J'ignore si toutes les décisions qui sont prises et qui tournent à l'avantage du Canadien, comme on l'a vu si souvent cette saison et d'une façon encore plus éloquente dans les séries, sont l'oeuvre exclusive de Michel Therrien. J'ignore si quelques-unes de ces décisions sont parfois le fruit d'une stratégie proposée par un adjoint, mais l'important, c'est que ça marche. De toute façon, la décision finale est toujours celle de Therrien.

L'entraîneur a posé des gestes osés avant ce troisième match. Il a remplacé Francis Bouillon, qui lui avait donné satisfaction jusque-là, par un plus gros bonhomme, Douglas Murray, capable d'effectuer un certain ménage devant le filet. Incidemment, Bouillon, contrairement à ce qui a été dit ou écrit après le deuxième match, n'a pas fait ricocher deux rondelles derrière Carey Price à Boston. Vérification faite, la rondelle ne l'a jamais touché sur le tir de Patrice Bergeron.

Therrien a aussi retiré un vétéran populaire dans l'équipe, Brandon Prust, au profit de Travis Moen. Finalement, il lui a fallu expliquer délicatement à Thomas Vanek pourquoi il était délogé du premier trio pour faire place à une boule d'énergie, Brendan Gallagner. Vanek s'est retrouvé avec Plekanec et Bournival et il a bien répondu.

« Notre équipe possède de la profondeur. Nous voulions insérer de l'énergie dans chacun de nos trios », a expliqué Therrien.

Au cours des 10 dernières années, on a souvent tenté de nous faire croire que le Canadien jouissait d'une belle profondeur. Ce n'était pas toujours vrai. Si deux joueurs tombaient au combat, on était vite pris au dépourvu. Cette saison, on a vu à améliorer les choses. Ce printemps, la profondeur est visible et fort utile. Celle dont jouit Therrien et qui lui permet de tenter diverses expériences, lui a été offerte au cours des derniers mois par un directeur général plutôt discret, mais qui a autant de flair que de patience.

Subban surpasse-t-il nos attentes?

Il sera toujours temps de faire le bilan de Marc Bergevin quand la saison prendra fin, mais on peut quand même s'attarder sur ce qui s'est passé mardi soir. Bergevin n'est pas étranger au fait que son équipe mène cette série 2-1.

Au moment de faire l'acquisition de Dale Weise et de Mike Weaver, on ne comprenait pas trop ce que ces deux joueurs marginaux venaient faire dans le décor. Peu de gens savaient que Weise existait. Weaver, de son côté, était un défenseur de 5 pieds et 10 pouces, âgé de 35 ans (il en a maintenant 36), qui en était à sa sixième équipe dans la Ligue nationale. Pour une organisation qui disait foncer vers l'avenir avec des jeunes, il y avait de quoi être perplexe.

Pour être honnête, Bergevin était à la recherche d'une police d'assurance dans le cas de Weaver et d'un peu de profondeur dans celui de Weise. Il ne pensait sans doute pas avoir obtenu pour une chanson deux joueurs dont la tenue allait permettre au Canadien de progresser en séries.

Dale Weise

Dale Weise

Bergevin tentait d'échanger Raphael Diaz depuis un certain temps quand il a trouvé preneur du côté de Vancouver. Les Canucks, champions des mauvaises décisions depuis un an, ont largué Weise parce que l'entraîneur John Tortorella ne le désirait pas dans sa formation. Les dirigeants des Canucks sont peut-être en train de se gratter la tête en voyant un des leurs contribuer à des victoires de l'unique équipe canadienne en séries. Étrangement, tous les points accumulés par Weise jusqu'ici ont eu une extrême importance dans le résultat des matchs. Il a assuré la première victoire contre Tampa en marquant en prolongation. Il y est allé d'une passe précise pour Daniel Brière, posté seul devant le filet durant le quatrième match, et le Canadien a gagné de justesse 4-3. Enfin, hier soir, il a participé au but spectaculaire de P.K. Subban avant d'enregistrer ce qui allait devenir son deuxième but gagnant en se donnant des airs de Wayne Gretzky devant Tuukka Rask. Son salaire : 750 000 $.

 Mike Weaver

Pour en arriver à améliorer son équipe, il faut parfois du flair et… de bons amis. Weaver est à Montréal parce que Josh Gorges a subi une fracture à une main. Bergevin ne pouvait pas courir le risque d'être privé d'un défenseur d'expérience pendant longtemps. Il lui fallait trouver une solution à court terme.

Mike Weaver

Il s'est tourné du côté d'un ami, Dale Tallon, ex-compagnon d'armes chez les Blackhawks de Chicago. Tallon, qui essaie de bâtir les Panthers de la Floride pour les années à venir, a accepté un choix de cinquième ronde en 2015 en retour d'un défenseur dont l'avenir était derrière lui.

On disait de Weaver qu'il était un guerrier. Rien de plus vrai. Il s'est vite moulé au corps défensif du Canadien. Il bloque des tirs, effectue des passes précises et met fin à un nombre considérable d'attaques. Si bien qu'il est actuellement indélogeable. Malgré ses 36 ans, il est probablement en train de mériter un contrat pour l'an prochain. Son salaire : 1.1 million $.

Les amis, c'est aussi à ça que ça sert, n'est-ce pas?

Et il y a les autres

À qui Michel Therrien a-t-il pensé pour s'assurer d'une présence physique devant Carey Price dans un troisième match qui est souvent celui qui influence l'issue d'une série? À Douglas Murray qu'on a un peu tourné au ridicule à cause de sa lenteur au début de la saison. Il n'est pas plus rapide, mais il est efficace en désavantage numérique, il frappe comme un train et personne n'arrive à le déplacer quand il a les deux patins plantés dans la glace.

Une autre aubaine signée Bergevin. Murray recherchait une entente de trois ans à 3 millions $ par saison. Il a dû se satisfaire d'un contrat d'un an à 1.5 million $. Sa présence permet à l'équipe de compter sur huit défenseurs de la Ligue nationale, si on inclut Jarred Tinordi dans le groupe.

Les deux autres acquisitions de la saison ont été Daniel Brière et Thomas Vanek. Il est intéressant de constater le peu d'investissement que Bergevin a fait pour ajouter cinq joueurs de la Ligue nationale à sa formation. Ces cinq nouveaux joueurs lui ont coûté des brindilles : Sebastien Collberg, un espoir qui ne progressait pas comme prévu, Raphael Diaz et des choix de deuxième et de cinquième rondes. C'est tout. Le Canadien a même obtenu un choix de cinquième tour dans l'échange de Vanek.

En définitive, si le Canadien est beaucoup mieux outillé pour se battre dans les séries et si Michel Therrien peut se permettre de tenter diverses expériences, c'est parce que des décisions éclairées ont fait de l'équipe un adversaire plus crédible dans les séries.

Bien sûr, P.K. Subban a été extraordinaire. Bien sûr, Carey Price s'est encore comporté de façon à ce que ses coéquipiers aient une chance légitime de gagner. Cependant, une équipe ne peut pas gagner durant les séries éliminatoires, et encore moins la coupe Stanley, sans un solide personnel de soutien.

Personne n'est en mesure de prédire ce qui se passera d'ici la fin de cette série, mais les changements qui ont été apportés cette saison ont permis au Canadien de progresser d'une façon fort appréciable. Peut-être que cet autre plan quinquennal sera plus fructueux que tous ceux qui ont suivi le remplacement de Serge Savard et de Jacques Demers, il y a 19 ans.

Le Canadien vient de mettre fin à une séquence de 12 victoires consécutives des Bruins dans un troisième match. Ces victoires dans des troisièmes matchs ont permis à Boston de remporter les honneurs de quelques séries. On verra si celle-là portera chance à l'équipe de Therrien.

Le Canadien est l'unique formation impliquée dans les séries à avoir marqué au moins trois buts dans chacun de ses matchs. On commence à remarquer des choses qu'on ne voyait pas souvent au cours des dernières années. C'est peut-être annonciateur d'un printemps qui pourrait être agréablement différent.

Freiner P.K. ou être éliminé?