C'était beaucoup trop leur demander que de prolonger la série avec autant de joueurs dans la clinique. Ils ont bien essayé, mais on aurait dit que cette série, dans son ensemble, n'était pas faite pour eux parce qu'ils ont fait face à plus d'adversité qu'ils pouvaient en prendre.

Michel Therrien a résumé la chose par une phrase réaliste: «Disons que nous avons eu beaucoup de malchance au cours des deux dernières semaines», a-t-il laissé tomber, la mine  fatiguée. Difficile de le contredire.

La série a été très mal amorcée quand celui qui ressemblait le plus à un joueur de centre numéro un, Lars Eller, a quitté la patinoire sur une civière. Puis, les blessures se sont accumulées à un rythme effarant, obligeant le Canadien à  vendre chèrement sa peau après avoir perdu six joueurs au combat: Eller, Price, Gionta, Prust, White et Emelin. Du nombre, trois joueurs de six pieds et deux pouces et un autre de six pieds. C'est un détail qui a son importance au sein d'une petite équipe. Même s'il est absent depuis un bon moment, la robustesse d'Emelin, notamment, aurait été fort utile contre un adversaire comme celui-là.

On a été témoin d'événements tellement inhabituels durant cette dure bataille. Un bel athlète qui se fait littéralement assommer, des bagarres à sens unique au cours desquelles le Canadien n'a pas fait le poids, une performance éblouissante du gardien gagnant, Craig Anderson, des mauvais buts accordés par Price et par celui qui a été forcé de lui succéder et finalement un but crucial marqué avec le patin qui a contribué largement à cette élimination puisqu'il a coûté le quatrième match.

Est-ce que les choses peuvent aller plus mal quand le gardien sur lequel on comptait pour faire la différence subit une blessure à l'aine et une autre à un genou dans les derniers instants de cette coûteuse défaite à Ottawa? Au fait, ça remonte à quand la dernière fois que le Canadien a vu un de ses gardiens se blesser dans les séries? De mémoire, il faut peut-être remonter à Michel «Bunny» Larocque durant les années 70. C'est une malchance qui n'arrive presque jamais.

Le score de ce match ne dit pas tout. Le Canadien a dominé les Sénateurs durant près de 40 minutes. Bourque, Tinordi et Armstrong, ce dernier à l'occasion d'une échappée, ont tiré sur le poteau en première période. Toutefois, quand Kyle Turris a porté la marque à 3-1 en deuxième période, on a senti que ce but-là  était de trop. Pour les joueurs du Canadien, qui n'ont jamais été dans le coup en troisième période durant la série, le coeur n'y était plus. En cinq parties, Ottawa a marqué 13 buts sans riposte après les 40 premières minutes de jeu.

Les derniers moments de cette décevante série n'ont pas été très beaux à regarder. D'ailleurs, les trois buts du dernier engagement ont incité plusieurs milliers de spectateurs à quitter l'amphithéâtre. Plusieurs serviettes reçues en cadeau à l'entrée se sont retrouvées sur la patinoire. Un spectateur a même lancé son chandail tricolore sur la glace en signe de dépit. Des gestes pas très édifiants par des spectateurs qui ont eu droit à une saison au-delà de leurs espérances.

Il s'agit de l'élimination la plus embarrassante subie par le Canadien depuis celle contre les Hurricanes de la Caroline, dans le même édifice (8-2), le 13 mai 2002. Michel Therrien s'en souvient sûrement puisqu'il était derrière le banc cette fois-là encore.

Durant la série, c'est évident que l'équipe n'a pas été suffisamment appuyée par Price, mais ce qu'on a vu de Peter Budaj contribuera probablement à refroidir l'ardeur des amateurs qui le réclament à grands cris chaque fois que Price démontre des signes de faiblesse. S'il avait fallu que l'équipe soit encore dans le coup quand Price s'est blessé, on ne peut pas dire que la présence de Budaj aurait été un élément rassurant. Budaj a accordé un  très long retour de lancer qui a permis à Zack Smith de marquer le premier but et il n'a guère été plus fort quand le jeune Conacher en ajouté un deuxième.  Quant à son rendement au dernier engagement, il n'a pas été meilleur que celui des joueurs qui étaient devant lui.

La 25e coupe Stanley devra attendre. Ce printemps, le Canadien a l'excuse d'avoir été très durement frappé par les blessures. Après avoir créé beaucoup d'espoir durant une campagne tout à fait exceptionnelle, on s'attendait à ce que l'équipe fasse un plus long bout de chemin en séries, mais la malchance s'est chargée d'écrire le scénario. Il n'est pas exagéré de prétendre que l'équipe a affronté plus d'adversité en cinq matchs des séries que durant les 48 parties de cette saison écourtée. Déjà opposé à un rival coriace, l'adversité a été un adversaire de trop pour le Canadien.

Mission impossible

Les Sénateurs ne se battent pas eux-mêmes, ce qui a fait de la tentative de remontée du Canadien une mission quasi impossible. Avant le début de la série, on était d'avis que le verdict se jouerait entre les poteaux. C'est effectivement ce qui s'est passé. On parlait d'une confrontation entre Anderson et Price et d'une autre entre Karlsson et Subban. Le défenseur du Canadien a le mérite d'avoir éclipsé l'actuel détenteur du trophée Norris.

L'entraîneur Paul MacLean n'a pas pavoisé à la suite de cette première étape réussie. Ce vieux routier de la Ligue nationale a paru impressionné d'avoir éliminé le Canadien à sa première expérience contre Montréal dans un rôle d'entraîneur en chef. «C'est gros, a-t-il lancé. On vient d'éliminer le Canadien. Je vais devoir appeler ma mère pour lui dire qu'on a finalement battu son équipe».

Michel Therrien, on peut le comprendre n'avait pas le goût de badiner. Il a dit relativement peu de choses intéressantes, sinon que l'équipe, dont il est satisfait de la saison dans son ensemble, a encore du travail à faire avant d'en arriver à tenir son bout plus longtemps durant les séries.

On ne doute pas que son directeur général ait pris des notes durant cet affrontement au cours duquel trop d'attaquants se sont faits discrets. Le Canadien, qui jouissait d'une attaque plus productive que les Sénateurs cette saison, n'a marqué que neuf buts durant la série, comparativement à 20 par Ottawa. Pour reprendre une expression populaire, quelques têtes risquent de disparaître dans la prochaine photo de l'équipe.

On y reviendra.

 

Caricature Séries 2013