Nous venons d'assister à un spectacle des plus enlevants. Pas un match toujours bien joué, mais la qualité des buts qui ont été marqués ont compensé pour les lacunes qui ont été relevées. L'effort y était dans les deux camps, mais comme c'est généralement le cas dans des affrontements aussi âprement disputés, une seule formation a été récompensée.

C'est rare que cela se produit, mais tous les buts de la rencontre ont été de qualité. Ce ne fut pas un de ces soirs où le verdict a été influencé par une erreur grossière à la porte des buts ou par une malencontreuse déviation sur un patin.

Ce qui ressort surtout de ce match, c'est l'indiscipline à répétition des joueurs des Rangers et l'incapacité du Canadien à profiter de tant de cadeaux pour se forger une avance qui aurait pu lui éviter de revenir sur sa glace le dos au mur. Non seulement le Canadien a-t-il bénéficié de huit avantages numériques, cinq de plus que les Rangers, un écart plutôt rare dans un match des séries, mais son unité en supériorité numérique s'est même permis de concéder un but aux Rangers, le premier du match marqué par Carl Hagelin. Il n'y a rien de plus stimulant pour une équipe que d'arracher un but à court d'un homme. La principale raison de cette coûteuse défaite, c'est un peu dans tout ça qu'elle se trouve.

Et puis, il y a eu Martin St-Louis qui, probablement guidé par une main providentielle, a encore une fois fait très mal au Canadien en fermant les livres en prolongation. Considérant tous les vols que le jeune gardien Dustin Tokarski a commis à ses dépens durant les deux matchs disputés au Madison Square Garden, dont un arrêt spectaculaire de la mitaine sur une échappée en deuxième période, on avait tous l'impression que si les Rangers sortaient gagnants de la prolongation, c'est St-Louis qui ferait la différence. Revoyons ce qu'il a accompli jusqu'ici dans la série.

Match 1: Il a donné le ton à la série en marquant très tôt le premier but.

Match 2: Il a marqué le but d'assurance en troisième période pour couper les jambes du Canadien.

Match 3: Il a préparé le premier but dans une défaite qui a nécessité néanmoins du surtemps.

Match 4: Frustré à l'occasion d'une échappée complètement seul avec Tokarski, il s'est habilement repris en prolongation.

Le petit attaquant ne cessera jamais de nous en mettre plein la vue. Celui qui, à ses débuts, a été boudé par toutes les organisations de la ligue parce qu'on était convaincu qu'il ne ferait pas le poids dans une ligue qui semble n'en avoir que pour les athlètes de forte stature, a réussi d'incroyables exploits, comme deux championnats des marqueurs, un trophée Hart et une coupe Stanley. Total des trophées mérités au niveau de la Ligue nationale uniquement: huit.

Hier soir, la main invisible, qui semble le guider depuis le drame personnel qu'il a vécu, lui a fait tirer une rondelle dans la partie supérieure, là où l'espace qu'il trouve toujours avec facilité est pourtant très mince. Tokarski a offert une grande prestation pour une deuxième soirée consécutive, mais quand un gardien mesure cinq pieds et 11 pouces et qu'il commet l'erreur de s'accroupir avant même que le tir ne soit décoché, c'est normal qu'un franc-tireur touche la cible en or qu'on lui offre. Plus grand de quatre pouces, on peut présumer que Carey Price aurait effectué l'arrêt.

Tokarski mal appuyé

Tokarski aurait mérité un meilleur appui de ses coéquipiers à qui il avait sauvé les fesses dans le troisième match. C'est anormal qu'un gardien sans la moindre expérience dans la Ligue nationale doive se défendre seul à l'occasion de trois échappées (Hagelin et Brassard ont marqué et St-Louis s'est fait voler) et qu'il se retrouve encore une fois sans appui devant un poison comme St-Louis en prolongation.

Comme si la situation n'était pas déjà assez difficile pour Tokarski, on ne lui permet jamais de respirer à l'aise avec une priorité d'un ou deux buts. Durant la série, le Canadien a été victime du premier but trois fois sur quatre. Chaque but concédé par l'équipe ajoute à la pression qu'il ressent déjà parce qu'il perd ainsi toute marge de manoeuvre. En quatre matchs, le Canadien a été en avance durant un grand total de deux minutes et 50 secondes. Deux minutes et 50 secondes sur une possibilité de 240 minutes. Dans les circonstances, comment s'étonner que le prochain match soit maintenant devenu une question de vie ou de mort?

Les hommes de Michel Therrien ont eu le meilleur sur les Bruins de Boston parce qu'ils étaient les plus rapides. Dans la présente série, cependant, ils ont trouvé leurs hommes sur le plan de la rapidité. Hier, les Rangers ont patiné à fond de train. Ils ont aussi frappé durement les défenseurs du Canadien qui démontrent des signes de fatigue. C'est à se demander si le réservoir d'énergie n'a pas été vidé d'une bonne partie de son contenu quand ils ont tout donné pour écarter les Bruins du chemin.

Vanek a la tête ailleurs

Encore une fois, trop de joueurs n'en donnent pas suffisamment pour que le Canadien se sorte d'impasse. Thomas Vanek donne l'impression qu'il attend que ça se termine pour préparer au plus tôt sa prochaine négociation de contrat. Totalement nul, le gros ailier. Le directeur général, qui osera imposer à son propriétaire une entente de sept ou huit ans avoisinant les 50 millions de dollars à Vanek, pourrait être le prochain à perdre son job. Vanek, qui a amassé une passe dans les cinq derniers matchs, ne lève pas le petit doigt pour aider le Canadien à s'en sortir.

Ce gars-là n'est pas fait pour jouer au sein d'une formation qui possède autant de caractère. J'imagine la tête que font les grands du passé, qui ont sué sang et eau pour écrire l'histoire de cette équipe, et qui regardent Vanek se soucier aussi peu du sort d'une organisation qui n'aurait jamais mérité 24 coupes Stanley avec des athlètes dans son genre.

De son côté, Brian Gionta n'a marqué aucun but à ses 14 dernières sorties. Rene Bourque joue avec intensité, mais il n'a obtenu que deux buts depuis la fin de la série contre Tampa. Lars Eller n'est sûrement pas assez visible pour un joueur de son talent. Finalement, dans un match de cette importance, l'équipe avait un urgent besoin de la contribution de son meilleur marqueur, mais Max Pacioretty n'a rien donné, même pas un tir au but. Mettons cela sur le compte d'une mauvaise soirée dans le système. Heureusement, il n'a pas déteint sur Desharnais et Gallagher qui n'ont rien ménagé pour sortir de New York avec une victoire qui aurait pu changer beaucoup de choses.

On ne peut certainement pas résumer l'histoire de cette défaite en invoquant la barre transversale frappée par Alex Galchenyuk avec trois minutes à faire dans le match. C'est choses-là arrivent souvent dans un sport aussi instinctif que le hockey. Durant la série précédente, les Bruins ont touché le poteau à 10 occasions et cela leur a coûté la série.

La vérité, c'est que les Rangers ont été les plus forts, les plus rapides et les plus opportunistes. Et connaissant Alain Vigneault, il a su utiliser les petites chicanes des derniers jours pour stimuler tout son monde. C'était des futilités, mais pour son plus grand bonheur, il a pu les monter en épingle et ainsi provoquer des étincelles aux quatre coins de la chambre,

On imagine son discours. « Les Canadiens ont tenté de nous faire passer pour une organisation malhonnête. Ils vont sauter sur la glace avec l'intention de secouer les cloches de Derick Brassard qui n'est pas totalement remis de sa blessure. Il faut leur faire payer le prix de cette arrogance. »

Vigneault est capable des plus grandes exagérations pour arriver à ses fins. Disons que son grand ami, derrière l'autre banc, lui a rendu un fier service cette fois-ci.