En répliquant un « non! » sec, franc et direct à la question de mon collègue Dave Stubbs de la Gazette, Michel Therrien a très bien résumé le semblant de match que son équipe venait de disputer. Le non vociféré par Therrien suivait une question par le biais de laquelle mon toujours positif collègue tentait de savoir si l’entraîneur-chef et ses adjoints avaient perçu le moindre aspect positif de cette rencontre perdue 6-2 par le Tricolore devant des partisans qui méritaient mieux de leurs favoris. Beaucoup mieux.

Le Canadien n’a rien fait de bon sur la glace dimanche. Rien de rien, si l’on fait exception des arrêts que Carey Price a multipliés en début de rencontre avant d’imiter ses coéquipiers et d’abandonner.

Inversement, les Flames ont fait des tas de bonnes choses. Johnny Gaudreau a donné d’autres preuves qu’il méritait pleinement le surnom de Johnny Hockey qui lui est accolé depuis qu’il a viré la NCAA sens dessus dessous malgré ses 5’5’’ et ses quelques 155 livres. Dire qu’il y en a encore qui réclament la présence de goons dans le vestiaire du Canadien et des 29 autres équipes de la LNH…

Et si notre travail consiste à d’abord et surtout analyser le Canadien et donc à le critiquer au terme d’un match aussi lamentable que celui qu’il a disputé dimanche, il serait injuste et malhonnête de ne pas louanger le travail des Flames. Des Flames qui se réveillent lundi matin avec une récolte de 16 points en 13 rencontres. C’est un match de plus que le Canadien, mais un petit point seulement de moins que le Tricolore qui connaît pourtant un début de saison fantastique, historique... Du moins sur le plan des points au classement.

Avec 16 points, Bob Hartley et son équipe occupent le troisième rang dans l’Association Ouest. Je n’ose croire qu’ils pourront y rester bien longtemps. Mais cette équipe que tout le monde excluait des séries avant la saison, les plaçant même plus près de la cave que du huitième rang, démontre que le travail, la vitesse, un brin de talent et des arrêts opportuns d’un gardien sont capables de renverser les prédictions les plus noires.

 Complice de sa défaite

Loin de moi l’intention de minimiser la portée de la victoire des Flames – surtout qu’ils ont su venger le vol de grand chemin que le Canadien a perpétré mardi dernier à Calgary – mais le Tricolore, qui aurait dû se défendre bec et ongle face aux Flames, s’est plutôt fait complice de leur septième gain.

Lents sur leurs patins, lents dans leur prise de décision, lents dans leurs exécutions, les joueurs du Tricolore ont une fois encore amorcé le match sur les talons.

Pour une 10e fois en 12 matchs, le Canadien a accordé le premier but au lieu de le marquer.

Pour une septième fois cette saison, le Canadien a retraité au vestiaire après le premier tiers avec un recul au pointage. De fait, après 12 matchs, jamais encore le Tricolore ne s’est retrouvé au vestiaire avec une avance à protéger. Ça en dit long sur ses débuts de rencontres tardifs.

Pour la neuvième fois depuis le début de la saison, le Canadien a offert plus d’attaques massives à ses adversaires (six) qu’il en a obtenues (une). Deux fois, le Canadien et ses adversaires ont fait jeu égal en matière de supériorités numériques. Une fois, une seule, lors de son escale à Vancouver, le Canadien a eu l’avantage (3-2).

Un survol sur les statistiques des 30 équipes de la LNH confirme que le Canadien est le club qui a écopé le plus de pénalités mineures depuis le début de la saison avec ses 59 en 12 rencontres. L’Avalanche du Colorado en affiche une de plus. Mais ses 60 pénalités mineures ont été écopées en 13 parties.

Les partisans du Tricolore ont beau crier à l’injustice match après match. Les 59 pénalités écopées au fil de ces 12 rencontres ne sont pas toutes le résultat d’une vendetta contre le Tricolore. D’une conspiration. D’un plan machiavélique orchestrer pour empêcher le Canadien de gagner.

Prenez le match de dimanche par exemple : j’ai trouvé Dave Jackson un brin sévère sur la pénalité d’accrochage décernée à Travis Moen en début de rencontre. Mais les autres, toutes les autres étaient méritées. Les réactions de Michel Therrien qui contenait bien mal la hausse de pression qui le menaçait témoignaient bien plus d’une colère à l’endroit de l’indiscipline de ses joueurs qu’au rendement des officiels.

Au-delà des pénalités, P.K. Subban a été mauvais. Son différentiel de moins-3, sa chute sur un repli défensif, sa vilaine pénalité écopée alors que son équipe en écoulait déjà une et le fait qu’il n’ait pas cadré le moindre tir en témoigne.

Alex Galchenyuk, Brendan Gallagher et Tomas Plekanec ont connu des soirées difficiles eux aussi.

Mais P.K. et les trois autres devraient être en mesure de se reprendre assez rapidement. Mais dimanche, allez savoir si c’est en raison du changement d’heure, du fait que le dimanche n’est pas un soir de hockey au Centre Bell, tous ces bons joueurs en avait une très mauvaise dans le corps, dans les jambes, dans le cœur et dans la tête…

Pas de chance si tu n’es pas prêt

Quand j’ai demandé à Michel Therrien si la fâcheuse habitude de mal entreprendre ses matchs ou l’indiscipline crasse dont son club se rend coupable tous les soirs était la plus inquiétante, le coach s’est accordé quelques secondes de réflexion.

De toute évidence, les deux sont périlleuses même si le Canadien a trouvé le moyen d’éviter le pire depuis le début de la saison. Mais après que le pire eut rattrapé son équipe dimanche, Michel Therrien a commencé par dire que son équipe écopait «beaucoup trop de pénalités.»

Je croyais qu’il enchainerait sur ce point, mais il a vite bifurqué sur les mauvais débuts de match. Sur le fait que son équipe n’était pas prête à rivaliser d’effort avec celle de son ami Bob Hartley dimanche au Centre Bell.

«Si tu n’es pas prêt, tu n’as aucune chance de gagner et ce soir notre équipe n’était pas prête», a convenu Michel Therrien.

C’est toujours dangereux pour un coach de reconnaître que son club n’était pas prêt. Car dans les faits, c’est son travail de bien préparer son équipe.

Michel Therrien a ensuite sagement parlé de la préparation individuelle de ses joueurs. Avec raison. « Nos joueurs nous ont habitués à afficher une grande fierté à sortir très fort. Surtout chez nous. Et on ne voit pas ça présentement », a encha[iné le coach en mesurant le poids de ses mots.

Parce que son équipe a gagné 8 de ses 12 premiers matchs, Michel Therrien ne peut tomber à bras raccourci sur son équipe.

Mais sans vouloir le moindrement minimiser la valeur des victoires du Canadien, il est important de rappeler – car on dirait que plusieurs partisans et quelques joueurs l’ont oublié – que quatre des huit victoires sont venues à l’arraché : en prolongation ou en tirs de barrage.

Ce sont des victoires quand même. C’est vrai. Mais ces victoires ont camouflé des lacunes que le revers aux mains des Flames a fait apparaître de nouveau.

Mardi dernier à Calgary, le Canadien, grâce à Carey Price, a volé deux points aux Flames qui avaient dominé les tirs 38-19 avant de s’incliner 2-1 en tirs de barrage.

Hier, les Flames ont dominé les tirs au but 36-20. Sans les arrêts de Carey Price, le match se serait décidé dès le premier tiers – 19-4 les tirs en faveur de Calgary – au lieu de laisser la porte ouverte à une remontée du Tricolore qui perdait déjà 2-0.

Une remontée qui n’est jamais venue.

Pas surprenant que les gradins étaient à moitié vides à mi-chemin en troisième. Pas surprenant que tous les dépisteurs professionnels dépêchés au Centre Bell pour assister à la rencontre étaient en route pour la maison ou à leur chambre d’hôtel avec plus de 10 minutes à faire à la rencontre.

Ils en avaient tous assez vu.

Au moins une bonne nouvelle 

Si je suis d’accord avec la majeure partie de l’analyse offerte par Michel Therrien après la défaite, je soulève toutefois un point positif dans la défaite.

Et non, ce n’est pas la performance de Carey Price. Pas plus que les six tirs cadrés (un but) de Max Pacioretty ou le but dans une cause perdante de Lars Eller.

Que non!

À mes yeux, le point positif est qu’après un revers aussi gênant, Michel Therrien n’a plus les mains liées. Il peut se permettre de passer des menaces aux promesses en écartant un ou des joueurs pour faire place à Jiri Sekac et/ou Michaël Bournival.

Sekac et Bournival ne sont pas nécessairement meilleurs qu’Eller, Bourque, ou Moen.

J’en conviens avec vous.

Je suis prêt aussi à convenir que Rene Bourque n’est pas responsable de tous les maux qui affligent le Canadien et qu’il travaille plus que sa fiche de deux petites passes et un différentiel de moins-6 en 12 rencontres le laisse croire.

Mais quand les résultats ne viennent pas, un coach se doit de brasser la soupe. Michel Therrien l’a fait souvent depuis le début de la saison en remaniant ses trios en cours de partie. Des ajustements qui ont d’ailleurs guidé son club vers des victoires.

Mais après des défaites, la porte est ouverte pour donner la chance à Sekac et/ou Bournival de ne pas simplement se contenter de passer proche, mais de contribuer pour vrai aux statistiques offensives de l’équipe.

Patrick Roy a vu son équipe se raplomber après le retrait de Daniel Brière de la formation.

Les Hurricanes ont remporté un deuxième match de suite – victoire de 3-2 aux dépens des Kings de Los Angeles – malgré le fait qu’Alexander Semin était juché sur la galerie de presse. En quête d’une première victoire après huit matchs cette saison, Bill Peters a décidé de sévir à l’endroit de Semin pour secouer son équipe. Son équipe a répondu.

Si Michel Therrien ne profite pas de l’affreuse performance de dimanche pour offrir une chance à Sekac et/ou Bournival de faire mieux – ce pourrait difficilement être pire – les deux jeunes seront condamnés à espérer des blessures pour avoir l’occasion de jouer.

Et ça, ce n’est pas sain.

Car pour un club qui se targue de ne pas accepter les demi-mesures de la part de ses joueurs, un club qui affiche la devise « Pas d’excuse » dans son vestiaire, le Canadien affiche une patience qui commence à soulever de l’impatience de la part de ses partisans.

À tort ou à raison?

Je ne sais pas.

Mais ce que je sais, c’est que passer proche c’est juste bon aux fers et à la pétanque comme je me plais à le dire de temps en temps. Mais passer proche, ce n’est pas assez pour gagner au hockey.

Et s’il faut écarter des vétérans comme Bourque, voire serrer la vis à Eller un match ou deux afin de secouer le reste de l’équipe, le temps semble vraiment bien choisi pour le faire.

À moins que l’état-major ne considère que le défi immense que représentent les Blackhawks de Chicago – ils seront au Centre Bell mardi – ne soit déjà une source de motivation susceptible de relancer l’équipe vers la victoire tout en freinant son indiscipline et sa très fâcheuse et dangereuse manie de mal entreprendre ses matchs et de s’obliger à jouer du hockey de rattrapage.

On verra.

Mais ce qui est clair, c’est qu’avec une séquence au cours de laquelle le Canadien disputera sept de ses neuf prochains matchs à la maison, Michel Therrien et son club ne peuvent se permettre de bousiller leur excellent début de saison en s’écrasant au cours de ce long séjour au Centre Bell.

Michel Therrien le sait très bien.

Il sera donc très intéressant de voir quelles actions il prendra pour que le passage à vide de dimanche ne soit qu’un accident de parcours et non une tendance lourde de conséquences.