démontre qu'il est joueur au niveau de la LNH et qui est capable de prendre des minutes.  Je pense qu'il va s'adapter très rapidement à son nouvel environnement.

Sans mettre la barre trop haute, je suis emballé par ce que j'ai vu de Romanov, mais je ne veux pas tomber dans le piège d'aller trop vite avec un jeune joueur.  L'échantillon est encore très court, mais le potentiel est là. Avant longtemps, on pourrait lui donner des responsabilités sur une deuxième paire de défenseurs.

Ce n'est pas un gars qui sort des rangs juniors. Il a de l'expérience avec des hommes en KHL, ce qui devrait faciliter l'adaptation à son nouvel environnement. Il a changé de continent, de pays, de ligue et de grandeur de patinoire. Ça lui fait beaucoup d'adaptation à faire en peu de temps, mais je crois que ce sont des choses qui vont rentrer dans l'ordre assez rapidement. À Los Angeles, j'ai joué avec Drew Doughty qui n'avait que 18 ans à ses débuts et il jouait déjà plus de 22 minutes par partie parce qu'il était prêt.

Il y a d'autres joueurs à qui ça va demander plus de temps et qui vont percer la formation à 22 ou 23 ans et ne seront qu'un sixième défenseur. Bien sûr, c'est un cheminement individuel, mais dans le cas de Romanov, il est arrivé à terme et il est prêt à contribuer. On l'a vu aussi compléter ses mises en échec. Plus ça va aller, plus l'on voudra lui donner un rôle.

Romanov est bien entouré chez le Canadien avec des vétérans comme Shea Weber, Jeff Petry et Ben Chiarot. Il joue devant Carey Price, ce qui est de nature à calmer le jeune. Il y a aussi Gallagher et Danault parmi les vétérans. Le vestiaire du Tricolore semble uni et les gars veulent jouer l'un pour l'autre. De commencer sa carrière dans un environnement positif et avec un club qui devrait connaître du succès, c'est excellent. À mes yeux, ce sont des aspects positifs pour un jeune européen qui débarque à Montréal.

*propos recueillis par Robert Latendresse