Guy Lafleur a donné le ton à la saison en se présentant dans l'entrée de la patinoire avec le flambeau symbolique que les joueurs du Canadien ont le devoir de défendre en tout temps. Pendant que tous les yeux étaient rivés sur Flower, que la foule applaudissait à s'en rougir les mains, le Québécois que Marc Bergevin a sorti de son chapeau au cours de l'été, Daniel Brière, est arrivé de nulle part et a pris possession du flambeau tendu par Lafleur.

Brière a patiné jusqu'au centre de la glace, a brandi bien haut le flambeau et a reçu une ovation qu'il n'aurait pu anticiper dans ses plus beaux rêves en raison des circonstances que l'on sait. La page a été tournée. Le public, qui s'est levé pour l'applaudir, lui a confirmé qu'il n'a plus rien à craindre.

Brière, qui jouait probablement dans les rues de Gatineau avec un chandail numéro 10 sur le dos, s'est vu investir de la responsabilité d'être un gagnant par le plus grand héros de son époque. Après ce moment d'une grande signification, il a finalement disputé un premier match avec le Canadien à quelques jours de son 36e anniversaire de naissance. Il s'en est fallu de peu pour qu'il ne porte jamais ce dossard.

Pourtant, il aurait fort bien pu passer toute sa carrière à Montréal si les planètes avaient été alignées il y a 17 ans. Comment le Canadien et les partisans de l'équipe pouvaient-ils lui en vouloir d'avoir choisi les Flyers en 2007 quand l'équipe avait levé le nez sur lui en deux occasions. Une fois au repêchage et à une autre occasion, au ballottage.

Quand Phoenix en a fait son choix de première ronde en 1996 (24e), le Canadien a réclamé un autre joueur de centre, Matt Higgins (18e), plus grand et plus gros que lui. Or, le joueur qu'on a préféré à Brière a marqué un but en 55 parties dans la Ligue nationale. Brière, qu'on trouvait trop petit, trop frêle, frappe à la porte des 300 buts et des 700 points en carrière.

Il vient de terminer son 16e camp d'entraînement professionnel. Un camp qui a eu peu de choses en commun avec les 15 premiers. À Phoenix, à Buffalo et même à Philadelphie, la ville ne vibre pas au rythme du camp d'entraînement de ses formations locales.

« J'ai été étonné de l'attention qu'on m'a portée et qui a été portée à l'équipe par les médias et les amateurs, dit Brière. Pour un match des Blancs contre les Rouges au troisième jour du camp, il y avait 21 000 spectateurs. C'était impressionnant de voir cela. J'ai essayé de profiter au maximum de tout ça, mais je ne sais pas si j'aurais apprécié tout cela de la même manière à 20 ou 21 ans. »

Brière a vu neiger au cours des 15 dernières années. C'est un homme beaucoup plus mûr qui a choisi le Canadien au cours de l'été. Peut-être aurait-il été écrasé par la pression s'il était débarqué au Forum, reconnu comme la cathédrale du hockey, à 20 ans.

 « C'est une chose que je ne saurai jamais, affirme-t-il. J'étais moins mature. J'étais probablement moins fort mentalement que je le suis aujourd'hui. Cependant, il y a un aspect de ma personnalité qui m'incite à croire que j'aurais pu passer au travers des difficultés. Je suis une personne qui ne lâche pas quand ça va mal. Je continue de persévérer. J'ai traversé des moments difficiles durant ma carrière quand on m'a plusieurs fois retourné dans les mineures et quand on m'a soumis au ballottage sans que je sois réclamé. J'aurais peut-être pu m'en tirer à mes débuts ici, mais j'ignore si j'aurais pu apprécier le moment autant qu'aujourd'hui. »

Les gens, qui ont maugréé quand Marc Bergevin l'a embauché, se sont faits discrets depuis son arrivée. Les critiques se sont essoufflées avec le temps. Bien sûr, on lui a posé quelques questions dans la rue. Toujours les mêmes concernant son refus de jouer à Montréal, il y a cinq ans. « Je m'attendais à pire », dit-il simplement.

Certes, c'est de l'histoire ancienne, mais il y a des gens qui ont la mémoire longue. Toutefois, un vrai fan peut-il tomber à bras raccourcis sur un athlète qui se présente dans le vestiaire du Canadien avec la ferme intention de faire une différence? Ce n'était pas pour une question de hockey qu'il avait choisi les Flyers. Brière s'est toujours opposé à lever le voile sur les vraies raisons de ce refus et ce n'est pas aux médias de le faire à sa place quand il s'agit d'une chose qui relève de la vie privée.

Ce qu'on retient, c'est que le Canadien de l'époque a tout fait pour le convaincre de poursuivre sa carrière à Montréal, lui offrant un contrat similaire à celui qu'il a accepté des Flyers, soit 52 millions $ pour huit ans. Il a touché 47 millions de cette entente au cours des cinq dernières saisons avant qu'on rachète les deux dernières années de ce contrat cet été pour une somme qui lui permettra de percevoir 833 333 $ dans chacune des quatre prochaines saisons.

Le premier juillet 2007, Brière patientait dans le bureau de son agent en Californie pendant que Pat Brisson était occupé à négocier avec le Canadien et plusieurs autres formations. Le propriétaire George Gillett, guidé par Bob Gainey, était si convaincu qu'il accepterait son offre qu'il avait envoyé son jet privé à Los Angeles pour le ramener à Montréal avec sa famille. L'avion est resté vide sur le chemin du retour.

Quand l'appareil est arrivé à Los Angeles et que Brière n'a pas embarqué, comment s'est-il senti sur le coup?

« Il y avait plusieurs équipes dans la course, rappelle-t-il. Je savais au départ que j'allais décevoir plusieurs organisations dans ce processus. Il n'y a pas de doute que je me sentais mal de devoir tourner le dos à plusieurs formations qui m'avaient fait des offres supérieures à tout ce que j'avais anticipé. Jamais je n'avais imaginé toucher autant d'argent pour jouer au hockey. Quant à la question de l'avion, d'autres équipes m'avaient proposé le même traitement.»

Cette fois-ci, c'est la bonne

Plusieurs ont pris la chose avec un grain de sel quand Marc Bergevin a déclaré que Brière a choisi le Canadien. Encore plus quand le principal intéressé a souligné qu'il tenait à tout prix à porter le chandail du Canadien. Compte tenu de ce qui s'est passé il y a cinq ans, on pouvait certes en douter.

À la lumière de ce qui va suivre, il n'est plus permis d'en douter. Après le rachat de son contrat par les Flyers, pas moins de 16 équipes sont entrées en contact avec son agent. Vers la fin des pourparlers, cinq formations lui offraient autant d'argent que le Canadien. Il restait trois équipes dans la course quand Brière a choisi le Canadien. Ailleurs, on s'était même dit prêt à ajouter plus d'années à l'entente de deux ans qu'il a acceptée. Il ne s'est pas laissé tenter par la perspective de se protéger durant une plus longue période.

« Honnêtement, non, dit-il. Et ce, pour deux raisons. D'abord parce que c'est ici que je voulais jouer. Deuxièment, à mon âge, je ne voulais pas prendre une organisation à la gorge avec un contrat de quatre ans. J'ai vécu cela à Philadelphie l'an dernier. Ça ne me tentait pas de revivre cette situation une seconde fois. À mon âge, un contrat de deux ans me semblait approprié. »

Il aura 36 ans dimanche. Il joue encore d'une façon dynamique. A-t-il l'impression certains jours de patiner sur des jambes de 30 ans?

La question le fait rigoler. « Compte tenu de la source de motivation que représente ma présence dans le chandail du Canadien et de mon ardent désir de faire la démonstration que ma saison décevante de l'an dernier était un accident de parcours, j'ai de l'entrain. Je me sens jeune. J'ai l'impression d'avoir des jambes de 23 ou 24 ans, mais on s'en reparlera en janvier ou en février », déclare-t-il dans un éclat de rire.

Brière, qui est considéré par certains joueurs de la ligue comme l'un des athlètes les plus salauds du circuit, s'est chamaillé avec Plekanec et Eller à l'entraînement. Il s'est aussi empoigné avec Prust.

« Ce sont des incidents qui arrivent, mais au bout du compte, on travaille tous ensemble dans le même but, explique-t-il. C'est la même chose avec les amateurs. On est tous dans la même équipe. J'espère qu'ils voudront nous aider. »

Il est toujours en quête d'un premier but dans son nouvel uniforme. Ce n'est pas une source d'inquiétude pour lui. Quand il est question de ses objectifs pour la saison, il ne les traduit pas en chiffres. Il veut participer aux séries et établir une bonne chimie avec Max (Pacioretty) et David (Desharnais).

« Et je veux être un joueur sur lequel Michel Therrien pourra compter », conclut-il.

 

 

 


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