Andrei Markov n’est pas le joueur le plus souriant chez le Canadien. Sur la glace, comme dans le vestiaire, il donne souvent l’impression d’aimer le hockey autant que ses partisans aiment se faire arracher des dents de sagesse.

Il est loin d’être commode aussi avec les journalistes lorsque vient le temps de répondre aux questions. Surtout si elles sont pointues et qu’elles mettent en cause des performances plus ordinaires de sa part ou de celle de ses coéquipiers. Au fil des dernières années, le vétéran défenseur russe a plus souvent lancé des « Next question » teintés d’un brin ou deux de mépris qu’offert de vraies réponses.

Mais quand est venu le temps de soumettre le nom d’un joueur du Canadien dans la course au trophée Bill-Masterton, celui d’Andrei Markov est le seul qui me soit venu en tête. Et je suis bien heureux que mes collègues qui avaient eux aussi un droit de vote aient décidé de donner leur vote à Markov.

Pourquoi Markov?

Parce qu’au-delà sa personnalité et le fait qu’il soit peu loquace, Markov personnifie le mieux chez le Canadien la persévérance, le « fair-play » et l’implication dans son sport.

Limité à un total de 57 matchs en trois saisons en raison de blessures au genou et d’une lacération d’un tendon du pied gauche, Andrei Markov aurait pu voir sa carrière connaître une fin abrupte. Non seulement a-t-il pris les moyens pour se remettre de ces blessures et retrouver sa forme, mais trois ans plus tard, malgré ses 36 ans, il forme avec P.K. Subban le meilleur duo de défenseurs du Canadien et l’un des très bons de la LNH. Dans l’ombre de son compagnon de jeu qui est beaucoup plus flamboyant que lui, Markov a même offert du jeu de meilleure qualité que Subban en première moitié de saison.

Non seulement Markov est-il un pilier défensif, mais il a atteint le plateau des 40 points (9 buts, 35 passes, 44 points) pour une deuxième année de suite. Avec six matchs à disputer, il pourrait atteindre le plateau des 50 points pour la troisième fois de sa carrière. Markov a connu des saisons de 58 points (16 buts) et 64 points (12 buts) entre 2007-2008 et 2008-2009 alors qu’il confirmait sa place parmi l’élite de la LNH.

« C’est un trophée spécial, de bons joueurs l’ont gagné avant. Donc de faire partie des joueurs en nomination c’est bien. C’est surtout spécial parce que c’est vous – les journalistes – qui avez voté pour ça », a lancé Markov en riant après l’entraînement du Tricolore dimanche.

Après avoir vu sa carrière menacée par des blessures aussi sérieuses, Markov a disputé tous les matchs de la saison écourtée il y a deux ans. Il n’a raté qu’un match la saison dernière et pourrait connaître une autre année complète cette saison s’il prend part aux six dernières parties. Comme quoi les blessures du passé, aussi sérieuses fussent-elles, sont loin de le hanter aujourd’hui.

« C’est formidable de jouer sans avoir à me préoccuper des blessures. Parfois, je me souviens de ces problèmes et je me dis que c’était un moment difficile. Je me sens bien. J’essaie de savourer chaque moment, car tu ne sais jamais ce qui peut se passer demain », a convenu Markov qui a dû jongler avec la possibilité que sa carrière connaisse une fin prématurée.

« J’essayais de rester positif. Je savais que je pourrais revenir au jeu. Je ne savais pas à quel niveau, mais je savais que je pouvais revenir. Beaucoup de gens m’ont aidé et je les remercie. »

C’est loin de la LNH, alors que le début de la saison 2012-2013 était miné par un conflit de travail, que Markov a pu compléter sa remise en forme. Il l’a fait avec le club de Vityaz en banlieue de Moscou dans la KHL.

« J’étais revenu en fin de saison pour une dizaine de matchs. Il y a eu ensuite le lock-out et je suis retourné en Russie. C’est là que j’ai commencé à me sentir plus à mon aise. Les matchs là-bas m’ont beaucoup aidé. À force de jouer, j’ai cessé d’avoir peur de me faire frapper. J’ai pu mettre les blessures derrière moi et profiter du moment », a témoigné Markov qui avait cela dit raté quelques matchs en raison d’une blessure mineure subie lors de son séjour à Vityaz.

Quelle importance Andrei Markov accorde-t-il à la persévérance qui est l’une des principales qualités récompensées par le trophée Bill-Masterton?

« Chaque année, plusieurs joueurs peuvent gagner ce trophée. Des gars qui ont subi des blessures, qui traversent des situations personnelles. D’être considéré, c’est gros pour moi », a répondu Markov qui regarde l’avenir avec optimisme.

« Je me sens bien. Je vieillis, mais physiquement et mentalement, je me sens bien. Je sais qu’il me reste deux ans de contrat. Je veux profiter du moment. Du hockey. Depuis les blessures, je m’entraîne beaucoup plus fort. C’est le principal changement que j’ai apporté à mon approche. Le hockey change, les joueurs deviennent plus forts, plus rapides. Je dois garder le rythme avec eux. »

Outre Markov – je croyais qu’il serait choisi à l’unanimité, mais son caractère lui a sans doute coûté quelques votes – Sergei Gonchar, qui est de commerce beaucoup plus agréable, a terminé deuxième au scrutin. Mike Weaver a également obtenu des votes.

« Je connais Sergei depuis longtemps. Nous avons joué ensemble au sein de l’équipe nationale. Il est l’un des meilleurs Russes de l’histoire. Il a joué 1300 matchs, amassé beaucoup de points. Pour plusieurs jeunes, et pas seulement des Russes, il est le genre de gars qui représente une source d’inspiration. Je suis content de jouer au sein de la même équipe que lui. Content aussi de voir qu’il est toujours en grande forme. »

Si le Canadien est toujours resté fidèle à Andrei Markov, le défenseur russe a toujours été fidèle au Canadien. Les négociations ont toujours été faciles. De fait, Markov touche cette année un salaire de 5,75 millions $. Le même salaire qu’il touchait en 2008. Le même qu’il touchera à la fin de son présent contrat en 2016.

« Montréal est la meilleure ville pour jouer au hockey. Les partisans sont passionnés. L’organisation est bonne. C’est spécial pour moi. Je suis fier de faire partie de l’histoire de cette équipe. Mon fils est d’ailleurs avec moi en ce moment. Il est en visite. Je peux constater qu’il trouve ça spécial », a témoigné Markov en parlant de son garçon de 13 ans qui suit les traces de son père dans le hockey mineur en Russie.

« J’espère qu’il deviendra bon », a conclu le candidat du Canadien au trophée Masterton en riant.

Les collègues des 29 autres villes de la LNH ont élu ou éliront au cours des prochains jours un candidat qui, comme Markov, sera en lice pour le trophée Masterton. Le gagnant sera élu lors du vote tenu en fin de saison auprès de tous les membres votants de l’Association des journalistes écrits de la Ligue nationale. C’est dans le cadre du même scrutin que seront élus les gagnants de trophées Hart, Calder, Norris, Selke et Lady-Byng, et les membres des équipes d’étoiles.