La prochaine fois que la Ligue nationale demandera au Canadien de disputer un match en matinée, Geoff Molson devra faire l'impossible éviter pareil scénario. C'était sa quatrième expérience du genre cette saison. Résultat : quatre défaites.

Bien sûr, le fait que le Canadien ait du mal à se sortir du lit pour commencer le match à la même heure que les autres n'explique pas tout. Dans ce premier match, il a été battu par une équipe plus rapide, toujours la première sur la rondelle et qui bloquait une bonne part des tirs dirigés vers son gardien. Bref, il a goûté à la médecine qu'il a utilisée pour gagner ses deux premières séries.

Si Alain Vigneault s'était dit incapable de noter la moindre faille dans le jeu du Canadien après avoir visionné tous les matchs contre Tampa et Boston, il a dû remplir un plein calepin de notes d'erreurs à ne pas commettre en observant le Canadien s'effondrer contre les siens dans une défaite qui pourrait avoir une grande incidence sur la suite des choses.

Le Canadien n'a jamais été dans le coup, mais soyons honnêtes, les Rangers ont été brillants. Chaque fois qu'un joueur du Canadien se voyait offrir une occasion de décocher un tir en direction de Henrik Lundqvist, un Ranger se mettait en travers de son chemin pour l'empêcher d'agir. Le Canadien comprend mieux maintenant la frustration des joueurs des Bruins qui ont souvent été victimes de cette agressivité bien contrôlée. En somme, les Rangers n'ont jamais permis que le Canadien applique de la pression sur leur gardien.

D'ailleurs, un danger guette le Canadien à la suite de cette victoire trop facile des Rangers. Si on laisse Lundqvist rebâtir sa confiance dans le Centre Bell où il a déjà connu sa part d'ennuis, ça pourrait compliquer dramatiquement les choses. On n'a rien fait pour le déranger. On ne l'a pas suffisamment bombardé. J'imagine qu'il a quitté le Centre Bell très satisfait de lui-même et confiant en vue du match de lundi. Or, un Lundqvist confiant est capable de très grandes performances. Déjà, dans ce premier affrontement, il a été supérieur à Carey Price.

Néanmois, j'espère que le public, qui pardonne parfois peu de choses à Price, a compris que sans lui, il n'y a pas de salut possible. Price, qui a quitté le match après la seconde période, a vu Peter Budaj accorder trois buts sur huit tirs. À sa défense, Budaj, qui n'avait pas joué depuis 38 jours, avait aussi devant lui des coéquipiers qui, en déficit de 4-1, avaient déjà baissé les bras.

On ne sait toujours pas si Carey Price a été blessé quand le rapide Chris Kreider a glissé dans sa cage au début de la seconde période. Sa jambe est restée accrochée sur le poteau en donnant l'impression d'avoir provoqué une extension du genou droit ou de la cheville. C'était 2-0 pour les Rangers à ce moment-là. Après avoir longuement conversé avec le soigneur, Price, qui est resté dans la mêlée, a accordé deux autre buts avant de se retirer en troisième période.

La ville est en liesse et rêve de la coupe Stanley en se disant que le pire est passé après l'étonnante victoire contre Boston, mais on a compris à la suite de ce jeu plutôt anodin à quel point les chances de gagner une coupe peuvent être fragiles. Un joueur trébuche sur une jambe de Price et tous les espoirs d'un championnat peuvent s'arrêter là. Heureusement, il ne semble pas avoir été blessé sérieusement, mais oh que cet incident aurait pu s'avérer désastreux.

Pas d'excuses

On s'attendait à ce qu'on invoque une excuse toute trouvée pour expliquer pareil effondrement. Le Canadien s'était élevé à un tel niveau d'émotion pour battre Boston qu'il ne lui était pas facile de redescendre sur terre pour le match initial de la série suivante. Pour P.K. Subban, cette excuse n'en était pas une. Il a refusé d'embarquer dans le jeu des médias qui lui ont ouvert la porte pour lui permettre de l'utiliser.

« Je sais que tout le monde va parler de ça, mais nous sommes des professionnels. Nous avons un travail à faire. Nous n'étions pas prêts pour ce match, c'est tout », a-t-il dit. Merci pour cette belle honnêteté, P.K.

C'est une très bonne chose que le Canadien se soit fait planter de cette façon car s'il avait perdu 2-1 au lieu de 7-2, le choc n'aurait pas été aussi brutal. On nous aurait parlé de certains facteurs qui auraient pu faire la différence dans un match des plus serrés. Maintenant, les joueurs ont toutes les raisons de croire qu'un vrai défi se dresse devant eux après avoir déjà perdu l'avantage de la glace.

Il n'est pas impossible que cette dégelée incite Michel Therrien, pas très patient quand les choses ne fonctionnent  pas à goût, à effectuer un ou deux changements. Il ne serait pas étonnant de voir Brandon Prust céder sa place. Non seulement a-t-il été inefficace comme ça lui arrive de plus en plus souvent, mais il a adopté le comportement d'un joueur des Bruins en troisième période en exprimant sa frustration à coups de bâton, ce qui lui a valu 14 minutes de pénalités. Or, le Canadien n'a pas accédé à la troisième ronde en perdant la tête au cours de ses 11 premiers matchs.

Une note en terminant. Le défenseur Ryan Mcdonagh, un premier choix du Canadien à qui on prédisait un grand avenir, a amassé quatre points. Bob Gainey, dans une décision qui ne sera jamais oubliée, l'a échangé pour mettre la main sur Scott Gomez. La carrière de Gomez est  terminée tandis qu'on en a pour des années à voir Mcdonagh nous rappeler qu'il  aurait pu être le pilier de la défense du Canadien avec Subban.

Bergevin rafraîchissant

La Ligue nationale a suggéré au Canadien d'organiser un point de presse impliquant Marc Bergevin, un peu comme les Bruins l'avaient fait avec leur directeur général, Peter Chiarelli, durant la série précédente. Comme il ne reste plus que quatre formations dans la course et qu'il faut rendre la chose intéressante pour les journalistes des autres villes qui arrivent nombreux au Centre Bell, le moment était bien choisi pour sortir le patron du Canadien de son bureau.

Dans ce groupe de médias étrangers, il y en avait qui n'avaient jamais vu Bergevin de près et qui se doutaient encore moins qu'il est un pince-sans-rire à ses heures. Bergevin, selon son habitude, a été intéressant, spontané et drôle. En fait, il est souvent drôle sans le savoir. Quand il s'embarque dans une explication et qu'il constate au milieu d'une phrase qu'il y a un risque de marcher sur une pelure de banane, ça ne le gêne pas de s'arrêter, sans se soucier de terminer ce qu'il allait dire. Même quand il ne livre le fond de sa pensée, on devine assez souvent ce qu'il aurait pu dire.

Une seule fois, il s'est échappé durant cette rencontre de presse quand il a admis que la décision de revoir le contrat de Michel Therrien est déjà prise.

C'est rare qu'un directeur général va admettre qu'il était émotif comme joueur et qu'il l'est tout autant comme premier dirigeant de son équipe. Il était reconnu comme un joueur d'équipe et il est resté un gars d'équipe dans un rôle très différent. Quand il est descendu près de la patinoire pour féliciter tout son monde après la dernière victoire contre les Bruins, P.K. Subban lui est tombé dans les bras comme s'il s'agissait d'un coéquipier. C'est probablement une indication que les joueurs se sentent appréciés et aimés par leur boss.

Quand on lui a demandé ce qu'il avait appris sur la situation du hockey à Montréal après être revenu à la maison après une absence de 28 ans, il a expliqué à quel point la ville est centrée sur son équipe de hockey, comparativement à Chicago où il y a des équipes professionnelles aux quatre coins de la ville. Il a résumé la situation dans le style imagé qui le caractérise. «Mercredi, il y avait 21 000 personnes au Centre Bell et il n'y avait pas un seul joueur sur la glace.»

Compte tenu du style beige de ses deux prédécesseurs, du Marc Bergevin, on en prendrait plus souvent.