On a eu droit à tout un match de hockey. Un duel intense, enlevant, qui s'est soldé par la défaite d'une équipe qui aurait mérité beaucoup mieux.

Les Sénateurs d'Ottawa ont volé le premier match de la série. Ils doivent cette victoire à leur gardien Craig Anderson et à personne d'autre. Ils ont été malmenés, bombardés de tous les angles, mais ils l'ont emporté parce que le gardien aux statistiques ronflantes de la dernière saison a été supérieur à Carey Price. De beaucoup supérieur.

D'ailleurs, Michel Therrien n'a pas pris de détour quand on lui a demandé ce qu'il pensait de la soirée de travail de son gardien. «Anderson a été meilleur que lui», a-t-il rétorqué, sèchement.

En fait, le Canadien a été perdant sur toute la ligne. Non seulement l'avantage de la glace lui a-t-il échappé, mais il a perdu les services de l'un de ses joueurs les plus importants, Lars Eller, qui a été littéralement assommé par un coup d'épaule au visage du défenseur Eric Gryba. Eller s'apprêtait à recevoir une passe suicide de Raphael Diaz quand il a été frappé de plein fouet. L'impact a été double pour lui. Il était sans doute à demi-conscient quand son visage a donné violemment contre la glace. Il a subi une commotion cérébrale avec perte de conscience, des fractures au visage et quelques dents cassées.

«Nous avons perdu un très bon joueur, un gros joueur», a fait remarquer l'entraîneur adjoint Clément Jodoin d'un air dépité. En fait, depuis quelques semaines, Eller était le centre le plus efficace du Canadien. On ne le reverra plus dans cette série.

Après l'incident, pendant qu'on se portait au secours d'Eller qui perdait beaucoup de sang, Therrien a rappelé ses joueurs au banc pour leur expliquer qu'une équipe peut difficilement éviter l'adversité durant les séries. «Je leur ai mentionné que nous avions dorénavant un défi devant nous», a-t-il dit.

Le vis-à-vis de Therrien, Paul MacLean, a été suave en tentant d'excuser le geste de son joueur. «Si j'étais à leur place, c'est au numéro 61 (Diaz) que j'en voudrais. Quand on effectue une passe dans les patins de cette façon, c'est l'une des manoeuvres les plus dangereuses dans le hockey. Ce qui s'est passé est la conséquence d'un jeu de hockey qui a mal tourné. Doug Harvey, Barclay Plager, Scott Stevens et Gord Kluzak frappaient de cette façon. Notre gars l'a frappé, mais c'est Diaz qui est à blâmer.»
MacLean a oublié de mentionner que les règlements ont beaucoup changé depuis l'époque des matamores dont il a cité les noms. Eller a été frappé directement à la tête dans un angle mort. Un coup qu'il n'avait pas la moindre chance d'éviter.

Durant la pénalité à Gryba, Brendan Gallagher a procuré les devants 2-1 au Canadien durant une deuxième période totalement dominée par le Tricolore (total des tirs: 27-7). Le but de la vengeance de Gallagher a toutefois été le dernier de la soirée pour son équipe.

Anderson, qui n'a jamais gagné une série éliminatoire en 10 ans dans la Ligue nationale, a été très fort. Il a démontré que son éblouissante saison devant le filet n'est pas due au hasard. Il a reçu pas moins de 50 tirs contre 31 pour Price qui a été faible sur au moins deux buts, les deuxième et troisième, qui ont sorti l'équipe de ce match.
Comme si la soirée n'avait pas déjà été assez occupée pour le gardien des Sénateurs, il a perdu une dent après avoir reçu un tir de Rene Bourque en plein visage. «Parfois, il m'arrive d'effectuer des arrêts avec ma face», a-t-il révélé.

Comme l'a fait remarquer Tomas Plekanec, si le Canadien avait marqué deux buts au lieu d'un seul durant la pénalité majeure à Gryba, l'histoire de cette partie aurait été différente. Nous avons tenté de rester dans le match et de le gagner pour Eller, mais cela n'a pas fonctionné», a-t-il admis.

Le Canadien a quelques heures devant lui pour oublier ce qui s'est passé. Michel Therrien, qui a vu son équipe disputer un grand match, ne semblait pas trop préoccupé dans les circonstances. Il devrait l'être après avoir analysé la soirée de travail de son gardien. Après le match, Price a refusé de rencontrer les médias. C'est généralement l'indice qu'un joueur n'est pas très fort mentalement. Rien de bien encourageant pour la suite des choses.

Une étape franchie avec brio

Le premier anniversaire de l'entrée en fonction de Marc Bergevin a coïncidé avec le retour du Canadien en séries après l'une des saisons les plus misérables de son histoire. Dommage que cette défaite crève-coeur ait terni une journée mémorable pour lui.

Le propriétaire Geoff Molson l'avait présenté à la presse le 2 mai 2012 en s'engageant personnellement à développer une culture gagnante au sein de son entreprise. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la première étape de ce projet a été franchie avec brio.

«J'ai choisi Marc, mais c'est lui qui a choisi tous les gens qui travaillent à ses côtés», dit, simplement, le proprio.
Le plus grand crédit revient à Bergevin qui a totalement changé l'ambiance dans le vestiaire et au septième étage. Therrien a mené sa barque de main de maître, mais s'il avait effectué son retour dans l'organisation en étant épaulé par la même direction que l'année dernière, il n'aurait jamais pu en accomplir autant.

Francis Bouillon affirme que le directeur général est près de ses joueurs. On ne l'aurait jamais su s'il ne l'avait pas dit. La façon d'agir de Bergevin est plutôt discrète. On me dit qu'il réagit de la même façon dans les bureaux administratifs où il converse avec tout le monde en y ajoutant souvent quelques-unes des meilleures blagues de son répertoire pour détendre l'atmosphère.

La présence du Canadien en séries n'est pas le fruit du hasard. Bergevin est très au courant de ce qui se passe, tant au niveau de la ligue qu'à l'intérieur de l'organisation qu'il dirige. Ses proches disent de lui qu'il est un patron à la fois humble et rigoureux.

En refusant de se départir d'un seul de ses six choix au repêchage parmi les 90 premiers de la prochaine séance, il a confirmé sa ferme intention de rebâtir l'équipe sur du solide. Comme très peu de choses ont cloché depuis son embauche, on ne peut pas prendre comme un grain de sel son désir avoué de foncer éventuellement vers la coupe Stanley avec de jeunes jambes.

Dans la chaise qu'il occupe, c'est souvent celui qui commet le moins d'erreurs qui avance le plus rapidement. En l'espace d'un an, il est devenu un directeur général crédible et respecté. Il a fait faire des pas de géant a une formation qui semblait incapable de mettre un pas devant l'autre la saison dernière. Comme le dit si bien Geoff Molson: «Je l'ai choisi et il a fait tout le reste».

Ne regardez pas ailleurs, la recrue de l'année chez le Canadien cette saison, c'est Marc Bergevin.