Par Nicolas Landry - Si la plupart des observateurs s'entendent pour dire que la cuvée que fournira la LHJMQ au prochain repêchage de la Ligue nationale n'a rien d'un grand cru, l'année 2009 pourrait tout de même sonner la fin d'une longue sécheresse pour le circuit Courteau.

Le dernier défenseur québécois pure laine issu de la LHJMQ à avoir entendu son nom au premier tour de l'encan de la LNH est Mathieu Biron, qui avait été sélectionné au 21e rang par les Kings de Los Angeles en 1998. Onze ans plus tard, la tendance pourrait être brisée par Simon Després, des Sea Dogs de Saint-Jean.

Després, un gaillard de 6 pieds 4 pouces qui a grandi à Laval, a été classé au huitième rang des plus beaux espoirs nord-américains lors du dernier recensement de la centrale de recrutement de la LNH.

"J'aime sa progression au niveau de l'implication dans le jeu, analyse Luc Gauthier, recruteur amateur pour les Penguins de Pittsburgh. L'an dernier, il avait un impact avec son équipe, mais cette année, il a vraiment élevé son jeu d'un cran. Il a été un peu plus impliqué dans toutes les facettes de son jeu."

Gauthier décrit Després comme un excellent patineur, mobile et agile pour son gabarit avec un bon sens du jeu et une capacité à relancer l'attaque avec efficacité.

"Et pour avoir eu l'occasion de le rencontrer à deux reprises, je peux dire que c'est un chic type. Il est très mature pour un jeune de 17 ans", ajoute-t-il.

Després ne fait toutefois pas l'unanimité. Le collègue Stéphane Leroux, qui parcourt les arénas de la LHJMQ depuis plus de 20 ans, n'a pas entendu que de bons commentaires à l'endroit de l'arrière des Sea Dogs.

"Un paquet de dépisteurs trouvent qu'il n'a pas suivi la courbe d'apprentissage qu'on lui prédisait, fait remarquer Leroux. Dans le midget AAA, il pouvait se porter à l'attaque et était capable de jouer entre 25 et 30 minutes par match. Mais on dirait qu'on l'a retenu au cours des deux dernières années. Il n'a rien fait d'extraordinaire au mondial des moins de 18 ans et n'a même pas été invité au camp d'évaluation estival d'Équipe Canada junior."

Non seulement les bonzes d'ÉCJ ont ignoré Després, mais ils ont logé un appel à Charles-Olivier Roussel, son homologue des Cataractes de Shawinigan qui a connu une deuxième saison solide pour les finalistes de la coupe du Président.

"Est-ce que Roussel pourrait sortir avant Després?, va jusqu'à se demander Stéphane Leroux. Même si certains me disent que oui, je ne crois pas. Mais reste que Després a perdu des points et je serais surpris de le voir choisi dans les dix premiers. Pourtant, au début de l'année, on le voyait comme le meilleur espoir à la ligne bleue en Amérique du Nord."

Le facteur russe

Le débat entourant l'ordre de sélection de Després fait presque oublier qu'un autre joueur de la LHJMQ pourrait déjà avoir enfilé le chandail de sa nouvelle équipe quand le jeune Lavallois sera appelé au podium.

Dmitry Kulikov, des Voltigeurs de Drummondville, n'a pas raté l'occasion de faire une bonne première impression à son arrivée au Québec et il ne devrait pas s'éterniser dans les gradins du Centre Bell vendredi soir. Au gala des Rondelles d'Or de la LHJMQ en avril, il a été élu défenseur de l'année, recrue de l'année et meilleur espoir professionnel de la Ligue.

"C'est le meilleur package deal que j'ai vu depuis Crosby, n'hésite pas à dire Guy Boucher, l'entraîneur de Kulikov avec les Voltigeurs. Hors glace, c'est un jeune exceptionnel. Dans le vestiaire, il s'est fait accepter immédiatement. Il a une superbe personnalité."

"Personnellement, je pensais qu'il allait casser, dit sans détour Luc Gauthier. Ça aurait été normal, avec le nombre de matchs qu'il a joués cette année. Il a participé au championnat mondial junior, à toutes les parties d'étoiles imaginables et son équipe s'est rendue au tournoi de la coupe Memorial. Il avait du millage dans le corps, mais il a gardé la cadence jusqu'à la fin. Ça dit qu'il a du caractère, qu'il est capable de passer à travers les obstacles."

"C'est un joueur très tough. Honnêtement, c'est un Canadien né en Russie, illustre Boucher. Il ne se fait jamais battre à un contre un. Si on essaie de le frapper, il réussit à esquiver les coups et si jamais il se fait pincer, ça ne le sortira pas du match. Au contraire, il va prendre en note le numéro de son adversaire et il va lui rendre la monnaie de sa pièce à sa prochaine présence."

"Il est moins imposant physiquement que Després, mais c'est tout un patineur, poursuit Gauthier. Il possède un très bon lancer, surtout des poignets. Il est très intelligent et n'essaie pas nécessairement de traverser le gardien de la ligne bleue. Souvent, il va surtout essayer de mettre la rondelle au filet pour laisser ses coéquipiers récupérer les rebonds."

Les statistiques de Kulikov - 62 points en 57 matchs - peuvent en inciter certains à le décrire comme un défenseur unidimensionnel à caractère offensif, mais Gauthier qualifierait cette conclusion de hâtive et erronée.

"Parfois, on pense que parce qu'un joueur produit beaucoup, il néglige son jeu défensif, mais Kulikov est solide dans son territoire. Il n'a pas peur du jeu physique et est capable de s'impliquer le long des rampes. De plus, il a une bonne portée et se sert très bien de son bâton à un contre un."

"D'après moi, Kulikov sera le premier joueur de la LHJMQ repêché, avance Stéphane Leroux. En début de saison, tout le monde ne parlait que de Després, mais plus l'année avançait et plus Kulikov gagnait des points. Selon moi, Kulikov est un top 10."

Les autres

Després et Kulikov risquent d'être les deux seuls produits de la LHJMQ à être fixés sur leur sort au terme de la première journée du repêchage, mais personne ne tomberait en bas de sa chaise si un troisième espoir du Québec venait se glisser dans la ronde initiale.

"On peut lancer les noms de Jordan Caron (Rimouski), Philippe Paradis (Shawinigan), Charles-Olivier Roussel et encore Éric Gélinas (Lewiston), énumère Gauthier. Ils ont des chances, mais c'est plus réaliste de les imaginer en deuxième ou en troisième ronde."

"Pour la première ronde, ça pourrait aller entre un et quatre, calcule Denis Fugère, un recruteur à l'emploi des Kings de Los Angeles. Kulikov et Després sont les choix évidents, mais vous avez un Caron et un Roussel qui pourraient venir mêler les cartes."

"Cette année, je crois que ça va être bon à partir de la deuxième ou de la troisième ronde, approuve Leroux. La première ronde devrait être tranquille et si on a deux gars de la LHJMQ de sélectionnés vendredi, on va être chanceux. Mais ensuite, ça devrait débouler."

"C'est une année correcte, juge Gauthier. Ce n'est pas une grosse cuvée, mais ce n'en est pas une mauvaise non plus. Il y a de la quantité plus que de la qualité, mais j'ai vu des années pires que celle-là."

Fugère abonde dans le même sens. "Il y a peut-être moins de joueurs vedettes, mais beaucoup de profondeur."

La pépinière est à sec

La LHJMQ s'est bâti, dans les années 1990, la réputation d'être une véritable petite mine d'or pour les équipes de la LNH à la recherche d'un gardien de but d'avenir. Mais le mouvement s'est essoufflé et un seul nom, celui d'Olivier Roy, ressort véritablement du lot en 2009.

"Comme la mode est aux gardiens de 6 pieds 2 pouces, c'est dommage, mais il lui manque trois pouces. Personnellement, je l'adore, commente Leroux. Quand on parle d'un compétiteur, c'en est un vrai. Il a déjà joué plusieurs matchs en deuxième et troisième période de prolongation sans broncher. Il a récolté 27 victoires à 16 ans et 35 cette année. C'est probablement le gardien qui se présente au repêchage avec le plus de bagage. Avec un gabarit plus avantageux, c'est un choix de première ronde assuré. C'est dommage, parce que côté technique et attitude, c'est probablement un des bons des dernières années."

"Peu de gardien peuvent assumer autant de responsabilités à 17 ans, mais lui l'a fait avec brio", complète Gauthier.

Une fois que Roy sera sélectionné, les équipes de la LNH qui décideront néanmoins de s'aventurer au Québec s'en viendront jouer à la piñata. On se ferme les yeux et on prend un bon élan, en espérant de frapper le gros lot.

"J'aime bien Gabriel Girard, des Cataractes, lance Luc Gauthier. Il n'a peut-être pas eu autant d'opportunités que les autres de se faire voir, mais quand il a obtenu sa chance, il a fait du bon travail."

"Jean-François Bérubé, du Junior, est bien classé, mais les dépisteurs n'ont pas pu le voir à l'œuvre souvent en raison de la présence de Jake Allen. Il sera un projet à long terme pour l'équipe qui décidera de le prendre", évalue Leroux.