La défaite gênante aux mains des Flames de Calgary aurait pu mettre la table à un véritable désastre. L’Ouest canadien étant particulièrement inhospitalier au Tricolore qui y jouit pourtant d’une popularité qui se vérifie année après année, ce revers attribuable à un manque d’effort et de conviction n’augurait rien de bon pour les trois matchs qui s’en venaient.

Et pourtant!

Loin de glacer le Canadien, cette défaite a servi d’électrochoc. Elle a poussé Michel Therrien à secouer son équipe en imposant des décisions qui n’étaient pas toutes évidentes à prendre.

Même si Carey Price était frais comme une rose en raison du début de calendrier bien calme, Therrien lui a préféré Peter Budaj dès le deuxième match.

Même si P.K. Subban et Andrei Markov sont loin devant leurs coéquipiers défenseurs en matière de qualité de jeu, Therrien n’a pas hésité à les réunir malgré la fluctuation à la hausse du niveau de vulnérabilité qu’encaissaient ainsi les deux autres duos.

Même si Lars Eller pilotait le meilleur trio du Canadien et l’un des bons de la LNH à l’aube de la saison, Therrien n’a pas hésité à offrir les jeunes Gallagher et Galchenyuk à Tomas Plekanec tout en donnant au jeune Danois le mandat, pas commode, de relancer Max Pacioretty et Daniel Brière.

Même si Daniel Brière a été courtisé à l’aide des huit millions $ que Marc Bergevin lui a proposés en échange d’un contrat de deux ans, Therrien n’a pas hésité à lui faire l’affront d’un entraînement au sein d’un quatrième trio et d’un début de match en queue de peloton.

Une décision qu’il aurait facilement pu imposer à David Desharnais qui avait autant, peut-être même plus, de choses à se faire pardonner que Brière.

Parce que Therrien savait qu’il ne pouvait se permettre de glisser à Edmonton, Vancouver et Winnipeg de la façon dont son équipe venait de glisser à Calgary, il n’a pas hésité une seconde à prendre une à une ces décisions qui s’imposaient.

Michel Therrien n’a pas marqué de but. Il n’a pas effectué d’arrêt où asséné de mises en échec. Mais avec ce barrage de décisions, il a fait comprendre à ses joueurs l’urgence de réagir.

Et ils ont réagi. Positivement. Et comment.

Le Canadien ne serait pas déjà exclu des séries s’il s’était écrasé dans l’Ouest en encaissant quatre revers. Ou en se contentant d’une victoire, voire de trois petits points.

Mais les doutes relevés lors du premier match de la saison – un revers de 4-3 encaissé au Centre Bell aux mains des Leafs de Toronto – des doutes que la victoire facile aux dépens des Flyers n’avait pas tous chassés et que la défaite cuisante encaissée à Calgary avait multipliés se seraient vite propagés à l’ensemble de l’équipe.

Sans oublier qu’ils auraient éclaboussé au passage Therrien, ses adjoints et le reste de l’état-major gravitant autour de Marc Bergevin.

La victoire d’hier à Winnipeg, celle plus importante encore de samedi à Vancouver, sans oublier le match que le Tricolore ne pouvait se permettre de perdre à Edmonton contre les misérables Oilers, n’assurent pas le Canadien d’une place en séries.

Ça non!

Mais elles ont permis de reprendre le plein contrôle de la jeune saison. De donner un ton positif à un voyage qui était loin d’être parti pour l’être. Et ça, c’est plus important que les six points récoltés au fil des trois derniers matchs.

Brière a bien réagi, Desharnais aussi

Confiné au quatrième trio en raison d’une trop timide contribution offensive, Daniel Brière a récolté deux points hier. Fort d’un but et d’une mention d’aide, il a terminé sa soirée de travail avec un différentiel de plus-2.

Bon! Certains diront que ce but marqué dans un filet désert pour confirmer une victoire de 3-0 des siens aux dépens des Jets est loin d’être à la hauteur des attentes à l’endroit du Gatinois.

Vrai que Brière a marqué dans un filet désert. Mais des fois, un but aussi banal peut servir de déclencheur. Rappelez-vous l’an dernier. Après un début de saison écourtée inquiétant, Max Pacioretty a débloqué offensivement après qu’il eut déjoué Cam Ward, des Hurricanes de la Caroline, à l’aide d’un tir faible – un dégagement en fait – du centre de la patinoire.

Ça pourrait arriver à Brière également.

Derrière cette mesure disciplinaire imposée à Brière, Michel Therrien a lancé un message par la bande à David Desharnais qui aurait pu écoper.

Parce que Brière a plus d’expérience, parce qu’il a la couenne plus dure que Desharnais qui semble plus sensible aux critiques et à la pression exercée par son coach et par le public, Michel Therrien a bien sélectionné sa cible.

Résultats : Brière a mieux joué. Il y a encore place à amélioration. Bien sûr. Mais donnez du temps au Gatinois de trouver son rythme et je suis convaincu qu’il débloquera.

Plus encore, la sanction imposée à Brière a semblé survolter David Desharnais. Comme s’il avait senti qu’un autre payait à sa place, Desharnais a disputé son meilleur match de la saison. Et de loin.

Ses détracteurs diront qu’il en avait disputé quatre très mauvais suivis d’un passable samedi à Vancouver. Ils insisteront sur les occasions que lui et ses compagnons de trio ont raté à Winnipeg hier soir.

Nageant dans une mauvaise foi exagérée, ils omettront de souligner à quel point Desharnais s’est impliqué. À quel point il a patiné. À quel point il a contrôlé la rondelle. À quel point il l’a distribuée afin de générer un brin ou deux plus d’offensive.

Ils omettront aussi de relever le but vide raté par Rene Bourque après que Desharnais lui eut refilé une passe parfaite dans l’enclave.

Ils omettront de relever les rondelles perdues par Brendan Gallagher devant le filet des Jets alors qu’ils insistent sur les cafouillages de Desharnais.

Mais bon! C’est comme ça. Et Desharnais devra s’y faire. Car maintenant qu’il a signé un gros contrat, il n’est plus le bon petit gars qui a défoncé les portes avec courage et convictions pour se rendre de la LHJMQ à la Ligue de la Côtes-Est, puis à la Ligue américaine et finalement à la Ligue nationale.

Il doit produire. Beaucoup. Et régulièrement.

Desharnais a gagné une petite bataille hier. Mais il n’a pas gagné la guerre. Les partisans s’attendent à ce qu’il joue tous les soirs comme il l’a fait hier pour faire honneur au temps d’utilisation que lui offre Michel Therrien et aux 14 millions $ que lui a offert Marc Bergevin.

Mais comme il reste 76 matchs à disputer en saison régulière, et non six, peut-être qu’il serait sage de mettre une pression saine sur les épaules de Desharnais au lieu de l’étrangler.

Je vous lance ça juste de même...

Price a retrouvé confiance et repères

J’étais de ceux qui ont contesté la sélection de Budaj à Edmonton. Pourquoi? Parce que je trouvais que Price ne devait pas bénéficier d’un congé. Parce que surtout, je trouvais que Michel Therrien avait plus à perdre qu’à gagner de le priver d’une victoire relativement facile à aller chercher à Edmonton.

Je n’avais pas tout à fait raison. Pour ne pas écrire que j’avais tort.

Car finalement, l’affront – le mot est fort – de lui préférer Budaj donne sérieusement l’impression d’avoir fouetté Price.

Meilleur joueur du Canadien face aux Canucks samedi – oui il a volé la victoire pour son équipe – Price l’a encore été mardi à Winnipeg. Autour de lui, ses coéquipiers ont été meilleurs qu’ils ne l’avaient face aux Canucks. C’était évident.

Mais Price affichait une confiance contagieuse devant son but. Toujours en plein contrôle, il se fiait à des repères solides qui ont contribué à rendre faciles – du moins en apparence – des arrêts qui autrement l’auraient été beaucoup moins.

Est-ce l’effet Stéphane Waite qui se fait sentir? La maturité qui s’installe enfin? La motivation de ravir l’un des postes – et pourquoi pas celui de numéro un – devant le filet d’Équipe Canada en vue des Jeux de Sotchi?

Je vous suggère un heureux mélange de tout ça.

Subban, Markov et les autres...

En proclamant l’union de P.K Subban et Andrei Markov, Michel Therrien s’assure d’un duo d’arrières de première qualité.

Derrière eux, Raphael Diaz et Josh Gorges ont disputé un fort match. Un très fort même dans le cas de Diaz qui a joué davantage – Gorges aussi – que Markov. Presque autant que Subban. Diaz et Gorges n’ont pas seulement joué beaucoup. Ils ont commandé un tel temps d’utilisation parce qu’ils jouaient bien. Très bien.

Nathan Beaulieu ayant encore de l’expérience à acquérir avant de minimiser des erreurs qu’il a multipliées hier, Francis Bouillon a su bien l’épauler pour évider que les bévues se transforment en bêtises trop coûteuses.

Au fond, tout le monde a bien joué hier. Tout le monde a patiné. Tout le monde s’est impliqué en travaillant fort dans les coins, en plongeant devant des tirs, en se défonçant à l’ouvrage dès le début de la rencontre.

Même que les joueurs du Canadien l’ont fait davantage après que Max Pacioretty eut quitté la rencontre en raison d’une blessure à la jambe gauche. Une blessure qu’il s’est infligée en effectuant une chute en première période. Une vilaine chute qui a semblé avoir des répercussions douloureuses au genou, à la cuisse ou à l’aine. Je ne sais trop. Mais bon! On saura bien assez vite la nature et la gravité de la blessure. Surtout, la durée probable de son absence.

Cet élan victorieux qui a transporté le Canadien d’Edmonton, à Vancouver, à Winnipeg et qui lui a permis d’effectuer une belle et paisible envolée vers Montréal au cours de la nuit, c’est Michel Therrien qui l’a donné en multipliant les décisions importantes qu’il a prises aux moments propices ou il les a prises.

Je ne sais pas si Therrien a été meilleur derrière le banc que Price l’a été devant son filet, que P.K. l’a été aux deux lignes bleues, que les jeunes surdoués et les plus vieux routiers l’ont été dans tous les aspects du jeu qu’ils ont déployés.

Mais je sais une chose, Therrien a pris les moyens pour que ses joueurs, tous ses joueurs, excellent chacun à leur niveau.

Et c’est pour cette raison qu’il mérite les honneurs qui lui reviennent au retour de ce voyage qui confirme un très bon début de saison au lieu de l’assombrir.

Des honneurs qui sont toutefois éphémères.

Car si le Canadien se fait déclasser dès jeudi alors que les Blue Jackets de Columbus feront escale au Centre Bell, ou samedi alors que les Predators de Nashville passeront par Montréal, les doutes chassés au fil des trois dernières victoires reviendront vite s’attaquer au Canadien, à son coach, à son gardien, à ses joueurs.

Et attention : en plus d’avoir à se méfier des Blue Jackets, un adversaire qui n’est plus l’un des parents pauvres de la LNH, le Canadien devra se méfier du damné premier match à domicile après un long voyage. Un match qui est toujours plus difficile à gager que les autres.

Comme quoi il est bien vrai qu’à Montréal, il n’y en a jamais de facile...