Quand tu as le grand privilège d’avoir Carey Price devant ton but, tu peux te permettre de prendre des chances, de jouer mollement, de donner des tirs aux adversaires, trop de tirs, parfois beaucoup trop de tirs, mais de t’en sortir avec une victoire.

C’est arrivé souvent cette année. C’est arrivé encore mardi face aux Stars de Dallas alors que Carey Price, avec ses 40 arrêts, a donné au Tricolore une victoire qui aurait facilement pu se retrouver dans la colonne des revers.

Bon! On dira que les gardiens sont payés, et payés grassement, pour effectuer des arrêts et donner à leur club des chances réelles de gagner. Je veux bien. Parlez-en à Tyler Seguin, Jamie Benn et aux joueurs des Stars qui ont vu leurs gardiens – et leur défense en général – leur coûter plus de revers qu’ils leur ont offert des victoires cette année. Ils vous confirmeront que dans l’art de donner des chances de gagner à leur club, certains gardiens sont bien meilleurs que d’autres. Et Carey Price est parmi les meilleurs de la Ligue. Avec Pekka Rinne qui pour l’instant est cloué à l’infirmerie.

De fait, au lendemain d’une pause – bien méritée il est vrai – dont ils sont revenus la tête dans les nuages et les patins dans le sable, les joueurs du Canadien ont justement eu la chance de profiter des largesses défensives des Stars pour prendre les devants 2-0.

Deux buts rapides marqués en début de match, avec Carey Price en forme devant son filet, c’est un gage de succès. Mettons.

Mais le Canadien, pour une raison que je peine à comprendre – et non il n’a pas fait exprès, du moins j’ose croire – s’est grandement compliqué la vie avec quelques bévues coûteuses.

Hors-jeu et mise en jeu

En fin de premier tiers, alors qu’il n’avait qu’à attendre que les dernières secondes s’égrainent au cadran, P.K. Subban s’est rendu coupable d’un hors-jeu volontaire qui a valu une mise en jeu à la droite de Carey Price.

Une mise en jeu qui a justement coûté un but.

Analysons le jeu doucement.

P.K. Subban, que j'ai questionné après la rencontre, m’a indiqué que tout s’est passé très vite. « Je ne savais pas vraiment combien de temps il restait, ça criait au banc et dans les faits, je ne crois pas avoir touché à la rondelle avant que les arbitres ne sifflent l’arrêt de jeu », a plaidé Subban qui n’était pas du tout d’accord avec la décision rendue à ses dépens.

Son entraîneur-chef Michel Therrien n’était pas plus d’accord. « P.K. n’a jamais touché à la rondelle, on le voit à la reprise », a assuré l'entraîneur.

Je ne sais pas qui de P.K. Subban, Michel Therrien ou du juge de lignes a le plus raison. Je sais toutefois que la mise en jeu s’est retrouvée à la droite de Carey Price.

Avec 2,7 secondes à écouler au premier tiers, les Stars ont rappelé le gardien Lehtonen au banc à la faveur d’un sixième attaquant. Michel Therrien a alors dépêché Manny Malhotra pour s’occuper de la mise en jeu.

ContentId(3.1113959):Un gros merci à Carey Price
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Un choix normal.

Malhotra, qui n’encaisse pas souvent des décisions du genre de la part des juges de lignes, et Tyler Seguin ont été chassés conjointement, cédant leur place à Jason Spezza et Brendan Gallagher.

La petite peste du Tricolore n’a pas fait le poids. Gallagher a perdu nettement la mise en jeu et Jamie Benn, après un bloc de Patrick Eaves il me semble, a déjoué Price avec un tir des poignets qui s'est faufilé entre tous les joueurs massés devant le but.

Pourquoi Gallagher, qui n’est pas un centre naturel, et non Plekanec, Desharnais, Eller, voire Bournival?

J’ai posé la question à Michel Therrien après la rencontre. Il ne l’a pas aimée parce que les coachs détestent – et c’est normal – avoir à se justifier surtout après les faits, mais la réponse de Michel Therrien a été claire.

« Je voulais avoir sur la glace des gars susceptibles de bloquer des tirs dans l’éventualité qu’on perde la mise en jeu. En plus, Gallagher a souvent pris des mises en jeu sur son côté fort depuis le début de la saison », a indiqué Therrien.

Si Malhotra n’avait pas été chassé, s’il avait remporté la mise en jeu ou si Gallagher n’avait pas perdu la sienne, les Stars n’auraient pas marqué et le hors-jeu volontaire imputé à Subban tout comme le choix de personnel pour la mise en jeu n’aurait alimenté aucun débat.

Mais voilà! Les Stars ont marqué.

Et la question devait être posée. Notez ici que bien qu’il n’ait pas aimé la question et qu’il ait rabroué un brin ou deux celui et celle qui l’ont posée en français et en anglais, Michel Therrien a offert une explication qui se tient.

Gallagher est un valeureux combattant. Il l’a prouvé sur le but en avantage numérique qu’il a marqué – but gagnant – contre les Stars mardi.

Mais bien que je ne conteste pas haut et fort la sélection de Michel Therrien, j’aurais préféré voir Tomas Plekanec devant Spezza même s’il est gaucher. C’est d’ailleurs Plekanec qui s’est occupé des mises en jeu importantes – et à la droite de Price – en fin de rencontre.

J’aurais aussi préféré voir Andrei Markov s’ajouter au « troupeau » de joueurs campés dans l’enclave sur cette mise en jeu plutôt que de le garder le long de la bande. Avec 2,7 secondes, le but principal est d’enrayer les chances que la rondelle ne se rende au filet. Même si Price le défend. Avec quatre joueurs du CH dans l’enclave et autant des Stars, je suis loin d’être convaincu que Jamie Benn aurait pu loger son tir dans la partie supérieure.

Si vous me permettez une analogie un brin ou deux grossière, même Carl Carmoni aurait peiné à réussir un « birdie! » sur le trou numéro un au mini-putt s’il y avait eu huit sculptures de bois et non trois sur le trou qu’on appelait le Totem.

Genre...

Emelin : aucune sanction supplémentaire

Après avoir vu le hors-jeu (volontaire ou non) et la mise en jeu qui a suivi coûter un but au Canadien, une pénalité d’indiscipline d’Alexei Emelin a coûté l’autre but des Stars.

Pauvre Emelin.

Ça allait tellement bien pour lui. Avec un but – un cadeau de Lehtonen, mais un but quand même : son deuxième de l’année – et un autre plus parce qu’il était sur la patinoire pour le deuxième du Tricolore – avez-vous vu Galchenyuk profiter des largesses défensives de Jordie Benn? – Emelin s’est retrouvé au vestiaire après qu’il eut été expulsé pour une mise en échec par-derrière assénée dans le dos de Jason Spezza.

Oui Spezza s’est retourné à la dernière seconde. Mais il était déjà dans une position vulnérable. À mes yeux, Emelin méritait donc la pénalité majeure que lui ont infligée les arbitres.

Mais en dépit de son passé trouble et de ses antécédents, Emelin ne sera pas frappé d’une sanction supplémentaire. Après une vérification d’usage, la LNH a statué durant la rencontre qu’elle n’avait pas à accorder plus d’attention au geste posé par le défenseur du Canadien.

Tout ça est bien beau.

Mais cette pénalité a ouvert la porte au but en attaque massive des Stars qui ont resserré le score à 3-2.

N’eût été des arrêts en séries de Carey Price ensuite, les Stars auraient pu niveler les chances et qui sait, voler vers la victoire au lieu de se la faire voler. Car lors des 15 derniers matchs avant celui contre le Tricolore, les Vedettes affichaient un dossier parfait de 8-0 avec la contribution de leur attaque massive (au moins un but), mais aucune victoire 0-5-2 lorsque leur attaque à cinq est muselée.

Ils ont marqué une fois en attaque massive hier et bien honnêtement, ils auraient obtenu un meilleur sort – au moins un point – n’eût été des exploits de Price combinés aux largesses de leur gardien Lehtonen.

Mais bon! Ça semble être le plan de match du Canadien : faire son possible et s’attendre à ce que Price réalise l’impossible.

On verra combien de temps cela durera. Car cette recette, bien qu’elle ait donné au Canadien plusieurs de ses 30 victoires cette saison, pourrait bien ne pas lever un moment donné. Genre en séries. Avec les conséquences que l’ont sait.

Michel Therrien, à qui mon collègue Philippe Cantin a posé la question après le match, s’est bien gardé de répondre que son équipe jouait un jeu dangereux en se fiant trop à son gardien soir, après soir, après soir. Michel Therrien a esquivé la question en convenant que lui, comme les autres membres de l’état-major, les joueurs et leurs partisans étaient tous très conscients de la grande qualité de Carey Price et qu’ils avaient tous bien raison d’être heureux de profiter de sa présence devant le filet.

C’était un bon début de réponse.

Je veux bien croire que le coach du Canadien ne peut admettre qu’au-delà toutes les stratégies qu’il passe des heures à concoctées avec ses adjoints, des heures passées devant les écrans pour dire aux joueurs ce qu’ils font de bien leur montrer ce qu’ils doivent améliorer, les succès de son club reposent presque exclusivement sur les jambières de son gardien.

Mais après 47 matchs cette saison, c’est pas mal ce qui se passe avec le Tricolore.

Il est donc un brin ou deux dangereux que les joueurs s’enlisent dans une dangereuse complaisance en croyant que leur gardien saura les sauver encore et encore et encore...

Dans ces circonstances, Michel Therrien et le Canadien au grand complet ne peuvent simplement reconnaître être très heureux d’avoir Carey Price dans l’uniforme tricolore, ils devraient aussi reconnaître qu’ils sont aussi très chanceux.