Bokondji Imama est un dur. Un vrai de vrai. On le sait, la LHJMQ au grand complet le sait, et Kelly Bent en sait certainement quelque chose aussi.

Imama, « Boko » pour les intimes, ce n’est toutefois pas qu’un tas de muscles de 213 livres sur patins bon qu’à faire peur et veiller sur Joe Veleno.

Ça non.

« Les gens ne s’en rendent peut-être pas compte, mais Boko, c’est aussi un très bon joueur de hockey », plaide sans la moindre hésitation son coéquipier des Sea Dogs de Saint John, Mathieu Joseph, avant de décrire l’étendue des compétences du colosse de 6 pi 1 po.

« C’est un gars très rapide. Il a un excellent coup de patin même s’il en a beaucoup à déplacer et qu’il est pesant. On lui a demandé de travailler son jeu en général, pas seulement ses mises en échec et ses batailles, et c’est ce qu’il a fait. Il a amélioré ses mains et son lancer, qui est sans doute l’un des meilleurs de notre équipe. »

Imama insiste d’ailleurs, il n’est plus le goon qui a fait ses débuts dans le circuit Courteau à Baie-Comeau en 2012.

 « À 17 ans, je pense que j’ai livré 15 combats. À 18, j’en ai eu 17. Je n’étais pas vraiment impliqué dans les missions défensives ou offensives. J’étais Imama, le bagarreur du Drakkar. C’est comme ça qu’on me reconnaissait quand on me croisait dans la rue. »

« Quand je suis entré dans la Ligue, j’étais sur le quatrième trio, détaille Imama. J’étais le gars d’énergie qui était aussi là pour défendre ses coéquipiers. Mais la Ligue a changé depuis. Dans le temps, chaque équipe avait un gars jouant le même rôle que moi. Aujourd’hui, il y en a de moins en moins. »

Après avoir franchi le plateau des 100 minutes de punition en 2013-2014 et 2014-2015 (101 et 137), Imama a passé 86 minutes en pénitence la saison dernière, ne jetant les gants qu’à cinq reprises au cours du calendrier régulier. S’il est vrai que ses rivaux n’attendent pas en ligne pour le mettre au défi, le sympathique athlète ne force pas les choses non plus.

À moins, bien sûr, qu’il n’en ressente l’urgent besoin...

Imama pète les plombs!

C’est ce qu’a attisé le vétéran de 20 ans des Mooseheads de Halifax Kelly Bent, le 11 décembre dernier, en s’attaquant à la recrue de 15 ans Joe Veleno. Alors au banc des siens, Imama a aussitôt enjambé la bande pour se porter à la défense de son jeune coéquipier.

On ne brise pas le « code » aussi impunément.

Imama s’est ainsi rué sur Bent, le martelant de plusieurs coups pendant près d’une minute, et ce malgré la présence de deux officiels rapidement dépassés par les événements.

« Sur le moment, je pensais que c’était la meilleure chose à faire, mais c’est sûr qu’avec le recul, je réalise à quel point c’était peut-être un peu poussé. C’est arrivé dans le feu de l’action, et il ne s’était pas attaqué qu’à Veleno durant ce match-là, mais j’ai mis ça derrière moi. Je l’ai fait, j’ai écopé de conséquences et j’ai grandi. »

Suspendu pour les 15 matchs suivants, Imama a réglé ses comptes avec Bent plus de deux mois plus tard et ne s’est battu qu’une seule fois depuis, au deuxième tour des séries face aux Screaming Eagles du Cap-Breton.

« Sais-tu qui je suis? »

Depuis son retour du camp d’entraînement du Lightning de Tampa Bay, Imama n’a écopé que de quatre minutes de punition en neuf rencontres. Évoluant au sein du deuxième trio des Sea Dogs aux côtés de Nathan Noel et Spencer Smallman depuis le début de sa cinquième et dernière campagne dans la LHJMQ, Imama a même inscrit un but et glané une mention d’aide.

« Le Lightning veut que je connaisse une bonne saison ici à 20 ans. Ils veulent que je continue à me développer pour devenir un joueur plus complet. »

Depuis que le club floridien a fait de lui un choix de sixième ronde en 2015 à sa deuxième année d’admissibilité, Imama prouve jusqu’à maintenant qu’il en a le potentiel. Le Lightning a d’ailleurs fait un énoncé en ce sens en permettant au hockeyeur aux racines congolaises de prendre part à un premier match préparatoire le 27 septembre face aux Hurricanes de la Caroline.

« J’ai su la veille que j’allais jouer. Je m’en rappelle encore. Dès que j’ai reçu l’appel dans ma chambre d’hôtel, j’ai regardé par la fenêtre l’aréna, situé tout juste de l’autre côté de la rue. Je voulais profiter pleinement du moment. »

C’est ce qu’il a fait.

« Le pointage était de 3-1 (en faveur des Hurricanes) et il ne restait qu’une minute au match. (L’entraîneur-chef) Jon Cooper s’est alors mis à prononcer une série de noms de joueurs qui allaient embarquer. C’était tous des gars reconnus pour leur touche offensive, mais il faut croire qu’il avait vu quelque chose en moi. Il m’a alors dit : " Je te mets devant le but et tu ne bouges pas de là ". C’est ce que j’ai fait et ç’a marché ».

Bokondji ImamaAlors qu’il appliquait les freins devant le gardien des Hurricanes Daniel Altshuller, Imama a vu le tir de son coéquipier Joel Vermin rebondir sur sa cuisse gauche avant de ricocher dans le filet.

En plus de ce but inespéré, Imama a conclu sa soirée de travail avec trois tirs au but et deux mises en échec en un temps de jeu légèrement supérieur à 10 minutes.

« C’est exactement le genre de match que j’espérais jouer », confie Imama, encore transporté par l’intensité du moment et visiblement heureux de s’être imposé avec autre chose que ses poings. Et ce n’est pas parce que l’occasion ne s’est pas présentée.

« En deuxième période, j’ai complété une grosse mise en échec sur un défenseur qui joue habituellement dans la Ligue américaine. Il m’a cross-checké,  je l’ai cross-checké. Il m’a ensuite dit : " Sais-tu qui je suis? ". Je lui ai répondu : " Je ne sais pas qui tu es, mais si tu veux savoir qui je suis, on peut y aller ". Il n’a pas jeté les gants et ç’a fini là. »

Imama est peut-être dorénavant bien plus qu’un homme fort dans sa plus simple expression, mais ça ne veut pas dire qu’il se détache de l'étiquette qui lui colle à la peau.