Lors du premier duel Montréal-Ottawa en séries, il y a deux ans, les Sénateurs avaient salué l’annonce de la nomination de P.K. Subban à titre de finaliste dans la course au trophée Norris en rossant le Canadien 6-1.

Vendredi soir, les Sénateurs ont récidivé : ils ont souligné la nomination de Carey Price à titre de finaliste dans la course au trophée Vézina avec une pétarade de cinq buts sur les 25 tirs obtenus contre lui.

Combinée cette performance ordinaire de la pierre angulaire du Canadien au fait que son vis-à-vis Craig Anderson a repoussé 45 des 46 tirs du Tricolore et vous aurez vite fait de comprendre que les Sénateurs l’ont emporté 5-1. Cette victoire des Sens – ou défaite du Canadien, c’est selon – a jeté une douche froide sur les partisans du Tricolore qui avaient très majoritairement quitté le Centre Bell lorsque la sirène a mis un terme à cette rencontre décevante. À leur arrivée, ces mêmes partisans avaient pourtant le cœur à la fête croyant dur comme fer que leurs favoris, remis de la défaite de jeudi, sauraient profiter de leur retour à domicile pour mettre un terme à une série qui s’annonçait facile après trois victoires consécutives.

Soudainement, la pression monte.

Oui! Le Canadien est toujours en avant 3-2 dans la série. Ce sont donc les Sénateurs et non eux qui feront face à l’élimination une fois encore dimanche à Ottawa. Mais pendant que les Sénateurs jouent avec une aisance évidente, le Canadien s’embourbe de plus en plus.

Sans doute un brin ou deux frustré par les performances de Craig Anderson qui a maintenant repoussé 120 des 123 tirs du Tricolore depuis son entrée en scène lors du match numéro trois, le Canadien a cherché à déconcentrer le gardien des Sens à plusieurs reprises lors du match. S’il est tout à fait normal que le Canadien cherche à nuire au travail du gardien qui a le dessus sur eux depuis trois matchs, il était moins normal de voir Brandon Prust le darder dans le plastron en fin de rencontre.

Frustration? Simple stratégie? Heureux mélange de tout ça? Aller savoir. Mais ce qui était clair au fil d’une rencontre au cours de laquelle ils n’arrivaient pas à marquer, c’était les gestes d’impatience des joueurs du Tricolore qui se multipliaient.

Non seulement le Canadien n’a déjoué Anderson qu’à trois reprises sur ses 123 tirs dans cette série (efficacité de 97,6 %), mais si on ajoute à ces performances sensationnelles, celles très solides des séries il y a deux ans, on arrive à un total de 292 arrêts pour Anderson sur les 304 tirs affrontés en huit rencontres pour une efficacité de 96 %.

C’est énorme!

Autopsie de la défaite

Le Canadien a moins mal joué que le score final le laisse croire.

Avec ses 46 tirs cadrés, le Canadien a presque doublé le total (25) des sénateurs. Avec ses 82 tirs tentés, le Canadien a là aussi éclipsé ses adversaires (49). Le Canadien (10) s’est rendu coupable de dix revirements de moins que les Sénateurs (18) et pour une rare fois dans la série, il a gagné une majorité (54 %) des mises en jeu.

Pourquoi alors a-t-il perdu?

Première raison : parce que Craig Anderson a été meilleur que Carey Price alors que dans la très grande majorité des cas, c’est le contraire qui se produit.

Deuxième raison : Malgré un très bon début de match, le Canadien a été incapable d’enfiler le premier but. Il l’a encaissé pour un cinquième match de suite. Une statistique déplorable même si le Tricolore a su la surmonter lors des trois premiers matchs de cette série.

Troisième raison : l’attaque à cinq a une fois encore patiné dans le sable. En fait non. Vrai que le Canadien a été blanchi en trois occasions vendredi ce qui porte à un but en 19 son niveau de production – ou de non-production – depuis le début de la série. Mais l’attaque à cinq, bien que blanchie, a réussi à générer des occasions et à obliger les Sénateurs à se défendre avec acharnement. À ce titre, il est impératif de souligner une fois encore le travail gargantuesque de Jean-Gabriel Pageau qui s’est imposé physiquement avec ses cinq mises en échec – les Sénateurs ont distribué 50 coups d’épaule – mais surtout avec son tir bloqué aux dépens de P.K. Subban…. lors d’une attaque à cinq du Canadien. Blessé sur le jeu – il a semblé recevoir la rondelle à l’intérieur du genou – Pageau a retraité au banc de peine et de misère, mais c’est avec ce genre de sacrifice que lui et ses coéquipiers musèlent comme ils le font l’attaque massive du Canadien.

Quatrième raison : les bonds ont favorisé les Sénateurs hier soir. Ne riez pas. Le Canadien a foncé au filet d’Anderson vendredi. Peut-être pas toujours assez, peut-être pas toujours avec efficacité. Mais il y a eu quatre, cinq, six mêlées devant Anderson qui aurait pu se traduire par un but du Canadien. Une fois de la faute d’Erik Karlsson et une autre fois, par la très grande faute de Mark Stone, le Canadien a hérité de rondelles libres dans l’enclave, tout juste devant Craig Anderson, mais n’a pas su en profiter.

Inversement, tout ce que les Sénateurs ont tenté vendredi leur a souri. Ou à peu près….

Au fond, le Canadien a été victime vendredi d’une défaite à l’image des trois premières encaissées par les Sénateurs. Des Sénateurs qui avaient suffisamment bien joué pour s’offrir une chance de gagner alors que cette chance a été gaspillée par les gardiens – surtout Andrew Hammond dans les deux premières rencontres – qui ont été trop généreux.

«Je regarde le déroulement de ce match et je me dis qu’on aurait facilement pu être en avant 2-0 après la première période au lieu de nous retrouver avec un déficit de 0-2. On a fait un tas de bonnes choses ce soir. On a bien plus de raisons d’être optimistes que d’être pessimistes face à ce qui nous reste à faire dans cette série. Un peu de chance de notre bord et le discours sera bien différent», assurait P.K. Subban après la rencontre.

Vendredi, on a vu Subban et Markov – le vétéran a effectué une très vilaine passe à la ligne bleue du Canadien – bousiller une sortie de zone qui a conduit au 5e but des Sénateurs. «C’est un jeu qu’on réussit les yeux fermés normalement. Nous nous sommes mal compris», a admis Subban qui a aussi nui à Carey Price sur le but d’Erik Karlsson. Un but, le premier de deux des Sénateurs en avantage numérique, qui donnait les devants 3-0 à Ottawa en fin de période médiane.

«Quand j’ai vu que je ne pouvais bloquer le tir, j’ai tenté de me tasser pour permettre à Carey de bien voir la rondelle. Je me suis tassé vers l’intérieur au lieu de le faire vers l’extérieur. En plus, j’ai touché à la rondelle avec mon bâton et il n’a eu aucune chance. C’est un bon exemple de ce que je te disais tantôt quant au facteur chance qui était tout à leur avantage ce soir», a conclu Subban.

Un retour de la chance dans leur camp aiderait grandement Subban et le Canadien. Mais encore faudra-t-il mettre tout en œuvre pour forcer la main de cette chance un brin ou deux.

Sinon les deux équipes reviendront au Centre Bell mardi pour un éventuel septième et dernier match. Un match sans lendemain au cours duquel la pression sera alors complètement sur le dos du Canadien qui pourrait passer à l’histoire en devenant la cinquième équipe seulement à subir l’affront d’une élimination après qu’elle eut pris les devants 3-0 dans une série quatre de sept.

Mais bon!

Avant de spéculer sur les chances d’un match sans lendemain mardi, il ne faudrait pas oublier que le Canadien peut encore calmer la tempête qui se prépare en l’emportant dès dimanche.

Plus facile à dire qu’à faire, mais c’est loin d’être impossible.