MONTRÉAL – En pleine nuit, celle du 30 au 31 décembre, Pierre-Cédric Labrie a emprunté le camion d’un adversaire, bravé une immense tempête frappant la pointe du Lac Michigan, parcouru environ 450 kilomètres pour ne pas rater... la naissance de son premier enfant.

 

À l’image de son style sur la glace, Labrie a bien fait de remuer ciel et terre pour parvenir à ses fins puisqu’il s’en est fallu de peu, très peu, pour que Labrie rate ce moment de grande extase. Le petit Lionel s’est pointé le visage que 40 petites minutes après son arrivée à l’hôpital.

 

Pierre-Cédric Labrie, Jana Piuze-Roy et LionelSi la carrière de hockeyeur de Labrie – qui s’est amorcée dans le Junior AAA - n’est pas banale, l’histoire de l’accouchement de son fils est aussi divertissante sinon plus. Selon les médecins du Québec, la date d’accouchement de sa conjointe, Jana Piuze-Roy, était le 29 décembre alors que leurs homologues américains prévoyaient plutôt le 6 janvier.

 

Le 30 décembre, Labrie a donc embarqué dans l’autobus avec ses coéquipiers pour un trajet de 4,5 heures vers Grand Rapids. À mi-chemin, c’est là que l’action a démarré. Sa compagne l’informe qu’elle ressent des crampes en plus d’être fiévreuse.

 

« Elle n’avait pas encore perdu ses eaux, ce n’était pas trop alarmant, mais je demandais à mes coéquipiers si j’étais mieux de retourner à la maison. Elle faisait sa tough, elle me disait que tout serait beau et qu’elle ne pensait pas que ça se passerait tout de suite », a raconté Labrie en se remémorant la scène.

 

En partie rassuré, Labrie est allé souper au restaurant avec ses coéquipiers en arrivant à destination. Il ne dormait pas depuis très longtemps lorsque le téléphone a sonné.

 

« Là, c’était urgent, ça pressait! »

 

Sans tarder, il s’est mis à fouiller pour les vols afin de retourner à Milwaukee. Le prochain vol direct n’atterrissait à Milwaukee qu’à 8h du matin. Les options en passant par Chicago n’étaient pas meilleures. Il n’aurait pas pu arriver à l’hôpital à Milwaukee avant 7h45.

 

Rien pour l’aider, Labrie savait que le temps pressait étant donné que la mère de Jana avait accouché rapidement de ses enfants. De plus, c’était impossible de trouver un chauffeur de taxi pour le conduire à Milwaukee en raison de la météo exécrable et les chauffeurs privés étaient débordés avec les célébrations en vue de la nouvelle année.

 

« C’est là que j’ai pensé réveiller un de mes coéquipiers (Mark Zengerle) qui a joué pendant deux saisons à Grand Rapids. Je savais qu’il s’entendait bien avec plusieurs joueurs. J’ai tenté ma chance et il m’a dit que le seul de ses anciens coéquipiers qui pourrait accepter de me prêter son véhicule était le gardien Tom McCollum », a expliqué Labrie.

 

Il s’est empressé de l’appeler et McCollum a accepté de le dépanner. McCollum était en autobus sur le chemin du retour d’un match à Cleveland et il proposait d’aller lui porter son camion dès son arrivée dans 90 minutes.

 

« Je lui ai dit que ça reviendrait à la même chose de prendre le premier vol du matin. C’est là qu’il a proposé de réveiller sa femme pour qu’elle vienne me le porter tout de suite à l’hôtel. Ça n’a pas pris 15 minutes de plus et j’étais sur la route. »  

 

Déjà envahi par l’adrénaline, Labrie devait maintenant composer avec une tempête digne de son enfance à Baie-Comeau.

 

« J’étais en même temps fatigué, mais sur les nerfs. C’était toute une aventure avec la tempête qui s’est présentée en Indiana à la pointe du Lac Michigan. J’irais jusqu’à dire que je n’ai jamais vu ça et à Baie-Comeau, on en a des tempêtes! Il n’y avait aucune trace de pneus sur l’autoroute, il devait être autour de 4h dans les pires moments. C’était vraiment comme avancer dans un rideau blanc pendant 45 ou 60 minutes.  

 

« Dès que je suis sorti de la tempête, il a fallu que j’arrête pendant 15 minutes pour me reposer les yeux. C’est là que Jana m’a appelé pour me dire qu’elle commençait à pousser. J’ai pesé sur la pédale un peu », a-t-il ajouté en riant.

 

« Quand j’y repense, la sieste de 15 minutes aurait pu me coûter cher, mais je n’avais pas le choix! Les yeux me fermaient. »

 

Pour un hockeyeur qui ne recule devant aucun défi sur la patinoire, cette épreuve était bien plus stressante qu’un combat.  

 

« Mets-en! J’ai été brûlé pendant deux jours », a admis Labrie en souriant.

 

Après la naissance de son fils en matinée le 31, Labrie a passé deux jours en famille avant de disputer un match dès le 3 janvier. Pierre-Cédric Labrie

 

« On n’avait pas dormi pendant deux jours. J’ai dû causer des revirements à mes cinq premières présences, je pense que j’ai joué ma pire game de hockey. Là, ça va mieux, on a plus une routine. Je suis tellement content de ne pas avoir manqué ça, c’était la meilleure sensation au monde! »

 

Habile conteur avec un bon sens de l’humour, Labrie pourra décrire tous les détails de cette nuit inoubliable à son fils dans quelques années. En attendant, il remercie surtout celui qui a sauvé la mise.

 

« J’aime surtout la partie de McCollum qui m’a prêté son camion. Je ne le connaissais pas personnellement et je ne me souvenais pas que, deux ans plus tôt, quand je jouais pour Rockford, il y a eu une petite mêlée à la fin d’un match et j’avais saisi son masque pour le brasser. Je ne me rappelais pas que c’était lui, mais il a quand même accepté de me prêter son véhicule. Tu vois que malgré la rage sur la glace, les gars sont humains à l’extérieur. Je lui dois mon respect pour le reste de ma vie  », a confié Labrie.  

 

Ce beau récit s’est propagé massivement sur le web lorsqu’il a été dévoilé par le Journal Sentinel, un média de Milwaukee.

 

« Ça nous dépasse, je ne pensais pas que ça deviendrait une grosse histoire. Les médias locaux voulaient faire une histoire et je me disais que ça servirait pour faire de la promotion pour notre équipe. Évidemment, les réseaux sociaux font que ça prend de l’ampleur bien vite. Le responsable des réseaux sociaux de l’équipe me disait l’autre jour que l’article a été lu plus de 60 000 fois dans la journée. Je n’en revenais pas. Ce qui est le fun, c’est que ça va plus loin que le sport quand un adversaire te prête son véhicule », a réagi Labrie qui n’est pas du style à suivre ça de trop près.

 

Jana Piuze-Roy et Pierre-Cédric LabriePatrick Roy, grand-père pour une première fois

 

En couple depuis quatre ans avec la fille de Patrick Roy et Michèle Piuze, Labrie a révélé que l’ancien gardien de but était bien heureux de la nouvelle.

 

« Il est super content. Quand on lui a annoncé la grossesse, il avait un gros sourire de joie pour nous. D’ailleurs, je pars plus tard cette semaine pour San Antonio, il va en profiter pour venir voir son petit-fils et sa fille. Il n’aime pas tant prendre l’avion donc c’est vraiment parce qu’il veut venir », a mentionné Labrie qui tient à souligner la précieuse aide de la mère de Jana depuis deux semaines tout en ayant une pensée pour ses parents qui sont retenus à Baie-Comeau par le travail.

 

Grand voyageur en raison de son statut précaire dans les rangs professionnels, Labrie s’est déjà arrêté à Winnipeg, Peoria, Norfolk, Tampa, Syracuse, Rockford, Chicago et Milwaukee. Ce n’est pas la naissance d’un enfant qui va freiner ses ardeurs, au contraire.

 

« Ce qui tombe bien avec Jana, c’est qu’elle voyageait déjà beaucoup avant qu’on se fréquente. L’idée d’aller finir ma carrière en Europe avant que notre fils commence l’école, ça ne lui fait pas peur. Sans avoir hâte de partir de l’Amérique du Nord, l’instinct de voyageur est là. On ne voudrait pas accrocher les patins sans aller voyager un peu en Europe comme en Allemagne ou en Autriche. Il y a tellement de belles places à voir et on peut en profiter en jouant au hockey.

 

« À mon âge, à 31 ans, le rêve de la LNH est encore là, mais avec une famille et le fait que la Ligue américaine est de plus en plus axée sur les espoirs, je ne veux pas dire qu’on va attendre de se faire mettre dehors de la ligue, mais on est prêts à aller de l’autre côté (de l’Atlantique) », a conclu le sympathique hockeyeur qui a joué 46 matchs dans la LNH.