Malgré une période de disette de 21 ans sans coupe Stanley, c'est plutôt agréable de voir ce qui se passe au sein du Canadien en ce moment. On ne s'emballera pas trop à la suite de ce début de saison pour le moins surprenant, comme il faudra conserver son calme quand les choses iront moins bien. Car il y aura inévitablement des périodes creuses, on n'en doute pas.

Ce n'est pas mauvais ce qui s'est passé contre les Penguins de Pittsburgh, mardi. Une jeune équipe a parfois besoin d'un avertissement brutal pour lui faire comprendre qu'elle n'est pas encore totalement arrivée parmi les puissances de la ligue.

On vit peut-être la période la plus encourageante depuis la dernière coupe Stanley. Pas parce que le Canadien est capable de grouper plusieurs victoires de suite, mais plutôt parce que la base de l'organisation semble plus solide qu'elle ne l'a été depuis 1993.

Il y avait eu une première lueur d'espoir quand l'équipe dirigée par Guy Carbonneau avait connu une saison de 104 points, il y a sept ans déjà. Mais cette formation, qui était parvenue à éviter les blessures durant toute la saison, avait vite chuté à 93 points l'année suivante. Les choses ne s'étaient pas vraiment replacées avant que le Canadien atteigne l'objectif de 100 points l'an dernier.

À en juger par ce qu'on voit actuellement, la meilleure saison du duo Bergevin-Therrien était probablement le signe avant-coureur d'un avenir plus solide et plus durable. Qui sait ce qui se serait passé durant les dernières séries si Carey Price n'avait pas subi une blessure sérieuse à un genou. Dustin Tokarski a affiché une tenue fort respectable en relève, mais dans les séries, le facteur confiance est essentiel. Or, un groupe d'athlètes est toujours plus confiant quand il se sent épaulé par son meilleur joueur.

Durant l'été, quand on a vu Marc Bergevin faire maison nette malgré cette saison remarquable, on avait quelques appréhensions. Depuis qu'il est en poste, il nous a souvent donné l'impression d'un directeur général qui sait parfaitement où il s'en va. Néanmoins, on a eu des craintes quand une bonne partie du leadership a pris la direction de Buffalo. Toutefois, Bergevin a eu la clairvoyance de ne pas insister pour garder Thomas Vanek, premier marqueur de l'équipe devant Max Pacioretty. Il s'est départi d'un gardien numéro deux fiable en Peter Budaj et il a échangé, salaire pour salaire (4 millions $), dans la transaction Parenteau-Brière tout en se rajeunissant de six ans.

Parce qu'on a appris à lui faire confiance, on n'a pas trop protesté quand il a insisté sur l'importance d'ouvrir une porte toute grande aux jeunes. À défaut d'une coupe Stanley à court terme, on a acheté la promesse d'un avenir prometteur, peut-être à moyen terme.

Ce mouvement jeunesse sous-entendait que Jarred Tinordi et Nathan Beaulieu étaient presque mûrs pour la Ligue nationale. On allait aussi permettre à Michael Bournival d'obtenir une véritable chance d'éclore. Étonnamment, Tinordi et Beaulieu n'ont pas encore réussi à se faire une niche permanente tandis que Bournival n'a même pas disputé deux parties complètes. Résultat : la vague des jeunes tourne pour l'instant autour d'Alex Galchenyuk, de Brendan Gallagher, de Dustin Tokarski et de Jiri Sekac qui, lui, n'a rien coûté après s'être lui-même présenté au Canadien sur un plateau d'argent.

Grand ménage pour grand ménage, je préfère de beaucoup ce qui s'est déroulé dans l'équipe depuis la fin des dernières séries éliminatoires aux décisions qui avaient été prises par le duo Gainey-Gauthier à l'été 2009. Koivu, Kovalev, Komisarek,Tanguay, Schneider, Lang, Kostopoulos, Dandenault et Higgins qui, lui, avait été impliqué dans la transaction permettant d'obtenir Scott Gomez, étaient tous partis.

On nous avait faussement raconté à l'époque qu'il avait fallu absolument obtenir Gomez si on voulait convaincre Gionta et Cammalleri de jouer à Montréal. Pensez-vous vraiment que Cammalleri, dont le salaire est passé à 6 millions $ pour une période de cinq ans, et Gionta, qui s'est vu offrir 5 millions $ alors que les Devils étaient prêts à lui accorder deux millions de moins, avaient besoin de Gomez pour réorienter leur carrière?

En accordant autant de millions à ces trois joueurs, Gainey croyait peut-être acheter suffisamment de victoires pour sortir le Canadien de la dèche. Tous ces changements et toute cette générosité salariale ont constitué un coup d'épée dans l'eau. Le Canadien a continué de végéter jusqu'à ce que Gainey et Gauthier quittent les lieux.

À ces trois-là, Gainey avait ajouté Travis Moen, le super lent Hal Gill, Jaroslav Spacek, qui est parti au bout de deux saisons, et Paul Mara qui n'a joué qu'une demi-saison.

Marc Bergevin, de son côté, a chassé quelques joueurs devenus inutiles (White, Murray et Parros). Il a greffé à l'équipe Pierre-Alexandre Parenteau, le meilleur centre de la ligue pour les mises au jeu en Manny Malhotra, Tom Gilbert, dont l'utilité reste à être prouvée, le jeune Tokarski et plus récemment Sergei Gonchar. Avec de la patience et du doigté, il bâtit sa formation morceau par morceau.

Ce qu'il y a de réconfortant dans son cas, c'est de savoir que Bergevin ne se satisfait jamais totalement de ce qu'il a accompli. Avec lui, un joueur qui n'est pas à la hauteur a tout avantage à protéger ses arrières. Quand sa patience atteint sa limite, il n'hésite pas à passer aux actes. Par exemple, il s'est montré patient avec Louis Leblanc, même si ce choix de première ronde n'était pas le sien. Finalement, il a jugé que Leblanc n'avait pas ce qu'il fallait pour jouer à Montréal un jour. Il l'a échangé aux Ducks d'Anaheim, qui lui ont donné raison puisque Leblanc est de retour dans la Ligue américaine.

Il y a aussi mis le temps avec Moen et Rene Bourque, mais il a finalement tranché en libérant son entraîneur de deux poids qui l'empêchait de manoeuvrer efficacement avec les éléments en place. Un directeur général ou en entraîneur n'avouera jamais publiquement qu'il traîne du bois mort dans son équipe. Toutefois, en étant incapable de mettre la main sur une douzaine de rondelles pour Bourque et en obtenant un défenseur de 40 ans pour Moen, Bergevin on a eu la démonstration que ces ceux-là n'étaient plus d'aucune utilité.

Quand des vétérans quittent la ville, il y a toujours des coéquipiers qui vantent leur contribution et qui se disent chagrinés de perdre des amis. Malgré tout, les départs de Moen et de Bourque ont contribué à créer une toute autre ambiance dans l'équipe. On gagnait de peine et de misère avec eux. On gagne tout court sans eux.