Le Canadien n’a pas disputé un grand match face aux Sabres de Buffalo. C’est un fait. Très mauvais en première période, les joueurs du Tricolore se sont rachetés un brin en période médiane avant d’ouvrir la machine en troisième. Mais en dépit des 92 tirs qu’ils ont tentés – c’est énorme – malgré les 34 qui ont atteint la cible – c’est trop peu considérant la mitraille – et le fait que le Tricolore affrontait les Sabres de Buffalo, un club moribond qui avait encaissé 14 revers de suite, le Canadien a perdu. Il s’est incliné 3-2.

Eh oui! Il a perdu contre Buffalo qui revendique trois victoires en quatre duels contre saison contre Montréal. Contre les Sabres qui ont récolté sept des huit points à l’enjeu lors de ces quatre parties.

Désabusés par le spectacle dont ils étaient témoins, les partisans ont lapidé leurs favoris de critiques assassines. Après cette deuxième défaite de suite, après une troisième défaite en quatre matchs contre les Sabres cette année, ces partisans outrés par un score final à l’avantage de l’adversaire étaient prêts à tout remettre en question. Pourtant, le Canadien est sorti gagnant plusieurs fois cette saison de matchs bien plus désolants que celui de mardi face aux Sabres.

Je sais que la défaite est difficile à encaisser et qu’elle plonge le partisan dans un état d’esprit qui l’oblige à broyer du noir. Mais quand on regarde froidement le match de mardi, on peut avancer que le Canadien a été aussi bon contre Buffalo qu’il ne l’avait été samedi contre les Capitals de Washington que le Tricolore a battu 1-0 en prolongation.

Le Canadien a même été bien meilleur mardi contre Buffalo qu’il ne l’avait été la semaine dernière contre les Stars de Dallas et les Predators de Nashville. Deux clubs qu’il a pourtant battus.

Le Canadien a été aussi bon hier, peut-être même meilleurs, que lors de ses victoires contre Calgary, Detroit, Los Angeles sans oublier son gain du 23 décembre à Uniondale aux dépens des Islanders.

Mais lors de ces matchs que le Canadien aurait dû perdre, mais qu’il a gagnés, Carey Price avait permis au Tricolore de s’en tirer. Hier, sans être mauvais, Price a été victime de trois buts en première période pour la première fois de l’année et ses coéquipiers ont été incapables de venir à sa rescousse.

Ça ne rend pas la défaite aux mains des Sabres plus facile à encaisser. Plus facile à accepter. Ça non. Mais depuis le temps qu’on dit que Price déforme la réalité en faveur de son équipe, que le meilleur gardien de la LNH camoufle les lacunes d’une équipe qui flirte avec le premier rang de son association et du classement général, il est simplement normal que le Canadien ne puisse toujours s’en tirer comme il l’a fait si souvent lors des 49 premiers matchs de la saison.

Le Canadien aurait pu gagner hier. Facilement. En avant 3-1 après 20 minutes de jeu, les Sabres se sont ensuite repliés. Ils ont joué sur les talons. Tellement nerveux de voir leur avance s’effacer, de voir leur chance de victoire s’effondrer, ils se sont repliés redonnant au Canadien le plein contrôle d’un match qu’il n’aurait jamais dû échapper.

Invité par l’adversaire à tirer, le Canadien l’a fait. À répétition. Il l’a fait 92 fois. Mais des 92 tirs tentés, 35 ont été bloqués en défensive par les coéquipiers de Jhonas Enroth qui ont effectué trois arrêts de plus que le gardien des Sabres (35 contre 32) et 23 n’ont pas touché la cible.

C’est là que le Canadien a perdu le match.

Oui, les trois buts en première ont fait mal. Oui, P.K. a perdu une bataille dans le coin de la patinoire, sous les yeux d’Andrei Markov qui semblait se demander ce que Subban faisait dans son coin, sous les yeux de Lars Eller qui n’aurait jamais dû s’engouffrer dans le coin de patinoire où se trouvaient déjà ses deux coéquipiers, mais plutôt demeurer en maraude dans l’enclave. Oui, le trio de Lars Eller a encore été pris de court sur le deuxième but des Sabres. Et oui, Nathan Beaulieu a fait dévier une rondelle derrière son gardien.

Mais avec 92 tirs tentés, le Canadien aurait dû combler ce recul. Remarquez qu’il est passé près d’y arriver.

Du gros gaspillage

L’ennui, et il est de taille, c’est que bien trop souvent mardi, plusieurs joueurs du Tricolore ont bousillé des occasions intéressantes et décidant de passer la rondelle au lieu de tirer en direction du filet même s’ils étaient bien campés dans l’enclave.

Meilleur franc-tireur du Canadien et huitième de la LNH, Max Pacioretty a atteint la cible une seule fois sur 11 tirs qu’il a décochés. Si quelques unes des sept rondelles bloquées en défense et des trois qui ont raté la cible s’étaient rendues au but, peut-être que Pacioretty aurait marqué une fois, ou deux, ou trois.

Andrei Markov et Brendan Gallagher (sept fois sur 12 tirs tentés) et P.K. Subban (cinq fois sur huit tirs tentés) ont bousillé d’excellentes occasions eux aussi.

Si les Sabres ont joué de chance en déjouant Carey Price trois fois sur leurs 18 tirs cadrés (40 tentés), ils ont joué de chance aussi alors que leur gardien Jonas Enroth a bloqué des tirs qu’il n’avait pas vraiment vus venir.

Mais bon! Au nombre de matchs que Carey Price a volé aux adversaires du Canadien, les partisans du Tricolore peuvent difficilement crier au vol à leur tour.

Heureux pour Gionta et Gorges

Les succès du Canadien combinés à la descente aux enfers des Sabres poussent bien des partisans et des observateurs à non seulement applaudir les départs de Josh Gorges et de Brian Gionta, mais aussi à remettre en question le leadership qu’ils exerçaient dans le vestiaire du Canadien.

Ces jugements lapidaires sont non seulement injustes, mais injustifiés.

Le fait que le Canadien évolue sans capitaine démontre que l’état-major de l’équipe était très loin d’avoir un candidat solide vers qui se tourner pour remplacer Gionta. Depuis le début de la saison, il semble évident que Max Pacioretty s’impose comme éventuel capitaine alors qu’il offre plus de leadership que P.K. Subban et que les vétérans Tomas Plekanec et Andrei Markov.

Mais avant de se tourner définitivement vers Pacioretty, il sera intéressant de bien analyser l’influence positive du jeune Brendan Gallagher qui a pris du galon cette année autant sur la patinoire que dans le vestiaire, mais aussi auprès de l’état-major de l’équipe.

Si le Canadien n’a pas remplacé Gionta le capitaine, il a bien sûr remplacé l’attaquant qui avait amorcé une perte de vitesse et de production l’an dernier. En 37 matchs cette saison, le nouveau capitaine des Sabres n’affichait que trois buts et sept points à son arrivée au Centre Bell mardi. Après avoir disputé un fort match, l’ancien capitaine du Tricolore en est ressorti avec un but de plus.

Une belle récompense pour Gionta qui a été chassé de Montréal par sa baisse de régime, oui, mais surtout par le contrat ridiculement élevé (12,75 millions pour trois ans) que les Sabres lui ont consenti et que le Canadien, avec raison, ne lui aurait jamais versé.

Dans le cas de Josh Gorges, les six petites passes à son dossier, six passes ensevelies sous un différentiel de moins-28 – le pire de son équipe et le pire de la LNH – donnent des munitions à ses détracteurs.

Prétendre le contraire serait absurde.

Mais galvauder cette statistique en insinuant qu’elle offre un reflet de ce qu’elle serait si le défenseur évoluait toujours avec le Canadien l’est plus encore.

Josh Gorges est toujours un meilleur défenseur qu’Alexei Emelin, Tom Gilbert, Mike Weaver, Bryan Allen et autres arrières qui se sont succédé à la ligne bleue du Tricolore. S’il profitait, comme tous les défenseurs du Tricolore, de la présence de Carey Price pour racheter ses erreurs et lui offrir un appui solide au lieu d’accorder des buts faciles, ses statistiques personnelles seraient nettement meilleures. Elles seraient sans doute même supérieures à celles d’Emelin et autres défenseurs protégés par Price.

À Montréal, Gorges serait toujours un point d’ancrage solide au sein du troisième duo et il pourrait remplacer de temps en temps Sergei Gonchar bien mieux que tous les autres candidats du Canadien.

L’ennui, et c’est pour cette raison que Gorges a été échangé, c’est qu’il est impossible dans la LNH d’aujourd’hui d’encaisser un salaire de 3,9 millions $ par année pour évoluer au sein d’une troisième paire de défenseurs. Et comme Gorges touche ce salaire cette année et qu’il touchera le même montant les des trois prochaines saisons, il se faire à l’idée de perdre, et de perdre souvent, avec les Sabres de Buffalo. Car ses chances de se trouver de l’emploi avec une formation qui aspire aux grands honneurs sont plutôt minces.

Mais cela n’enlève rien aux qualités de Gorges et surtout au leadership qu’il amenait dans le vestiaire du Canadien, sur le banc et sur la patinoire.

Bien que leurs favoris venaient de gaspiller deux autres points au classement, les partisans du Canadien ont pu se consoler, du moins un peu je l’espère en se réjouissant pour Gionta et Gorges qui ont célébré leur escale à Montréal avec une très rare victoire. Car Gionta et Gorges méritent pleinement – selon moi bien sûr – les accolades de leurs anciens fans du Canadien.

Surtout que les points gaspillés face aux Sabres ne chasseront pas le Canadien des séries et qu’il est déjà acquis que Gionta, Gorges et leurs coéquipiers ne viendront pas hanter le Tricolore et ses fans le printemps prochain…